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RELIQUES. L’ENSEIGNEMENT DE L'ÉCOLE
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tenaient jadis avec leur pei sonne un rapport d’identité ; ils doivent être englobés dans le même culte. Delà une conclusion, non exprimée, que le corps saint mérite d'être honoré pour lui-même : il est l’objet partiel, quoique très secondaire, du culte que l’on rend aux saints.

c) La troisième preuve est présentée comme une conséquence de la précédente : Unde et ipse Deus hujusmodi reliquias convenienter honorai, in corum præsenlia miracula faciendo : l’intervention de Dieu en faveur des reliques est un simple signe, mais irréfragable, de leur dignité. On remarquera d’un côté l’assurance avec laquelle l’auteur fait appel à ces miracles, admis par tous, d’un autre côté, la réserve qu’il met à en expliquer la causalité : puisque ce sont des miracles, ils sont opérés par Dieu ; puisqu’ils sont faits « en présence des reliques », celles-ci en sont l’occasion, mais peut-être à cause de la dévotion des fidèles et de leurs prières au saint du lieu ; saint Thomas ne dit pas que les reliques soient la cause instrumentale des miracles.

d) Les trois réponses aux objections précisent les caractères du culte des reliques : 1. culte d’honneur, culte de dulie et non de latrie, « comme, dit-il, celui que les païens rendaient à leurs morts » (?). 2. Culte dû à des corps inanimés, « non à cause d’eux, mais à cause de l'âme qui leur fut unie jadis et qui maintenant jouit de Dieu, et à cause de Dieu, dont l'âme et le corps furent les serviteurs ». "Voilà pourquoi, Dieu étant l’objet final de cette vénération, saint Thomas tolère, sans bien la comprendre, l’expression si fréquente chez les docteurs grecs : adoration des reliques ; et c’est à cause de ce respect qu’il a de la tradition grecque qu’il ne donne pas une réponse tout à fait négative à sa question liminaire : « Les reliques des saints doiventelles être de quelque manière adorées ? » 3. Culte qui unit dans la même vénération le saint et tout ce oui appartient à sa personne : son corps vivant autrefois et son corps inanimé maintenant : voilà bien la portée lointaine de la deuxième partie de la thèse ; mais elle se heurtait à une objection métaphysique. « Un corps mort n’est pas de même espèce que le corps vivant ? Il n’est donc pas numériquement le même. On ne doit donc pas, après la mort d’un saint, vénérer son corps. » La difficulté est sérieuse et exige une réponse, si la relique corporelle doit être objet de culte. Voici la solution un peu trop résumée de saint Thomas' : « Le corps mort d’un saint est le même que son corps vivant… du point de vue de l’identité de la matière, laquelle doit être à nouveau réunie à l'âme, sa première forme. » Nous dirions : le corps saint a perdu son principe vivant, mais il reste tout de même constitué par les mêmes molécules de matière, qui furent jadis sanctifiées par l'âme et qui seront un jour revivifiées par elle.

Dans l’article 4 de la même question, saint Thomas étudie le cas d’une relique d’une excellence particulière : la vraie croix de Notre-Seigneur. Il y explique mieux encore et le caractère relatif qu’il reconnaît au culte des reliques et à celui îles images et la supériorité des premières sur les secondes. L’honneur ou révérence n’est dû qu'à la créature raisonnable ; et ce n’est qu'à cause d’elle que l’on honore la créature insensible. On le fait d’ailleurs pour un double motif : soit parce qu’elle représente la nal lire raisonnable, soit parce qu’elle lui est jointe de quelque façon, in quantum ri quoeumque modo conjungitur. Pour le premier motif, les hommes ont coutume de révérer l’image d’un roi ; pour le second, ils vénèrent son vêtement. A ces deux sortes d’objets insensibles les hommes rendent le même honneur qu’au roi lui-même. On saisit déjà comment le culte des images et celui des reliques prennent leur racine dans le sens humain, et Comment la raison formelle des unes et des autres est diverse ;

