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    1. RELIQUES##


RELIQUES. L’AGE DES PERSÉCUTIONS

T.Yl’i

sépulture », n. 4005, et quand, quarante ans plus tard, » la matrone Pompeiana arrache au juge le corps de saint Maximilien et le conduit « dans sa propre litière », comme un hôte de marque, jusqu’à Carthage… « près du tombeau du martyr Cyprien », n. 4008. L’hésitation n’est plus possible mais nous sommes sous Maximin, au début du ive siècle — quand nous voyons des chrétiens d’Anazarba « demander à genoux à la bonté divine de leur découvrir les restes des saints martyrs » et « ensevelir les corps après avoir chanté l’hymne très sainte et s’être réjouis devant Dieu du grand honneur qui leur était acquis dans le Christ ». Op. cit., n. 3868, 3869. Les rédacteurs de ces Acla Tarachi, Probi et Andronici se croyaient tenus déconsigner « tout ce que Dieu avait fait en leur faveur par le moyen des vaillants martyrs », n. 3860 ; mais, comme ils ne disent mot de miracles ou de guérisons, ils semblent bien voir ces bienfaits de Dieu dans le seul fait de la découverte des corps saints et dans l’honneur qui en rejaillit sur leur chrétienté, « les autres [fidèles de Cilicie] louant Dieu de ce qu’il avait bien voulu faire pour nous. »

Il y a moins de discrétion dans le récit de la sépulture du diacre Euplus, en Italie, « où les bienfaits sont dispensés à ceux qui touchent son sépulcre, où toutes les maladies des infirmes sont guéries jusqu’au jour actuel ». N. 4068. Mais, si le martyre du diacre remonte à l’an 304, la rédaction de ses actes et cette profusion de miracles n’est que du milieu du ive siècle. Même remarque à faire sur les honneurs extraordinaires accordés à la tombe du saint martyr Pamphile, sous Dioclétien, à Césarée : les actes authentiques qu’Eusèbe a eus en mains, notaient simplement que son serviteur avait réclamé, en plein procès, « de pouvoir confier à la terre le cadavre de son maître », n. 3904 ; mais c’est Eusèbe, vingt ans plus tard, qui complète ses documents d’après ce qu’il a maintenant sous les yeux, la soudure restant visible : « Comme la providence divine avait gardé les corps intacts et entiers, on leur donna l’honneur convenable et digne en les confiant à la sépulture ordinaire, ifi auv/jŒi 7rapsS60v) TOtçTJ, voilà l’usage ancien noté souvent par Eusèbe lui-même (Hisl. eccl., t. VIII, c. VI, 7) ; et voici l’usage récent : « déposés en des temples de très belle construction et livrés en de saints oratoires pour recevoir en perpétuelle mémoire les honneurs du peuple de Dieu, à la gloire du Christ, notre vrai Dieu. » Eusèbe, Martyrs de Palestine, n. 17 ; Cabrol, op. cit., n. 391 1.

Jusqu’à la fin du iiie siècle, dans ces Acla sinecra, on ne trouve aucun honneur proprement liturgique donné aux corps des martyrs, mais seulement un soin vraiment religieux à recueillir les moindres restes du saint, et à leur donner une sépulture honorable, que les chrétiens venaient visiter et près de laquelle ils se faisaient parfois ensevelir. On ne voit pas davantage qu’ils se soient permis de diviser les corps saints. Sans doute, les actes espagnols de saint Fructueux († 258) parlent de reliques sauvées du bûcher et par t âgées entre les fidèles : prout quisque potuit, sibi vindicavit, op. Cit. n. 4050 ; mais leur teneur actuelle décèle des imitations répétées de la lettre des Smyrniotes (voir plus haut) et aussi des emprunts à la liturgie du ive siècle, si bien qu’on ne sait que penser de cette apparition du saint à ces pieux receleurs de reliques pour leur demander de les remettre en un même tom beau : appariât fratribus et monu.it ut quod unus quisque per carilalem de cineribus usur paverai, rcsii tuèrent sine mora, unoque in loco simul condendos curarent. Op. cit., a. 4051. Vraisemblablement les rédacteurs du IVe siècle avaient constaté que « les corps à demi-brûlés » étaient disposés dans les tombes en plusieurs paquets séparés, et, prêtant à leurs ancêtres leurs habitudes nouvelles, ils crurent voir dans

