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RELIQUES. APRÈS LE TRIOMPHE DE L'ÉGLISE


faisaient en présence des reliques. » Wieland, Mensa et con/essio. Mais parfois, comme pour sainte Agnès, le domaine où le saint avait été enseveli n’avait aucun cimetière souterrain, et l’on devait faire la réunion chrétienne dans la catacombe la plus proche. Cf. Duchesne, Liber Ponlificalis, 1. 1, p. 196. Plus tard, après la paix de l'Église, on construisit, et cette fois sur le lieu même de la sépulture, de petites églises, des cellæ en plein air, telles celle de Saint-Sixte, les trois sanctuaires de la voie Latine, ou de la Salaria nova, les deux églises du cimetière de Prétextât, etc. Ibid., p. 51 ! 1-522. Alors on n'était plus devant la tombe, mais au-dessus ce qui, d’ailleurs, n’importe guère au sens du culte : il est avéré que les corps saints, durant les trois premiers siècles, furent le centre d’un culte de prières et d’hommages religieux aux anniversaires de leur martyre.

Si l’on avait tant de latitude pour fixer une simple réunion funéraire, il est à croire que les réunions liturgiques du dimanche, avec célébration de la messe, n’avaient lieu que très exceptionnellement dans les cimetières » suburbains. ""' '~~ J

Mais, même en ces lieux pleins de reliques de saints, a-t-on tenu à célébrer l’eucharistie exactement sur leurs tombeaux ? C’est une question très controversée. Peut-on avancer a priori avec dom Leclercq, qu' « un intime rapprochement s'était opéré dès la fin du i 8r siècle entre la commémorais m du Christ et celle des martyrs ? Que « l’autel du sacrifice leur était commun ; le corps du Christ se consacrant sur la pierre qui contenait les reliques des saints » ? Agape, dans Dictionn. d’arche’ol. t. i, col. 816. De même Fuak écrit : « Il est établi pour les iie et iiie siècles que, sur les tombes, on célébrait l’eucharistie au jour anniversaire des défunts. » Didascalia, 1905, p. 376. Au contraire Wieland prétend que « ni par les monuments, ni par la littérature des trois premiers siècles, on ne peut prouver qu’on ait utilisé un tombeau comme autel ; il faudra bien en convenir ». Mensa und Con/essio, 1906, cité par Rauschen. Eucharistie et Pénitence, trad. française, p. 86, Dans les églises domestiques « on dressait une table pour chaque sacrifice, que l’on ôtait ensuite. Cette table ne contractait pas une bénédiction, ni une signification particulière ». Pareillement < dans les cryptes souterraines, on n’offrait pas le saint sacrifice sur le corps des martyrs ; mais on célébrait à l’occasion sur des tables placées à côté des sépultures ; ainsi le voiton pratiqué à S ùnt-Calixte, aux Saints-Marc-et-Marcellin ». C’est bien un autel-table que nous présentent toujours les fresques des Catacombes. Cependant ces mêmes fresques eucharistiques encadrent parfois les tombes des grands martyrs romains : » le tombeau principal, parfois unique de telle chambre sépulcrale, comme celui de la Capella græca, < creusé dans le tuf, se trouve abrité sous la voûte de Varcosolium qui le domine. Sur la cloison de briques qui forme le couvercle de l’auge de pierre, contenant les restes du confesseur de la foi, une dalle de marbre était scellée, ou simplement glissée dans les rainures pratiquées à ses extrémités pour la recevoir ; et elle servait ainsi de table à l’oblation du sacrifice eucharistique ». A. Prczct, dans Lilurgia, p. 160. Entre les deux opinions, nous n’avons pas à prendre parti ; mais, fùt-il local et transitoire, cet usage ne tarda pas à se répandre dès la fin du iiie siècle, car il ne faisait que traduire en actes le rapprochement qui flotte dans la pensée des anciens auteurs, « ad gloriain Christi et laudein martyrum ejus ». Acla Carpi et sociorum, dans Cabrol, Monum. eccl. lilurgica, n. 3864.