mais elles se trouvent réunies dans la croix de la passion : « Si nous parlons de la croix même sur laquelle le Christ a été crucifié, elle nous est vénérable des deux manières ; premier motif, parce qu’elle nous représente la figure du Christ étendu sur elle » : voici son rôle d’image ; et voilà son rôle de relique : « Second motif, parce qu’elle a touché aux membres du Christ et qu’elle a été toute inondée de son sang. Aussi d’une façon comme de l’autre, la vraie croix est adorée d’une rm me adoration avec le Christ. Et à cause de cela aussi, nous nous adressons à la croix et nous la prions comme le Crucifié en personne. » Sum. theol., III a, q. xxv, a. 4. Pour saint Thomas donc, qui étudie toujours les choses du point de vue le plus formel, la raison de relique est distincte absolument de la raison d’image : celle-ci représente son prototype à l’esprit, elle en retrace la figure, tandis que celle-là en conserve sinon la forme, du moins les éléments matériels. Mais, si cette forme matérielle de la relique peut fournir à l’esprit un rappel du saint qui l’a laissée, ce qui était relique peut prendre raison d’image. Et l’on voit que saint Thomas n’exige pas une conformité plastique, puisque, pour la vraie croix, son seul aspect < représente » à l’imagination « l’image du Christ qui fut étendu sur elle ». A ce titre, on pourrait même dire que toute relique a plus ou moins raison d’image, non pas par origine exemplaire, et similitude de figure, mais par similitude de matière et par origine naturelle.

La raison formelle de relique est expliquée également par saint Thomas dans toute sa généralité par ces mots : alio modo in quantum ei quoeumque modo conjungitur. Cette conjonction, il l’entend d’une relation réelle, non seulement exemplaire et représentative comme pour l’image, mais physique, par contact, par habitation, etc., pour constituer « une conjonction de quelque façon ». Mais l’exemple qu’il prend du vêtement du roi explique bien que cette jonction peut être naturelle ou artificielle, habituel le ou momentanée. Et les deux choses se réalisent pour la relique de la vraie croix : 1° Ex conlaclu ad membra Chrisii, contact passager, et 2° Ex hoc. quod ejus sanguine est perfusa, contact permanent. C’est la justification applicable à toute relique dite « représentative », linge imbibé du sang d’un martyr, ou objet ayant touché réellemert, à son corps. Bien entendu, la relation serait beaucoup plus intime si la relique, réelle celle-là, avait appartenu à la personne du saint ; comme le remarque saint Thomas, toujours à propos de la vraie croix : « Bien qu’elle n’ait pas été unie personnellement au Fils de Dieu », par exemple comme le Saint-Sang, « la croix du Christ lui fut cependant unie d’une certaine manière di liérente, à savoir [par représentation et] par contact : et pour ce seul motif on lui doit la vénération. » Ibid., ad 2°m.

La solution suivante, dans le même article, montre bien comment saint Thomas envisage la relation de relique par contact, aussi bien à propos des saints que de Notre-Seigneur : il suffit que le contact soit réel et local ; mais, par le fait même, les exemplaires de ces reliques ne sont pas indéfiniment multipliâmes par voie d’imitation, comme pour les saintes images, qui peuvent être une image d’image. « Quant à cette raison de contact avec les membres du Christ, nous adorons non seulement la croix, mais aussi tout ce qui a été [en relation réelle | avec le Christ. C’est pourquoi le Damascène écrit au IVe livre (De la foi orthodoxe, c. ii ] : « Le bois précieux [de la croix), parce que sanctifié par le contact du corps sacré et du sang, doit être adoré dignement, mais aussi les clous, les vêtements, la lance ; « le même les saintes demeures où le Christ a séjourné. » Mais ces dernières reliques ne représentent pas l’image du Christ comme la croix, qui est appehe dans l'Écriture « le signe du Fils de l’homme qui appa-