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RELIQUES. APRÈS LE CONCILE DE TRENTE


raîtra dans les cieux », comme il est dit, Matth., xxtv, 30. Ainsi pour le saint Docteur, en conformité avec le sentiment chrétien, la croix a raison de relique du Christ, mais aussi d’image, tandis que d’autres reliques du Christ, comme la sainte lance ou les clous de la passion n’ont pas raison d’image ; aussi des clous imités des clous authentiques ne sont plus de vraies reliques, et ce ne sont point des images du Christ ; tandis que des croix quelconques sont encore de vraies images dignes de culte. « Aussi rendons-nous un culte de vénération à toute représentation de la croix du Christ en quelque matière qu’elle soit, mais non à des imitations des clous ou d’autres instruments de la passion. » Ibid, ad 3um. Cette distinction entre la Sainte-Croix et la Sainte-Lance font supposer que, pour saint Thomas, il y a pareillement des reliques des saints qui en sont aussi des images, tandis que d’autres n’en sont pas. Ce sera toujours la différence que la saine dévotion catholique mettra entre un corps saint, une relique insigne, qui représentent parfois le saint si vivement, et une poussière d’os qui ne dit rien aux yeux.

Saint Thomas fait une brève mention, d’un ton presque détaché, Summ. theol., III a, q. Liv, a. 2, ad3um, « du sang du Christ qui est conservé comme relique dans quelques églises », par exemple à l’église du Saint-Sang de Bruges, célèbre par ses pèlerinages. La réserve avec laquelle il s’exprime sur l’origine de ce sang et son authenticité parfois discutable es’- à re.narq 1er. Cela ne l’empêche pas d’y voir des reliques dignes de vénération : « Ce sang est conservé dans certaines églises comme reliques ; mais il n’a pas coulé du côté du Christ : c’est par miracle qu’il a coulé, dit-on, dicitur, de certaine image du Christ frappée » par des juifs ou des impies. Dans le culte des reliques, dit-il encore, il faut se garder des pratiques superstitieuses, soit par des excès dans les marques de vénération, soit par « quelque vaine observance, qui ne va pas à la révérence de Dieu et des saints. » IIa-IIæ, q. xcvi, a. 4, ad 2um. Suarez y verra « matière à sacrilège ». Opéra omnia, édit. Vives, t. xiii, p. 617.

Sauf les commentateurs de saint Thomas, les autres théologiens scolastiques des xive et xve siècles n’envisagèrent guère la question des reliques que du point de vue moral, se bornant à reproduire sans les approfondir, les raisons dogmatiques, traditionnelles désormais dans l’École. Voici, qui les résume assez bien, une page du compilateur Denys le Chartreux : « Comme l’avoue Pierre d’Ailly dans son livre De ecclesiaslica potestate, la vérité de la foi catholique tient le milieu entre deux erreurs opposées. Sur ce sujet de la vénération des reliques, il y a également deux excès à éviter : les uns, en effet, Eunome et Vigilance après lui, prétendent qu’il ne faut donner aucune révérence aux reliques des saints. Les autres, à leur égard, se montrent superstitieux, pensant honorer les saints par des pratiques qui leur déplaisent, comme des usages extravagants ou charnels, des pompes exagérées, des oripeaux curieux, des beuveries sans frein et des excès de tous genres. Tout cela est contraire à la loi naturelle comme à la loi divine. » Dionys. Carlus. opéra omnia, t. xxxvi, p. 201. L’auteur résume honnêtement les raisons données par saint Thomas ; mais aux miracles de Dieu en faveur des reliques, il ajoute cette variante : « Enfin les âmes des saints, qui jouissent maintenant de Dieu dans la béatitude, aiment leurs propres reliques, les honorent et viennent les visiter ; ils accordent de nombreux bienfaits aux villes et aux hommes qui les conservent respectueusement et les honorent comme ils le doivent. » Loc. cit., p. 202. « Contre les précédents abus, le Corpus juris a fulminé », continue-t-il et le Chartreux cite pêle-mêle les vrais conciles et les Fausses Décrétales, d’après le Décret de Gratien.

