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RELIQUES. LA SAINTE ÉCRITURE


toute petite partie du peuple : sa tribu, sa famille. Pratique familiale, qui n’a plus d’attæhe avec le système religieux mosaïque. « Il faut ajouter pourtant que ce culte rendu aux ancêtres n’est pas la seule forme qu’ait revêtue la vénération des morts chez les Hébreux : il y a une autre manifestation qui a de tout temps tenu une place dans leur piété ; c’est ce qu’on pourrait appeler le culte des héros. Débora, sur la stèle funéraire de qui on versait des libations, n'était pas une ancêtre, non plus que Miriam enterrée dans le lieu saint de Quadèsh ; il faut en dire autant probablement de Josué, de Gédéon, de Jephté, de Samson, en tout cas de Samuel, dont on indique la sépulture, d’Elisée dont les ossements accomplissaient des miracles. » Lac. cit.

M. Lods ne s’embarrasse pas de nos préoccupations dogmatiques, et il accumule tous les faits de l’Ancien Testament qui peuvent dénoncer un culte quelconque des héros d’Israël. Il faut pourtant bien, pour le présent sujet, que nous tentions de démêler le caractère des honneurs ainsi rendus aux chefs du peuple de Dieu. Pour les grands juges, chefs civils et religieux à la fois, dont on indique intentionnellement le lieu de sépulture, on pourra toujours épiloguer pour savoir si on leur donnait la moindre marque de culte religieux. Pour Débora, juge d’Israël, sur le tombeau de qui on offrait des libations, et pour Miriam dont la sépulture même était dans un lieu saint, les honneurs donnés prennent un caractère religieux indubitable ; mais y a-t-illà une pratique exceptionnelle empruntée, par la tribu locale, à la religion du pays ? Cette pratique a-t-elle été tolérée par les organisateurs du culte mosaïque ? Au premier abord, on serait porté à dire que ce culte religieux d’un tombeau n'était pas admis officiellement, puisque la législation de l’Exode et du Lévitique ne lui fait aucune place, et que ses principes mêmes semblent s’insurger contre le contact et la vénération des morts. Pourtant, il y a le cas du sépulcre d’Elisée : le cadavre d’un homme qu’on y a jeté par mégarde reprend vie. IV Reg., xiii, 21. Le geste n’est point religieux, en lui-même, et témoigne plutôt du peu de respect qu’on avait jusque-là pour les ossements du prophète ; mais il y a le geste éclatant de Dieu cjui vient réclamer pour l’homme de sa droite sinon des libations ou des prières, du moins des marques nouvelles d’honneur en rapport avec le miracle fait sur ses reliques. Il faut noter aussi le prodige opéré par le manteau d'Élie, IV Reg., ii, 14 : à la voix d’Elisée, il divise les eaux du Jourdain. Qu’en faut-il conclure, sinon que, dans ce pays du grand prophétisme, du moins pendant ces siècles reculés et jusqu'à la destruction du royaume d’Israël, on observa un certain culte religieux pour les corps et les reliques des grands prophètes ?

D’ailleurs toutes ces notations de sépultures ou de miracles sont intentionnelles : lorsque l’auteur sacré désapprouve un usage chananéen ou égyptien, comme les sacrifices humains et les pral iques magiques, il sait bien marquer le désaveu de Jahvé ; son silence au sujet des honneurs donnés aux cendres des héros d’Israël comporte donc une approbation tacite de cet usage, qui avoisine de près notre culte des reliques des saints. Si, plus tard, au dernier chapitre du Deutéronome, qui rapporte la mort de Moïse, et qui donc a été rédigé postérieurement, Dieu nous est montré soustrayant le corps du grand législateur aux recherches et aux honneurs des Israélites, cela lient à une évolution plus rigide du culte mosaïque, supprimant par précaution toute image et tout objet sensible de l’horizon cultuel du judaïsme intégral. Jusqu'à Jésus-Christ, on en restera fidèlement au simple souvenir des glorieux ancêtres dont les corps reposent dans la paix. » EcclL, xliv, 14 ; cf. Sap., iii, 3. Les théologiens ont donc rai

