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QUESNEL. LA BULLE V1NEAM DOMINI


(dép. du 3 mars), amena le pape à réunir sept commissaires chargés de préparer la bulle. Mais la chose n’est pas exacte, car les commissaires s'étaient déjà assemblés chez le cardinal Ferrari le 25 janvier ; il y eut deux congrégations les 4 et 28 février 1705. Hisl. du ras de conscience, t. vi, p. 251-254.

A la même époque, un Mémorial était présenté aux cardinaux du Saint-Office, au nom de M. Hennebel et de quelques autres théologiens de l’université de Louvaiii. contre le décret de l’archevêque de Malines, louchant la signature et l’interprétation du Formulaire, dans lequel ce prélat approuvait et adoptait une ordonnance de l'évêque de Chartres, diamétralement opposée aux brefs d’Innocent XII. Hisl. du ras de conscience, t. vii, p. 254-258. Il s’agissait de deux propositions relatives au silence respectueux, dont on demandait la condamnation parce qu’elles supposaient que l'Église juge des choses cachées, dont le jugement est réservé à Dieu (ibid., p. 258-283) : ainsi, on reviendrait à la doctrine qui fut, en 1608, le fondement de la paix de Clément IX. Cet le demande des théologiens de Louvain expliquait et appuyait celle de Louis XIV et, en même temps, elle manifestait les manœuvres et les intrigues des jansénistes, car les docteurs de Louvain certifièrent qu’ils ignoraient le Mémorial présenté à Rome par Hennebel et qu’ils n’avaient chargé aucun agent de les représenter à Rome. Ibid., p. 284.

Le projet de bulle fut dressé à Rome et envoyé à Paris le 31 mars 1705 ; à Versailles, la satisfaction semble avoir été générale ; il fut proposé à Noailles, qui le regarda comme l’acceptation par le pape des libertés de l'Église gallicane, au procureur général d’Aguesseau et au premier président de Ilarlay, qui y trouvèrent la reconnaissance des droits du Parlement pour l’enregistrement et le contrôle des brefs venus de Rome ; enfin l’entourage du roi y vit le triomphe du monarque et la subordination de la cour de Rome. On jugea la bulle acceptable dans le fond et dans la forme : elle condamnait le jansénisme et rejetait le principe sur lequel il s’appuyait depuis longtemps puisqu’elle déclarait nettement que le silence respectueux ne suffisait point ; il fallait donner aux faits décidés par l'Église une créance intérieure. Beaucoup de jansénistes regardaient le silence respectueux comme une misérable équivoque : si une doctrine est fausse, il faut la condamner ; si elle est vraie, il faut l’accepter. L’erreur n’a pas droit au silence, et la vérité demande une adhésion entière : telle est la thèse de Pascal, qui disait : « Il faut crier d’autant plus fort qu’on est censuré plus injustement ; jamais les saints ne se sont tus. » Or ce silence prétendu respectueux était condamné. Que pouvait -on désirer de plus ?

Cependant, quelques parlementaires auraient voulu que la bulle fît mention des démarches du roi, afin qu’elle ne parût pas venir de l’initiative du pape ; de plus, le projet parlait de l’obéissance duc au SaintSiège ; on aurait souhaité la suppression de celle proposition. Mais le pape ne voulait rien modifier, car, écrit Janson le 19 mai, il croyait qu’on voulait l’obliger à consentir à l’un des articles de l’assemblée de 1682, qui porte que les bulles et les constitutions (les papes. en matière de foi, n’ont point de force si elles ne sont reçues par le consentement de tous les évêques. Et le pape ne pouvait tolérer que les évêques jugeassent avec lui et après lui..lanson essaya d’arracher quelques concessions : lui-même raconte, dans sa dépêche du 30 juin, comment il avait engagé le pape à prier, le jour OÙ il célébrerai ! la messe sur l’autel de SaintPierre, le 2 !) juin, ce saint de lui donner les lumières nécessaires pour connaître en quoi consistait son autorité et pour dresser sa constitution en des I ennes qui

