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RELIGIONS. CLASSIFICATION, CULTES DE I/INDE


d’Europe et baumes du (lange, Éditions du Cerꝟ. 1931, litre des chapitres m et vi.

La tradition hindoue est elle-même double, il s’y trouve « une orthodoxie et une hérésie », en d’antres termes le brahmanisme qui est lié et demeuré dans l’Inde et le bouddhisme qui y est né aussi, mais que l’autre a expulsé.

1. Le brahmanisme orthodoxe.

Chez d’autres peuples, la religion n’est qu’une partie de la vie, chez les Hindous tout est religieux ou du moins mystique. Leur pensée entière a pour base une révélation contenue dans des Écritures : Yédas, Brahmanas, Aryanakas et Upanishads. C’est de plus « une mystique, car elle ne repose pas sur les démarches de la raison naturelle, celle-ci ne pouvant fournir que des connaissances d’ordre inférieur ou même illusoire ; une mystique qui, dans telle école, se passera de Dieu ou des dieux, mais une mystique quand même, ne se transmettant que par une expérience personnelle, à laquelle on se préparera en obéissant ponctuellement à une tradition qu’il faut croire. » Op. cit.. p. 44.

La religion des Yédas apparaît comme un polythéisme à peu près pareil aux autres, avec ses dieux, Varuna, Indra, Agni, Rudra en rapport avec les phénomènes et les objets de la nature..Mais au-dessus de ces dieux plane une loi impersonnelle et toute-puissante, les dieux rentrent facilement les uns dans les autres, et une pensée philosophique s'ébauche dans les dernières hymnes du Hig-Véda qui pourra devenir un panthéisme ou un monothéisme.

Puis viennent les Brahmanas, commentaires rituels du sacrifice, monopole de la caste des brahmanes. Tout dépend du sacrifice y compris les dieux : Rudra, Çiva, Vishnou, etc. La force occulte mise en branle par les rites sacrificiels est le Brahman, bientôt identifié avec l’Alman, le souille, l'âme qui meut tous les êtres du cosmos. Les dieux deviennent les ombres ou les symboles d’une puissance diffuse, conçue en général comme impersonnelle. Le panthéisme règne en même temps que la magie : pour acquérir l’immortalité, on sacrifie le plus que l’on peut et en observant scrupuleusement les règles prescrites, sans offrir la victime ou le don aux dieux eux-mêmes qui ne sont qu’auxiliaires ou figurants du culte, et dans l’espoir de ne pas mourir de nouveau dans l’autre monde (germe de la doctrine du Samsara ou de la métempsycose).

En réaction contre ce magisme, des ascètes recherchent la possession du Brahmanvtman dans le recueillement et les vertiges de l’extase provoquée. « L’Inde alors, après la domination des sacristains, connut celle des philosophes mystiques. » Op. cit., p. 49. Le Yoga ou entraînement à des ravissements artificiels et épuisants est pratiqué par eux pour découvrir l’absolu au fond d’eux-mêmes, non comme un hôte ou un principe supérieur, quoique immanent, mais comme leur essence même : Tu es cela, tu es le Tout. Ils pensent échapper ainsi au karma où le poids de ses actes entraîne l’homme d’existence en existence, car la métempsycose devient un dogme défini. C’est bien le quiétisme, quoi qu’on ait dit, où l’Absolu n’est que le fond « de l’Ame vide de pensées et de désirs, affalée dans une cave d’obscurité cl de silence, au-dessous de l'étage des choses réelles qu’elle s’imagine dominer parce qu’elle les oublie ». Ibid., p. 50-51. C’esl aussi le panthéisme, donnant la même essence à toutes choses et détruisant la vraie notion de l’absolu, du Dieu immuable et infini. « Sans doute, rien n’empêche de supposer parmi les sages de l' Inde brahmanique qu’il ait pu se trouver des hommes vraiment religieux, humbles et de bonne foi

qui aient eu quelque intuition du Maître intérieur au milieu des équivoques d’une philosophie rudimentaire.