cette division des reliques la conséquence de larcins individuels, alors qu’elle provenait seulement de la hâte que chacun avait mise à sauver ce qui lui tombait sous la main pour recomposer, si possible, les corps épars dans leur intégrité. Ainsi, on ne peut dire si les fidèles de Carthage ont jamais osé distraire du tombeau de Cyprien « les linges qu’ils étendirent sous ses pieds » lors de sa décapitation, op. cit., n. 3995, de même que Prudence n’a jamais su si les disciples d’Hippolyte n’avaient pas l’intention de joindre à son cadavre « les lambeaux ensanglantés qu’ils recueillaient avec des éponges ». Peristephanon, xi, veis 141-144. P. L., t. lx, col. 545.

A Spolète, à la veille de la pacification religieuse, on surprend un détail curieux témoignant du respect accordé aux corps saints : l’évêque saint Savin avait été condamné à avoir les mains coupées ; « une veuve avait recueilli les mains amputées de son évêque, et les avait embaumées dans un vase de verre ». On croirait qu’elle les a conservées ainsi et ce serait le premier exemple de reliques particulaires placées dans un reliquaire. Mais, loin d’elle cette pensée : quand le saint eut été mis à mort, la pieuse femme s’empressa « de les rapporter avec le corps et d’ensevelir le martyr près de Spolète », in qno loco exubérant bénéficia Domini et Salualoris noslri Jesu Christi. Op. cit., n. 4082.

Sans doute, faute de mieux, les chrétiens se conten taient de sauver ce qu’ils pouvaient des saintes reliques ; mais ce petit fragment, ces gouttes de sang, on n’osait les garder dans sa maison, et on les inhumait selon la coutume ancestrale. Ainsi s’explique cette inscription de Numidie, qui se date de la persécution de Dioclétien : « Inhumation du sang des saints martyrs qui souffrirent dans la ville de Milève sous le président Florus, aux jours de l’épreuve de l’encens. » Bull, di archeol. crisliana, pl. iii, n. 2. C’est en effet sous la dernière persécution que la sépulture fut, en règle générale, refusée aux martyrs et que les fidèles s’accoutumèrent à recueillir, ce qui n’était jusque-là que l’exception, les moindres restes des martyrs, à défaut de leurs corps entiers. Sous ce rapport encore, la cruauté des persécuteurs aiguisait le zèle ingénieux des chrétiens et éveillait leur dévotion pour des reliques de plus en plus minimes. A Samosate, sous Maximien, les fidèles se préoccupent des corps saints avant même la mort des Sept frères martyrs : « Quand ils furent arrivés en plein forum, un grand mouvement se produisit dans le peuple, et toute la multitude se mit à crier à leur vue : > Le Dieu, en qui vous avez confiance vous rendra vos « corps ; en attendant, nous le prions, grâce à vos « prières, de daigner nous prendre en pitié ». Op. cit.. n. 4399. Après le supplice, voici que « de nobles matrones, dont il est juste d’honorer la mémoire, vinrent vers midi à l’endroit où les martyrs étaient pendus ; elles donnèrent aux gardiens un denier par tête et obtinrent d’eux la permission d’essuyer avec les éponges et les linges qu’elles avaient apportés, la figure des martyrs pendant aux gibets, et de recueillir le sang qui coulait de leurs membres lacérés. » N. 4400. L’épilogue n’est pas moins caractéristique du culte traditionnel : Un citoyen de Samosate, du nom de Bassus, arrive au moment où l’on va jeter au fleuve les corps des bienheureux martyrs ; il court après les licteurs hors de la ville, il leur offre sept cents deniers, et demande les saintes reliques pour leur donner la sépulture. Et, le plus vite possible, il les dépose dans un sépulcre qui se trouve là, au lieu même du supplice. N. 4401.

A plus forte raison ne trouve-t-on aucun exemple de culte véritable pour des reliques représentatives avant le milieu du ive siècle ; car on peut élever des doutes sérieux au sujet de « la chaire de saint Jacques, premier évêque de Jérusalem », dont parle Eusèbe, non