ne blesseraient ni son autorité légitime ni les principes de l'Église gallicane, afin de pouvoir éteindre les restes du jansénisme. Clément XI fit plus : une lettre du Il juillet ordonna des prières publiques dans toutes les églises de Rome, « pour obtenir de Dieu l’assistance de ses lumières dans une délibération très grave et très importante ». Le jeudi 16 juillet 1 705, la bulle fut lue au consistoire et elle fut affichée le lendemain, avec les formalités ordinaires. C'était la bulle Vineam Domini Sabaoth. Les jansénistes ont dit qu’elle avait été dressée par le cardinal Fabroni et les jésuites, ses bons amis. C’est dire à l’avance qu’ils ne l’accepteront pas.

La bulle.

Le pape se plaignait de ce qu’on abusai principalement du bref de Clément IX aux quatre

évêques et des deux brefs d’Innocent XII aux évêques des Pays-Bas. Clément IX avait exigé des quatre évêques « une véritable et absolue obéissance », et Innocent XII n’avait nullement modifié les déclarations précédentes. Ce dernier, « en déclarant, avec sagesse et précaution, que les propositions extraites du livre de Jansénius ont été condamnées dans le sens évident que les termes dont elles sont composées présentent d’abord et expriment naturellement, a voulu parler du sens propre et naturel qu’elles forment dans le livre de Jansénius ou que Jansénius a eu en vue… ; il n’a rien voulu adoucir, restreindre ou changer dans les constitutions d’Innocent X et d’Alexandre VII ». Puis Clément XI condamnait le silence respectueux : « Sous le voile de cette trompeuse doctrine, dit-il, on ne quitte point l’erreur, on ne sait que la cacher ; on couvre la plaie, au lieu de la guérir ; on n’obéit point à l'Église, mais on s’en joue. Rien plus, quelques-uns n’ont pas craint d’assurer que l’on peut licitement souscrire le formulaire, quoiqu’on ne juge pas intérieurement que le livre de Jansénius contienne une doctrine hérétique, comme s’il était permis de tromper l'Église par un serment et de dire ce qu’elle dit sans penser ce qu’elle pense. »

La décision portée par Clément XI était aussi précise qu’on pouvait le souhaiter ; aussi la bulle Vineam Domini peut être regardée comme un des monuments les plus importants de l’enseignement de l'Église ; mais les jansénistes vont continuer à multiplier les subtilités et, encore une fois, ils arriveront à affirmer que cette bulle ne décide rien contre eux.

3° L’acceptation de la bulle par l'Église gallicane. — Elle arriva à Versailles le 27 juillet et elle fut d’abord accueillie avec enthousiasme. Le cardinal la trouve « très belle et très bonne… ; il n’y a pas, ce me semble, de difficultés à la recevoir. Je crois, au contraire, qu’il le faut faire le plus tôt, et avec tout l’honneur qui sera possible. » Afj. rtr., Rome, Correspond., t. cdliii, Noailles à Torcy, le 17 juillet. Par une lettre du 2 août, le roi communiqua la bulle à l’assemblée du clergé, afin, dit-il, « que vous puissiez la recevoir avec le respect qui est dû à notre Saint-Père le pape et le zèle que vous apportez dans tout ce qui regarde le bien et l’avantage de l'Église » ; il demande aux membres de l’assemblée de délibérer sur l’acceptation de celle bulle et sur « la voie qu’ils estimeront la plus convenable pour la faire recevoir d’une manière uniforme dans tous les diocèses ». Procès-verbaux de 1705, p. 158-150 (la bulle se trouve à la suite, p. 159-170) et Collections des procès-verbaux du clergé, t. vi. col. 839-840,

Le 3 août, l’assemblée du clergé, réunie sous la présidence du cardinal (le Noailles, cul communication Officielle de la bulle. Les membres de cette assemblée, sauf Noailles, toujours prêt à « pilaliscr », et peut-être Colbert, archevêque de Rouen, n'étaient pas jansénistes : mais ils étaient gallicans. La lecture de la bulle provoqua des déceptions. L’assemblée, écrit Lafltau