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    1. RELIQUES##


RELIQUES. LES THEOLOGIENS RECENTS

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des patriarches), aux Actes, c. viii (sépulture honorable donnée au diacre Etienne), ne viennent ici que connue un modeste appoint. Ni sont d’ailleurs à peine discutés.

Après un bon article sur la tradition ancienne des grandes Églises de Rome, d’Antioche, de Constant inople et de. Milan, Suarez inaugure la série des saints Pères par les Clémentines, t. VI, c. xxx, et les Constitutions apostoliques, qui ne prouvent que pour le ive siècle. Les miracles de Dieu en faveur des reliques, que saint Thomas avait prudemment donnés comme ' opérés en leur présence », Suarez les donne comme « faits par les reliques, tamquam per divina organa : c’est une nuance d’idée conforme à la tournure prise par l’enseignement ordinaire. A la série des définitions conciliaires citées plus haut, l’auteur ajoute un concile de Mayence, can. 51, et surtout le concile de Trente, sess. xxv, decr. 2, que nous venons de donner. Les raisons théologiques du commentateur sont celles de la Somme, avec quelques modifications plus ou moins intentionnelles : en tête de la démonstration, la preuve tirée de la dignité intime des corps des saints, i qui furent les temples des saintes âmes » ; puis, le motif augustinien remployé par saint Thomas et complété ainsi par Suarez : « conserver des reliques est un signe d’amour pour les saints, et elles excitent à ce même amour à leur égard ». L’analogie de la foi fournil à Suarez une considération nouvelle : ' Les reliques des saints ont avec eux une relation plus étroite que les images, et » — même comme simples mémorise « elles les représentent mieux. Or les images saintes ont droit à notre culte… » Parmi les objections classiques de Suarez, une seule est à retenir ; la dernière de celles de saint Thomas ; celui-ci l’avait posée sur le terrain métaphysique, mais Suarez la ramène délibérément sur le terrain moral : « Dans les reliques, dit-on, il ne reste plus [du corps du saint] que la matière première, et tout au plus la même quantité avec quelques accidents. Réponse : cette difficulté ne doit pas être traitée métaphysiquement, mais plutôt moralement : ce rapport [que l’on cherche entre les reliques et le saint] n’est pas une chose physique, ni une relation réelle, mais une relation de raison, une certaine dignité morale. » Loc. cit., p. f15(i. (.'est ici une de ces positions intermédiaires que le jésuite espagnol affecte de prendre dans les discussions théologiques : après avoir mis en tête de sa démonstration l’argument métaphysique : corpora sanctorum juerunt lempla animarum sanctorum, dont saint Thomas pourtant n’avait fait qu’un à côté de son article de la Somme, Suarez propose que l’on remette dans l’ombre cette « chose physique » qu’est la sanctification des corps saints par leur « relation réelle avec l'âme », ou mieux, comme, écrivait saint Thomas, avec le Saint-Esprit. S’il croyait cette position métaphysiquement intenable, il aurait mieux fait de laisser tomber la première de ses preuves ; mais, en le faisant, il risque d’abandonner un lambeau de la théologie traditionnelle ; il garde donc cet argument, qui parle tant à l’imagination et à l’esprit de foi, mais, pour lui, l'âme ne donne aux corps des saints (prune « dignité morale ». Quant au second argument, le motif d'édification, il fait remarquer sagement que les reliques ne peuvent nous faire ris souvenir des saints que si elles demeurent reconnais sables, quamdiu rrs sul> ttili forma conservatur, et quc, réduites à quelques grains de poussière, il y aurait, a vouloir les conserver. < quelque indécence dont il faut se garder ». Enfin Suarez note, à piopos du danger des fausses reliques, que pour honorer prudemment une relique neemajor eerliludo exigenda est quam ad aliarum virtutum acius, nempe privaium lestimonium. Ibid., ]>. 058.

Parmi les théologiens scolastiques de l'époque moderne, plusieurs avaient fait un choix assez exclusif

entre les raisons données par saint Thomas pour le culte des reliques, les uns disant qu’elles étaient vénérables en elles-mêmes, mais d’un culte inférieur à celui que l’on doit aux saints, et les autres disant qu’elles méritent exactement le même culte que leurs prototypes, culte de dulie mais relatif, quand il s’agit des reliques, absolu quand il s’adresse directement aux saints dans le ciel. Bellarmin pose assez exactement le problème dans le De Hcclesia triumphanti, ii, 3, op. omnia, t. iii, p. 203-211.

Rilluart, De incarnatione, dissert. XXIII, a. 4, pour accorder les uns et les autres, renvoie à la distinction qu’il avait faite, loc. cit., a. 3, à propos des images. « L’image peut être considérée de trois manièies. 1. Matéiiellement, ut est res quædam… Piise ainsi, l’image n’a droit à aucune vénération ». Ce premier point de vue est difficilement applicable aux reliques. 2. Elle peut être considérée très formellement, in actu exercilo, comme faisant son rôle d’image, qui est de présenter actuellement l’exemplaire dont elle tient la place… c’est l’exemplaire même in esse reprœsentalivo, bien que comme objet matériel, elle ait sa matière, sa figure à elle. 3. L’image peut être envisagée d’une façon intermédiaire, en tant que chose sainte destinée au culte des saints, et qui a aussi la vertu de les signifier : c’est encore, disent certains théologiens, l’image formellement considérée, non pas toutefois in actu exercilo, mais in actu signato, non pas comme représentant actuellement, mais comme représentative du prototype, à qui elle emprunte une certaine sanctification et quasi-consécration, un peu comme… les reliques des saints sont dites saintes à cause de la relation avec la réalité sacrée, qu’est la personne du saint. »  » Ce point de vue est celui de Suarez, de Sylvius et d’autres. Kien que saint Thomas, à cet article 3 de la Somme n’en ait pas fait mention, il en reconnaît ailleurs le bien fondé, lia-Il 16, q. xcix, a. 3, où il énumère l’ordre de ces réalités saciées : 1. La personne sainte. 2. Les sacrements, puis, « en seconde place les vases sacrés pour la réception des sacrements, et les images saintes et reliques des saints, dans lesquelles d’une certaine manière les personnes mêmes des saints sont honorées. »

Rilluart pouvait donc, en bon thomiste, appliquer sa distinction aux reliques des saints : « Si les reliques des saints sont saisies d’un même regard avec le saint dont elles sont les reliques, comme un seul objet total, le tout est honoré d’un même culte : le saint primario et propler se, les reliques secondairement et à cause du saint. De même, dit le saint docteur, nous vénérons du même respect le roi et son vêtement : d’où il conclut qu’une cioix quelconque est adorée d’un culte de latrie, bien entendu latrie respective, comme nous l’avons expliqué ci-dessus pour les images ; la même raison existe pour les reliques considérées en ce sens. Si au contraire on les considère précisément dans la relation qu’elles ont avec le saint dont elles sont les reliques, en tant qu’elles furent quelque chose de lui ou qu’elles l’ont touché, comme nous l’avons dit des images considérées au troisième point de vue, alors ces reliques sont honorées d’un culte inférieur qui n’appartient qu’analogiquement et reduclive au genre du culte [de dulie | donné au saint lui-même. C’est exactement la même solution que pour les saintes images considérées de la troisième façon ». Billuart, De incarnatione, disp. XXIII, a. 4.

Pour se rendre un compte exact de cette doctrine, il faut se dire que le théologien applique non pas matériellement mais formellement aux reliques sa judicieuse distinction concernant les images. Or le rôle formel de la relique est de conserver un reste matériel du saint, et non pas simplement d’en représenter la