VII. Le concile de Trente et les théologiens postérieurs. — 1° Le déc-el du concile de Trente. — Les précurseurs de la Réforme avaient, dès le xive siècle, protesté contre le culte rendu aux saintes reliques, unissant dans une même réprobation des abus trop certains et des pratiques d’une incontestable légitimité. Devant leurs attaques l’Église n’était pas demeurée à court.

Parmi les erreurs de Jean Huss, le concile de Constance, session xliv, note que celui-ci accuse les prêtres catholiques « de penser en infidèles de… la vénération des reliques » ; et il demande d’interroger les suspects « s’ils croient qu’il soit licite aux fidèles de vénérer les reliques des saints », et de les questionner, si c’est l’usage du pays « par serment sur les reliques des saints ou sur le crucifix ». Mansi, t. xxvii, col. 1197 ; Denz.-Ban iw., n. 679.

Ces négations et ai Mit renouvelées de Wiclefî ; elles furent reprises au siècle suivant par tous les réformés ; le culte des reliques était, pour Luther, une invention lucrative de l’Église romaine et se dénonçait comme contraire à la parole de Dieu dans l’Écriture. Calvin s’élève contre les fausses reliques, pai exemple les exemplaires multiples d’un même saint. Contre ces novateurs, le concile de Trente, session xxv, porte le décret suivant, qui se tait sur l’argument scripturaire, mais fait appel à la tradition apostolique, à l’usage universel, aux condamnations antérieures et aux deux principales preuves de raison développées depuis longtemps par les Pères et dans l’École : « Le Saint Concile mande aux évêques et à tous autres ayant fonction et charge d’enseignement, selon l’usage de l’Église catholique et apostolique, reçu dès les premiers temps de la religion chrétienne, d’instruire avec soin les fidèles sur l’honneur dû aux reliques…, leur montrant que les corps saints des martyrs et autres saints qui vivent avec le Christ, qui furent des membres vivants du Christ et le temple du Saint-Esprit… par lesquels [corps saints] de multiples bienfaits sont accordés par Dieu aux hommes, doivent être vénérés des fidèles. » Puis passant à la condamnation, le concile ajoute aussitôt : « De telle sorte que ceux qui affirment qu’aux reliques des saints n’est due ni vénération ni honneur, ou que ces reliques et les autres monuments sacrés sont inutilement honorés des fidèles, et qu’on fréquente en vain les mémorise des saints, dans l’espoir d’en obtenir secours, tous ceux-là doivent être absolument condamnés, comme l’Église les a condamnés depuis longtemps et les condamne encore présentement. » Denz.-Bannw. , n 984, 985.

Encore que le décret ait une allure disciplinaire, qui le distingue à première vue des habituelles définitions dogmatiques du concile — la hâte avec laquelle ont été rédigés ces derniers décrets y est pour quelque chose — il ne laisse pas néanmoins de mettie in tulo une vérité qui s’appuie sur des considérants d’ordre doctrinal : la légitimité et donc la licéité du culte des reliques. Le concile n’a pas entendu préciser le genre de culte qui leur était dû ni les raisons qui le fondent ; au fait il y avait sur la matière d’assez amples discussions parmi les théologiens scolastiques. Ces disputes, après le concile, vont reprendre ; elles sont pour les docteurs une occasion d’arriver à d’utiles distinctions.

Les théologiens postérieurs au concile.

Les premiers

polémistes antiluthériens avaient signalé, vaille que vaille, les réponses topiques à opposer aux arguments des réformateurs. Il faut descendre jusqu’à Suarez, In Sum. theol., disp. LV, éd. Vives, t. xviii, p. 654 sq., pour trouver un exposé d’ensemble, qui fasse appel aux divers lieux théologiques, et une discussion proprement scolastique.

Visiblement les textes scripturaires empruntés à la Genèse c. l et à l’Exode, c. xiii (translation des corps