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RELIQUES. L’ENSEIGNEMENT DE L'ÉCOLE


l’autel. Autrefois sans doute - - et aujourd’hui encore l'évêque à l’office pontifical il baisait en ce moment le livre des Évangiles. Quand il a baisé les reliques de l’autel, vers le vi° siècle, il a dû d’abord ne prononcer aucune prière ; comme il le fait encore au Vendredi saint : le geste suffisait pour marquer le culte traditionnel. Depuis le XIIe siècle au moins, il récite la formule : Oramus le per mérita sanctorum, quorum reliquim hic suni, ut indulgere digneris omnia peccata mea, qui a l’avantage de proclamer le caractère de sacramental que l'Église reconnaît au baiser des reliques. Avant d’en venir à cette formule stéréotypée, dès le xe siècle, les Eglises germaniques utilisaient des foimules de sens équivalent. Lebrun, Explication des prières de la messe, édit. 1829, p. 1 13.

Dans la suite de l’avant-messe, avant la collecte, avant l’offertoire, se maintient, pour le prêtre, la conjonction entre le baiser de l’autel et le Dominus oobiscum, c’est-à-dire comme une certaine préséance fin salut aux reliques sur le salut au peuple. A la fin de l’offertoire du missel de saint Pie Y a pris place une autre prièie, venue sous diverses formes du bas Moyen Age : Suscipe, sancta Trinitas, où un regard est donné aux saints présents par leurs reliques : et islorum et omnium sanctorum. Plus aucune allusion à notre culte dans la partie ancienne du canon romain : c'était à prévoir.

L’office canonial, dans sa partie psalmique, et de même L’antiphonaire et le lectionnaire de la messe, enchaînés au texte des psaumes ou des livres sapien tiaux, ont du se contenter de très rares allusions aux reliques des saints. Trop heureux de trouver dans l’Ecclésiastique, xliv, 11, la phrase. Ccrpora sanctorum in puce sepultu sunt et vivent nomina corum in generationem et genendionem, ils en ont fait un usage répété : antienne 3 et répons du commun actuel de plusieurs marlyrs, Alléluia de la messe Jntret, etc. La piété s’exprimait plus à l’aise dans des pièces que l'Église romaine a tolérées longtemps sans les admettre dans son office : les Actes anciens et nouveaux des martyrs et les homélies des docteurs du Ve siècle, enfin et surtout les hymnes triomphales des ixe et x" 1 siècles.

Dans ces hymnes mêmes, comme dans le reste de l’office, il faut se garder de prendre les accents de triomphe pour les martyrs comme des professions de piété pour leurs reliques : c’est le cas, dans l’hymne ambrosienne Rex gloriose marlyrum pour les mots : Trophma sacra pangimus, Ignosce quod deliquimus. Mais il y avait une hymne célèbre qui chantait sans aucune amphibologie les gloires de la relique de la Passion : le Vexilla régis de Fortunat, avec cette strophe : crux une ! spes unica. Hoc Passionis tempore. Auge piis juslitiam, Reisque doua veniam. Sur quoi saint Thomas fait celle réflexion : « Nous donnons à la croix un culte de latrie, puisqu’en elle nous plaçons notre salut… Nous lui rendons la même adoration qu’au Christ lui-même : c’est pourquoi nous nous adressons à la Sainte Croix et nous la prions comme le crucifié en personne. » Sum. theol., [II », q. xxv, a. I.

D’ailleurs la liturgie avait d’autres expressions que des textes revenant a jours fixes. La place des reliques dans les autels et sur les autels était une prescription officielle très significative d’un culte liturgique ; celle d’enlever les reliquaires portatifs au moment du sacrifice ou de les voiler en présence de la sainte hostie, marquait sagement les limites OÙ devait s’arrêter un culte de dulie

