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RELIQUES, LA SAINTE ÉCRITURE


quand on parle des « reliques d’une personne aimée », on prend, par une extension légitime et fréquente, dans une acception profane un vocable qui garde un sens exclusivement religieux : il n’est pas jusqu’aux écrivains modernes les plus étrangers aux idées chrétiennes qui n’empruntent à la doctrine et aux usages catholiques une nuance de culte fervent quand ils écrivent qu' « une armée a laissé sur le champ de bataille des reliques sanglantes ».

Comme variantes des mots reliquiæ, ~kzifya.v<x, on trouve dans les Actes des martyrs les expressions ow|ia, corpus au sens de cadavre, ossa, membra, etc. Les premiers auteurs ecclésiastiques utilisèrent naturellement ces mots de la langue usuelle dans leur acception courante : pour les fidèles d’Antioche et ceux de Smyrne (en 156), comme pour leurs compatriotes païens, les dépouilles de leurs glorieux martyrs, Ignace et Polycarpe, sont des reliquiæ, Xsî'jiava ; ils parlent des « os de Polycarpe qui avaient échappé aux flammes du bûcher » ou des « parties plus dures du corps d’Ignace qui avaient été abandonnées » par les bêtes du cirque, dans des termes qui auraient pu être employés par le grellier du tribunal. Mais, aux ive et ve siècles, outre qu’on les accompagne d'épithètes admiratives, sacra ossa, bealorum corpora, destinées à en corriger la vulgarité originelle, on remplace volontiers le mot reliquiæ par des synonymes plus imagés : exuviæ, Irophœa, signa, crJ[i.60Xa, etc.

2° On appelle reliques, dans le langage de l'Église, des objets sacrés qui ont été en contact réel avec le Christ ou les saints, et qui nous rappellent leur souvenir, non pas comme les pieuses images, par une simple représentation, non pas comme un vase sacre. par une destination cultuelle, mais bien par un rapport objectif avec le corps de.Jésus, dans sa vie humaine, par une appartenance plus ou moins intime dans le liasse avec les saints ou les bienheureux qui sont maintenant au ciel.

Au premier rang de ces reliques, à cause de la dignité de leur objet, il faut mettre les instruments de la passion du Christ, non pas que la doctrine théologique qui les concerne soit sensiblement différente, mais l’histoire de leur culte est assez spéciale et demande à être traitée à part. Voir Choix (Adoration de la), t. iii, col. 2339-2363. Quant aux reliques des saints, dont nous allons étudier le culte et la doctrine, il faut qu’elles aient appartenu à un saint canonisé ou à un bienheureux qui a droit aux hommages des fidèles. On range sous ce nom, non seulement les restes de leurs corps et leurs ossements, qu’on peut dénommer reliques corporelles, mais encore les choses qui furent a leur usage, durant leur vie terrestre, comme les vêtements dont ils se couvraient, les objets sacrés ou profanes dont ils se servaient dans leur vie quotidienne, et surtout les intruments de leur pénitence, de leur captivité ou de leur supplice, tout cela constituant encore des reliques réelles ; enfin — reliques dites représentatives — leur tombeau même et les linges, étoffes ou objets pieux mis au contact de leurs ossements, de leur sépulcre ou simplement des lampes de leur sanctuaire. Mille objets divers que la piété des fidèles rangea sans hésitation dans le même culte.

13e cette simple énumération, il ressort que les reliques, si diverses soient-elles, doivent être des objets matériels qui ont été en relation immédiate ou médiate avec un saint ou un bienheureux : le genre de relation que ces objets ont eue avec la personne sainte fait la qualité des reliques, et leur classification est basée sur ce contact plus ou moins intime ou banal, transitoire ou permanent : elle tient donc à l’histoire et à la nature des choses. En relation avec une personne digne d’un culte religieux, ces objets, si insignifiants parfois en eux-mêmes, sont devenus sacrés et dignes d’un

culte, qui se rapporte d’abord au saint, au Christ, et finalement à Dieu.

