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QUESNEL. LA BULLE VINEAM DOMIN1


en droit de préférer son sentiment à celui de l’Église et se croirait, par l’effet d’une présomption insupportable, l’arbitre souverain du sens des livres et des écrits en matière de religion… La décision de Sa Sain leté va devenir, par l’acceptation du corps des pasteurs la règle commune des Églises et la loi constante des fidèles… » Il adhère aux maximes unanimement approuvées sur le droit des évêques : « Nous jugeons, après Sa Sainteté, que le seul silence respectueux ne suflit pas pour rendre l’obéissance qui est due aux constitutions d’Innocent X et d’Alexandre VII, qu’il faut s’y soumettre intérieurement et rejeter non seulement de bouche, mais aussi de cœur, le sens du livre de Jansénius, condamné dans les cinq propositions. » L’archevêque de Besançon (21 oct.) ordonne aux curés « d’expliquer la substance de la bulle à leurs fidèles, afin qu’ils ne se laissent pas séduire par les fausses opinions des ennemis de l’Église ». L’évêque de Soissons (25 nov.) écrit : « Lorsque l’Église a prononcé sur le sens d’un livre, tout vrai fidèle doit renoncer à son propre sens et se soumettre intérieurement au jugement qu’elle a rendu. Cela est pour ainsi dire tout raisonnable… N’est-il pas temps qu’ils écoutent la voix de leur mère, ces défenseurs d’un livre aussi inutile que dangereux et qu’ils cessent de disputer contre elle ? » L’évêque de Chartres (5 janv. 1706) analyse et approuve les diverses parties de la bulle et il condamne en même temps la Défense de tous les théologiens catholiques et, en particulier, des disciples de saint Augustin, laquelle attaque les évêques et leur reproche leur lâcheté et leur servilité à l’égard de Rome. L’évêque d’Ypres (5 janv. t70(>) fait de nombreuses allusions à l’origine du jansénisme dans son diocèse : « De là sont venus tant de libelles répandus dans le public pour le surprendre et pour cacher l’attachement à la mauvaise cause, sous le voile spécieux de la justice qu’on devait à un évêque recornmandable d’ailleurs par sa piété… ; il faut imiter l’auteur du livre, qui en a été la funeste cause : il a prévenu avec soin ce que l’Église aurait demandé de lui s’il avait vécu plus longtemps et il a effacé ses erreurs par la soumission dont il a réitéré les protestations en tant d’endroits de son livre, mais qu’il a surtout renouvelées avec tant d’humilité, étant prêt à mourir, pressé par la force de la vérité… Les fidèles d’Ypres doivent donner l’exemple d’une soumission complète puisqu’ils sont dans le lieu où l’erreur a malheureusement, pour ainsi dire, pris sa naissance. L’évêque de Beauvais, le 1° février, et enfin l’archevêque de Narbonne, le 15 février, publièrent leur mandement.

C’est seulement le 1° mars 170fi, c’est-à-dire l’un des derniers, que l’archevêque de Cambrai publia son mandement pour la publication de la bulle Vineam Domini ; par suite, on ne saurait lui reprocher son empressement à attaquer le jansénisme. Son instruction pastorale (Œuvres, t. xiii, p. 85-148) développe le sens de la bulle et souligne avec beaucoup de bonheur les conséquences qui en découlent pour la condamnation du jansénisme. L’archevêque publie le texte même de la bulle et il le fait précéder de remarques « pour en faire sentir toute la force et toute l’étendue à certains lecteurs auxquels leurs préjugés obscurcissent les décisions les plus évidentes … Il avait longuement médité son mandement et il avait adressé au cardinal Gabrielli son projet, d’après la lettre latine du 31 octobre 1705 de ce cardinal à Fénelon et d’après la lettre du 1’. Malatra, jésuite, fi novembre 1705. Correspondance de Fénelon, t. iii, p. 8084. Il montre que la question du silence respectueux est particulièrement grave, car, sous des apparences trompeuses, ce système fomente l’hérésie, autorise le parjure et la plus honteuse dissimulation, et par là

même aggrave et propage les plaies de l’Église, en semblant les guérir ; aussi le jugement de l’Église sur le silence respectueux n’est point un article de pure discipline, mais un jugement doctrinal qui a toutes les conditions requises pour obliger tous les fidèles.