La translation des reliques dans l’autel était une cérémonie rare, mais très expressive : elle constituai ! la partie essent [elle et très solennelle de la consécration de l’autel et de l'église. La partie rituelle de la cérémonie rappelle au théologien actuel la grande vénération que professa toujours l'Église catholique pour

les reliques parfois bien minimes qu’elle met à la place d’honneur dans la pierre du sacrifice. Autrefois les Églises gallicanes réservaient plutôt la solennité pour le tombeau où elles prenaient les sanctuaria destinés au nouvel autel : on y célébrait des vigiliæ, avant la dédicace, selon le témoignage de Grégoire de Tours. Dans les Or, Unes romani anciens, la pompe liturgique ne comportait pas de vigiles, mais commençait avec la procession de translation. La liturgie romano-gallicane, depuis Charlemagne, a fusionné les deux rites, accumulant ainsi les marques d’une dévotion non équivoque. Mais à cette époque, elle jouait plutôt un rôle modérateur et permettait à tous de s’instruire aux accents d’une liturgie si sûre de ses enseignements jusque dans son enthousiasme, et si prudente à maintenir au culte des reliques son caractère relatif et theocentrique : « Ébranlez-vous, Saints de Dieu, de vos demeures ; hâtezvous vers les lieux qui vous sont préparés… Levez-vous, Saints de Dieu, de vos demeuressanctifiez les lieux, bénissez le peuple, et nous, hommes pécheurs, gardez-nous en paix. Met lez-vous en marche. Saints de Dieu, entrez dans la cité du Seigneur : car une église neuve vous a été édifiée, où le peuple doit adorer la majesté divine, etc. » La procession, précédée de la croix, la civière des reliques portée par des prêtres, et faisant le tour de l'église, à l’imitation de l’arche d’alliance, les onctions de saint chrême à l’intérieur et à l’extérieur du sépulcre destiné à recevoir ces saintes reliques, le souvenir enfin que, chaque année, la liturgie ramène de ses sanctuaires, lot sanctorum decorari reliquiis, tout cela maintenait dans le peuple la communion des âmes avec leurs modèles célestes et avec Jésus-Christ leur chef.

5° L'.nseignement des théologiens scolastiques. — En présence d’une doctrine bien établie dans la conscience de l’Eglise enseignante et d’un usage passé dans la pratique des fidèles, les premiers sommistes auraient dû faire une étude philosophique de la question. Mais Piene Lombard ne lui ayant pas donné place dans ses Sentences, ses commentateurs se sont bornés à stigmatiser les abus dans le culte et à marquer le caractère relatif du culte en question. Ainsi saint Bonaventure, qui pourtant ne donne pas de nom spécial à ce culte : « Aux images donc et aux reliques est due aliqua reverentia sibi competens ; mais à Dieu seul est réservé le culte de latrie ». De seplem donis Spirilus sancti, édit. Vives, t. vii, p. 604. Dans le même traité, il énumère volontiers les reliques des saints avant les saintes images, respectant la hiérarchie que l’Eglise d’Occident avait maintenue. C’est aux seules images qu’il reconnaît un caractère purement relatif. Non enim adpratur signum secundum quod res, sed solum ipsum signatum ; mais il n’ose être aussi catégorique pour les reliques, auxquelles les chrétiens attachent une importance intrinsèque : elles se réfèrent aux saints sicut ad [inem, mais non sicut ad objectum, étant en elles-mêmes objet de culte. In Sentent.. 1. 111, dist. XXVII, a. 2, q. IV, éd. Vives, t. iv, col. 619.

Saint Thomas d’Aquin, qui n’avait donné que des remarques de détail sur ce sujet, dans son Commentaire des Sentences, comme dans son Compendium theologiiv, s’est décidé, dans la Somme théologique, à lui donner une place à part dans le traité de l’incarnation, place conservée depuis dans tous les traités systématiques. Sum. theol.. III', q. xxv, a. 6.

Dans cet article, après la preuve d’autorité résumée dans le Sed contra, il y a, comme l’a bien observé Cajétan, in hune locum, comme trois parties qui se complètent l’une l’autre, et qui embrassent toutes les vues fragmentaires de la pensée chrétienne, ancienne et récente : la première est la preuve essentielle, démonstration propter quid, (pli s'étend à tout le défini, qui s’applique à toutes les reliques, quelles qu’elles soient,