A ce titre, tout ce qui nous rappelle un saint et nous le rend présent, à nos esprits comme à nos yeux, pourrait passer pour une relique vénérable, et, au premier chef, les écrits des saints Docteurs et les lettres des apôtres : on sait de reste combien les Saintes Écritures étaient chères aux premiers chrétiens et singulièrement aux fidèles d’Afrique du ine siècle, qui versaient leur sang plutôt que de livrer les textes sacrés aux persécuteurs : ils avaient pour les Saintes Écritures un culte aussi ardent que pour la sainte eucharistie ou pour les corps de leurs martyrs : c’est sans doute qu’ils y voyaient la parole de Dieu, ou, comme ils disaient, des lettres envoyées par le Christ lui-même ; mais, secondairement, ils y vénéraient, avec saint Jean Chrysostome, « cette voix amie » des saints apôtres. Cependant, les écrits des apôtres et des Pères de l'Église, précisément parce que la relation qu’ils ont avec leurs auteurs est trop abstraite et purement spirituelle, ne sont pas regardés comme de vraies reliques des saints, à moins qu’ils ne soient conservés en autographes, dans les exemplaires qui ont été écrits de la main des saints ou transcrits par eux, ce qui les met avec eux dans le même rapport matériel que les autres reliques.

II. Le témoignage de la Sainte-Écrituke. 1° L’Ancien Testament. — Il n’y a pas à faire fond, sans discernement, sur les passages de l'Écriture que l'Église utilise dans l’office des Reliques (Ex.. xiii, 1(1 ; IV Reg., xiii, 21), mais sans préciser qu’elle les prend au sens historique. On ne peut non plus arguer, sansles expliquer, des anticipations de notre culte des reliques que l’on peut trouvera première vue dans l’Ancien Testament ; car, a côté de certains textes de la Bible qui paraissent favorables à la thèse catholique, les protestants en alignent deux ou trois autres, tirés parfois des mêmes livres, qui semblent, sinon la condamner, du moins la déconseiller.

La seule façon intelligente et respectueuse de lire l’Ancien Testament, c’est, ici encore, de se rappeler l'économie de la révélation juive. Il faut donc recourir à la méthode historique, c’est-à-dire mettre les divers témoignages à leur époque et dans leur milieu, et confronter, comme l’ont fait Notre-Seigneur et saint Paul p)UT d’autres sujets, le plein établissement de la loi mosaïque avec le système religieux qui l’avait précédée, et dont il reste assez de vestiges dans les plus anciens livres historiques de notre Bible, Les premières mentions que l’on y trouve de ce qui deviendra nos reliques des saints se réduisent en somme au culte des morts. Les anciennes relations historiques de la Genèse, i.. 12 et 20, et de l’Exode, xiii, lit, citent avec éloge ce fait qu’en Egypte dans ce pays où les corps des rois et des ancêtres étaient l’objet d’un si grand culte — les Israélites embaumèrent, selon les rites des Égyptiens, les corps de Jacob et de Joseph, et transportèrent le premier en grande pompe au lieu où Abraham avait choisi sa sépulture de famille, à Hébron. en Chanaan. Saint Etienne, accueillant une tradition juive, parle d’un transport des restes des (ils de Jacob à Sichem. Act., vii, lti. De cette fidélité à la sépulture des ancêtres et des honneurs rendus à leurs ossements, « nous sommes en droit de conclure, écrit A. Lods, Israël, p. 204, que les tribus hébraïques ont dû avoir, avant leur entrée en Chanaan, un culte des ancêtres, de la famille et du clan régulièrement organisé. » Mais ce culte des morts, par l’extension de ses bénéficiaires et la restriction de ses fidèles — tous les ancêtres honorés par leurs seuls descendants — n’est pas du tout celui des reliques tel que l'Église le conçoit : s’il s’adresse bien aux corps des défunts, il ne les met pas en relation avec « le Dieu unique », mais avec le peuple, ou plutôt une