Pour en finir avec cette question, constatons qu'à l'âge suivant, au iv » et au e siècle, on en arriva, en effet, à célébrer la sainte messe de préférence sur les tombeaux (évidemment déplacés) des confesseurs de la foi, et ce lien établi officiellement entre l’eucharistie

et le corps des martyrs, mettait à son tour en un relief concret l’union du Christ avec ses membres glorieux « qui l’ont aimé durant leur vie, et imité dans leur mort : même esprit et même foi en eux tous ». Bréviaire romain, iç. 2, Commune ptur. martyrum. C'était déjà le trait le plus significatif du culte des reliques et le recours à la doctrine du corps mystique du Christ qui le justifie d’une façon si parfaite à nos yeux, t C’est avec convenance, dira saint Maxime de Turin, et en raison d’une certaine communauté qu’on ensevelit le corps des martyrs là où tous les jours on célèbre la mort du Seigneur. En elïet, ceux qui sont morts pour glorifier sa mort doivent reposer dans le mystère de son sacrement. Il est juste, dis-je, en vertu d’une certaine communauté de placer le corps de celui qui a été immolé là où sont déposés les membres du Seigneur mort aussi, afin que ceux qui ont été joints ensemble dans une même passion soufferte avec le Christ, soient unis par un sentiment religieux dans un même lieu. » Serm, lxxvii, P. L., t. lvii, col. 690. L'évcque italien pense que c’est l’aute du sacrifice qui a attiré les tombes des martyrs ; on peut toutefois se demander si, parfois, ce n’est pas plutôt le corps d’un martyr plus célèbre qui aurait attiré les autres sépultures et localisé la commémoration de la mort du Christ.

6. La prière aux tombeaux des martyrs.

Les tombeaux des martyrs attirèrent très vite les sépultures des fidèles. Dès avant la fin des persécutions, les épitaphes parlent de défunts inhumés près des corps saints : les inscriptions : ad martyres, inter limina martyrum, ad sanctos, ad sanctum Cornetium, etc., ne se comptent pas dans les catacombes de Rome. Par ailleurs, cette dévotion a laissé des traces en Orient, en Afrique, en Espagne, dans les Gaules. Cf. Dictionn. d’arclu’ol., aux mots Ad sanctos et Martyrs, 1. 1, col. 488, et t. x b, col. 2450 sq. C’est dans ce geste et dans les inscriptions qui les mentionnent que les épitaphes des v » et vie siècles nous donneront en lin un témoignage explicite du culte des corps saints : Sancli Pelre, Marcelline, suscipile vestrum alumnum. Car pour le iue siècle, les simples demandes de prière ou d’intercession font souvent abstraction du corps du saint et parfois s’adressent à des personnes qui ne sont ni martyres, ni saintes. Loc. cit., col. 2448.

IV. Après le triomphe de l'Église. — La pratique de vénérer les ossements, les cendres ou les linges des martyrs se répandit surtout au moment du triomphe de l'Église, et dès le début du ive siècle. Les écrits des saints docteurs en font foi : les plus illustres d’entre eux, Basile et Jean Chrysostomechez les Grecs, Ambroise et Augustin chez les Latins, prononcèrent d'éloquents panégyriques devant les tombeaux des saints, et, par leur enthousiasme et la précision de leur doctrine, contribuèrent à éclairer et développer le culte des reliques parmi leurs fidèles.

Apologie du culte des reliques au IV siècle.

Le

culte, nouveau dans son expansion, suscita des objections de divers côtés aussi bien en Orient qu’en Occident.

En Orient, Eusèbe raconte qu’il fallut détromper les païens, qui se persuadaient que les fidèles n'érigeaient des tombeaux aux martyrs qu’afin de leur rendre un culte divin. Hisl. eccles., 1. V11I, c. vi, 7. En Occident, le principal adversaire fut le prêtre Vigilantius, prêtre toulousain et homme distingué, qui, choqué des abus qu’il voyait dans le culte populaire, se répandit en invectives vers 403. Lui non plus ne voyait, dans les honneurs donnés aux martyrs, qu’une « pure idolâtrie ». Ces objections avaient été soutenues, avec de vraies brimades officielles à l’appui, par l’empereur Julien. Cf. Cyrille d’Alexandrie, Contra Julianum, l. VI, P. G., t. lxxvi, col. 812.

1. Dans ces attaques, il y avait des objections de