Mais, par lui-même, l’absolu du brahmanisme ne pouvait que faire des êtres inutiles aux autres <l a eux

mêmes, cherchant par leurs recettes une puissance universelle et chimérique, rivale de celle du sacrifice brahmanique, par la possession de la force impersonnelle pénétrant toutes choses. De là l’appauvrissement des idées qui ne sont plus renouvelées au contact de la vie, un égoïsme monstrueux faisant du moi un centre absolu, l’ignorance de la prière, des extases relevant trop souvent de la pathologie, les états vagues, indéfinis et mortels d’une conscience vidée, caricature du sentiment de l’Infini. « Lue psychologie étrange a essayé de justifier ce qui nous paraît à nous Occidentaux un suicide de l'âme. Pour se dilater à la mesure de l’Infini, il faut échapper aux conditions qui nous limitent ; le rêve sera ainsi supérieur à la veille et le sommeil au rêve. On atteint ainsi à un étal de superconscience et de satisfaction pleine, inexprimable en termes humains, parce que la conscience de l’homme éveillé n’est que du manifeste et du limité ». Ibid., p. 56-57. C’est en somme l’apologie de la mentalité confuse du primitif, de l’enfant et de l’homme ivre, - mais qui s’accorde trop bien avec la soif de repos, la crainte de l’aventure et de la nouveauté, la propension à vivre plus de sentiments que d’idées, la faiblesse congénitale de l’esprit d’analyse qui caractérisent l’Indien en dépit de la noblesse de ses aspirations vers l’unité suprême. « De l’indifférence à tout ce qui n’est pas l’Absolu, seul être véritable, découle la doctrine de la métempsycose. La réalité est une, donc toute diversité est illusion, maya. Qui ne se libère pas de l’illusion par le renoncement et la méditation est condamné à la subir dans une nouvelle existence, et il peut résulter de cet asservissement une série indéfinie de renaissances : c’est la loi du karma à laquelle on n'échappe que par un effort obstiné pour tuer en soi la volonté de vivre, au moins comme individu. Et il ne s’agit pas là pour le véritable Hindou, cultivé ou non, de je ne sais quelle promenade sur des paliers métaphysiques d’existence, en des mondes extra-terrestres. » P. 67. « Tous les documents qui font autorité enseignent bel et bien qu’on peut renaître, sur cette terre même, dans le corps d’un autre homme, d’un tigre, d’un crocodile, d’un moucheron ; et il serait bien difficile de le prendre pour allégorie. » Ibid., p. 67.

Il y a bien une morale hindoue et minutieuse et dont l’observation importe grandement pour échapper à la loi du karma. Mais la morale n’est conçue que comme le moyen d’abolir la vie illusoire et de parvenir à un état de dépersonnalisation sans « aucune préoccupation du bien des autres pour eux-mêmes, du progrès, de l’humanité en général et du règne de Dieu. De plus, au moins chez Sankara et ses disciples, qui sont les représentants les plus conséquents du Védania, à un certain stade de l’ascension mystique le « Délivrévivant » est au-delà du bien et du mal ».

2. Le. bouddhisme. — Dans le bouddhisme on peut considérer la personne du fondateur, la réforme morale accomplie par ce dernier et la doctrine.

Le prince Siddartha de la famille des Çakyas, appelé (iautamia ou le Sage et Çakya-Mouni (ou Çakya le solitaire), devenu l' « illuminé », le Bouddha « fut puissani en paroles et en actes, un vrai conducteur d'âmes, cl un des grands caractères de l’humanité, à en juger par la séduction qu’il exerça, par l'étendue et la durée de son œuvre. « Est-il — humainement comparable à notre Sauveur ? Sa vie, comparée à celle de Jésus, pas plus qu’elle n’en eut la brièveté, n’a rien de la même grandeur tragique et surnaturelle. Çakya-Mouni ne s’est donné ni pour un dieu, ni pour un envoyé des dieux, c'était un sage, qui avait conscience d'être devenu assez partait pour échapper à la transmigration, et qui eut la générosité, au lieu de jouir de la paix dans une retraite