Fénelon a complété et précisé les idées exposées dans son instruction du 1 er mars par la lettre qu’il écrivit, le 1 mai 1706, au P. Lami. Correspond., t. m. p. 106-115. Le pape, dit-il, a établi avec évidence la nécessité de croire le prétendu fait, d’une croyance certaine et irrévocable, et l’héréticité du livre de Jansénius ; les jansénistes peuvent seulement prétendre que la bulle ne décide pas que cette croyance doit être fondée sur une autorité infaillible : mais la bulle suppose cela évidemment : si elle exige une croyance certaine et irrévocable, c’est qu’elle prononce un jugement certain, fondé sur une autorité certaine.

Réaction romaine.

A Borne, le cardinal de

.lanson, notre ambassadeur, était convaincu que la bulle serait acceptée avec enthousiasme : le 21° septembre, il écrivait au roi que le pape avait reçu fort agréablement la lettre de l’assemblée du clergé et qu’il était ravi de l’enregistrement au Parlement. A/], étr.. Rome, Correspond., t. cdliv. Mais Clément XI avait lu les lettres patentes et la lettre de l’assemblée et il était fort mécontent du contenu de celles-ci : dans ses audiences privées, il faisait remarquer qu’on lui avait formellement promis, au nom du roi, qu’on recevrait la bulle avec soumission et sans la moindre réserve ; or, l’assemblée avait insisté pour dire qu’on recevait la bulle o par voie de jugement et après mûr examen ». Aussi le cardinal l’aulucci, ministre du pape, déclarait-il à.lanson que le pape se plaignait : la manière dont les évêques ont reçu la bulle était « une marque d’ingratitude et une injure contre le Saint-Siège » ; le discours de l’archevêque de Rouen était une insulte à l’autorité du pape, comme la lettre circulaire aux évêques. dans laquelle on lit : Nous ne recevons pas comme simples exécuteurs, mais nous jugeons et nous prononçons véritablement avec le pape. » Clément XI lui-même écrivit une première fois, le 17 janvier 1706, aux évêques de l’assemblée :

Combien n’esl-il pas regrettable que vous, dont le devoir est de reprendre les hommes inquiets qui troublent l’Église, vous cédiez à leurs suggestions et leur donniez la main, sans VOUS en apercevoir ? Qui vous a établis juges ? Appartient-il aux inférieurs de juger sur l’autorité des supérieurs et d’examiner leurs jugements ? Oui, c’est un abus intolérable de voir des évêques, qui ne doivent leurs privilèges qu’à la faveur du pontife romain, chercher à ébranler les droits du premier siège, des droits qui reposent non sur l’autorité humaine, mais sur celle de Dieu… » l’n peu plus loin, le pape déclarait aux évêques » qu’il ne leur demandait pas leurs conseils, qu’il ne réclamait pas leur suffrage, qu’il n’attendait pas leur jugement, mais qu’il leur enjoignait l’obéissance… » Le bref adressé au roi le 25 février était presque aussi catégorique. Le pape avait évité, dans la constitution, < toute clause qui pût déplaire aux défenseurs les plus susceptibles des usages gallicans ; il aurait donc pu espérer, en retour, que l’assemblée du clergé userait à son égard des mêmes attentions, dans un temps surtout où la concorde entre le chef et les membres était si nécessaire ». Lorsque ces lettres arrivèrent en France, les membres de l’assemblée s’étaient séparés ; ils n’eurent donc pas à en délibérer et à rédiger une réponse : il eût été curieux de voir la réponse officielle que les évêques auraient pu faire à cette revendication des thèses romaines si nettement opposées aux thèses gallicanes.

Le pape écrivit directement au roi, le 31 août 17nfi (Hist. du cas de conscience, t. vii, p. 147-161), pour lui