son de remarquer que « cela a été fait par Dieu pour que le corps de Moïse ne fût pas adoré comme un Dieu par les Juifs, très enclins à l’idolâtrie. » S. Chrysostome, Homil. v in Matth.. cité par Billuart, De incurnatione, diss. xxiii, a. 4 ; ils ont même raison de dire que cela ne comporte pas une réprobation définitive par Dieu du culte des corps saints. Cependant ils ne devaient pas espérer, après ce coup de barre, trouver dans les derniers livres de l’Ancien Testament des textes tout à fait en faveur des reliques des saints. Rien de plus significatif à cet égard que les efforts quefait saint Cyprien, dans sa première lettre aux confesseurs en prison, pour tirera lui les textes de l'Écriture, » ces célestes recommandations par quoi le Saint-Esprit n’a cessé de nous exhorter à supporter les souffrances du martyre ». Epist., vi, édit. Hartel, p. 480 sq. Il a beau appliquer à sa thèse le psaume cxv, ꝟ. 15 : Pretiosa in eonspeclu Domini mors justorum ejus, et aussi le ps. xxx, ꝟ. 20 : Mullæ pressurie justorum… Custodil Dominus omnia ossa corum, puis la Sagesse, iii, 4-8, « à l’endroit où la divine Écriture parle des tourments qui consacrent et sanctifient les martyrs de Dieu : Et si corum hominibus lormenta passi sunt, etc., et enfin le livre de Daniel, iii, 16-18, avec le miracle des trois enfants dans la fournaise ; Cyprien y trouve bien des paroles à la gloire des martyrs, mais rien en faveur des reliques qu’ils laisseront après eux. Il n’est pas plus heureux d’ailleurs avec les textes du Nouveau Testament, Joa., xii, 25 ; Matth.. x, 28 ; Rom., viii, 16-18.

2° Le Nouveuu Testament. Ces écrits n’apportent, en effet, que des éclairs passagers sur le culte chrétien des reliques.

Le fait de l’hémorroïsse, qui touche la frange du vêtement du Christ et qui s’en trouve guérie (Matth., ix, 20-2 1), surtout la parole de la miraculée approuvée par Jésus : « Si je puis seulement toucher son manteau, je serai guérie ! », toute cette scène notée par l'évangéliste est assurément un de ces éclairs, et sa lumière éclaira sûrement les premières manifestations du culte naissant. Mais, en somme, ce n'était pas plus un mira cle de reliques que la guérison des malades « par la vertu qui sortait de Jésus et les guérissait tous », Luc, vi, 20, ou celle des aveugles et des muets avec de la boue et rie la salive par le Sauveur avant sa passion. En tous cas la prescription du Noli tangere, qui défendait tous les corps morts de la profanation, en éloignait aussi les honneurs religieux que les Juifs eussent été tentes de leur donner. Les termes mêmes que saint Pierre emploie au lendemain de la Pentecôte, Act., H, 25 sq., en parlant aux Juifs de « David, le saint de Dieu, qui a vu la corruption du tombeau », cf. Ps., xv, 25, vont dans le même sens. Aussi serait-il vain de chercher des traces de notre culte dans la première chrétienté hiérosolymitaine.

Que dire des guérisons opérées « par l’ombre rie Pierre venant à passer dans les rues de Jérusalem ». Act., v, 15, sinon que c’est un des nombreux miracles opérés par les apôtres, iv, 12, mais non pas du tout un miracle de ses reliques ? Il aurait été pourtant commode de trouver le culte des reliques dès la mort du premier martyr, saint Etienne ; mais la rédaction de saint Luc, Act., viii, 2 : « Etienne fut enseveli par des hommes pieux, qui lui firent de solennelles lamentations », ne comporte rien de plus, semble-t-il, que lis solennités civiles alors permises pour les grands pn sonnages juifs, par exemple saint Jean-Baptiste, à qui ses disciples tirent également cle pompeuses funérailles. Marc, vi, 2°. Du moins, ni pour l’un, ni pour l’autre, l'Écriture sainte ne note ni prières des fidèles. ni miracles.

On recueille un dernier écho de celle circonspection juive dans l’Apocalypse de saint Jean : il associe a Jésus dans son triomphe les fidèles qui ont donné leur