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    1. QUESNEL##


QUESNEL. LA BULLE VINEAM DOMINI

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serment, tous les livres que l'Église condamne comme hérétiques ; il n’est pas nécessaire d’indiquer, dans un mandement, sur quels principes cette obligation se fonde et surtout il ne faut pas faire appel à un principe contesté, même par des docteurs qui ne sont pas jansénistes.

Dans sa Lettre ù un théologien (Œuvres, t.xii, p. 377-410), publiée en 1706, Fénelon reprend et complète les arguments de ses instructions pastorales : l'Église se croit infaillible touchant les faits et les textes dogmatiques, puisqu’elle exige la croyance intérieure ; il n’y a pas de milieu entre le silence respectueux, que l'Église rejette, et la doctrine de l’infaillibilité qu’il soutient, car la croyance certaine et irrévocable qu’exige l'Église ne saurait être fondée sur un motif incertain, ou procurée par une autorité incertaine. Seule une autorité infaillible peut imposer une croyance certaine et irrévocable.

Les moindres détails de ses instructions étaient notés ; ainsi, dans l’instruction du 21 mars, Fénelon avait parlé de la lettre que l'évêque de Saint-Pons, Percin de Montgaillard, avait écrite en 1667 au pape Clément IX avec dix-huit autres prélats, et dont les jansénistes se prévalaient en faveur du silence respectueux. L'évêque de Saint-Pons était seul survivant et il crut devoir prendre la défense de ses confrères, dont il jugea la réputation compromise : il écrivit à Fénelon une lettre, datée du 9 juin 1705, pour justifier les dixiieuf évêques, qui écrivirent à Clément IX et attaquer la doctrine exposée par Fénelon touchant les textes dogmatiques. Hist. du eus de conscience, t. v, p. 13-38. L’archevêque de Cambrai répondit par une lettre du 10 décembre (Œuvres, t.xii, p. 413-472) : il reprend ses arguments contre le silence respectueux et alïirme que, loin de flétrir la mémoire des dix-neuf évêques, il avait voulu empêcher qu’on n’abusât de leur lettre contre les droits de l'Église. L'évêque de Saint-Pons répliqua par une nouvelle lettre, le 22 mai 1706 (Hist. du cas de conscience, t. v, p. 292-391), et cette fois il défendait ouvertement le silence respectueux : « L'Église, dit-il, n’a jamais cru qu’elle exerçait une autorité infaillible pour la décision des faits… L'Église n’a jamais cru que ses jugements fussent infaillibles sur la condamnation des livres, qui souvent ont été anathématisés dans un siècle où ils faisaient du bruit et justifiés dans d’autres où ils étaient étouffés… Le silence respectueux en soi est suffisant, mais on a attaché un sens défavorable à ces deux mots, en sorte qu’on regarde ce silence comme une marque de révolte, d’indépendance et de malignité. Ceux qui ne sont pas persuadés du fait de Jansénius cachent, sous le silence respectueux, non seulement des pensées contraires à la décision de l'Église, mais encore une volonté formelle de s'élever, d'écrire et de parler contre toutes les bulles et toutes les constitutions sur cette matière… Aussi le Saint-Siège a cru devoir déclarer, par la nouvelle bulle, l’insuffisance du silence respectueux et exiger une soumission de croyance sur le fait de Jansénius. » Cette lettre fut fort lue, vraisemblablement sans l’aveu de l'évêque, sous le titre de Nouvelle lettre de Mgr l'évêque de Suint-Pons, qui réfute celle de Mgr l’archevêque de Cambrai, louchant l’infaillibilité du pape.

Fénelon répondit (Œuvres, t.xii, p. 473-588) pour se plaindre de la violence et de l’injustice des attaques de l'évêque de Saint-Pons et lui rappeler par des documents publics et, en particulier, par le témoignage du cardinal d’Estrées, qui fut un des négociateurs, que Clément IX exigea le renouvellement des souscriptions du formulaire, sans exceptions ni restrictions. Le Saint-Siège ne se contenta donc pas du silence respectueux et exigea des vingt-trois évêques une croyance certaine par une souscription pure et simple. Fénelon

affirme encore l’infaillibilité de l'Église sur les textes dogmatiques et il fait remarquer qu’il a parlé de l’infaillibilité de l'Église et non point de Y infaillibilité personnelle du pape. C’est ce passage qui, au dire du P. Daubenton (lettre au P. Vitry du 24 mars 1709), fut cause que cette lettre de Fénelon, traduite en latin, ne fut pas goûtée des théologiens romains. Fénelon avait dit (p. 588) : « Je ne parle jamais du chef que comme joint avec les membres, ni des cinq constitutions du Saint-Siège que comme reçues dans toutes les Églises de sa communion. » Or Daubenton avait écrit : « On veut l’infaillibilité du pape dans les décisions des faits dogmatiques et on prétend que la décision seule du pape, sans le consentement formel ou tacite de l'Église, suffit pour la condamnation des hérésies et, en particulier, des jansénistes, ce qui fait que la fin de la seconde lettre a fort déplu… Le fantôme qui fait peur à cette cour est l’acceptation des Églises que l’on dit être requise pour rendre infaillibles les constitutions apostoliques. » Aussi Fénelon écrivit-il à Clément XI pour se justifier du reproche de n’avoir pas parlé de l’infaillibilité du pape (Correspond., t. iii, p. 135-136), et le P. Daubenton écrivit à Fénelon le 13 juillet 1707 (ibid., p. 140-143) pour indiquer à Fénelon l'état des esprits sur ce point à Rome. Il faut ajouter, d’ailleurs, qu’un décret du 17 juillet 1709 condamna le mandement de l'évêque de Saint-Pons et ses deux lettres à l’archevêque de Cambrai. Ci-dessous, col. 1508.

XI. La bulle « Vineam Domini ». — 1° La préparation de la bulle. — Le bref du 12 février 1703, qui avait condamné le cas de conscience, ne portait qu’une désapprobation générale et n’atteignait pas directement le silence respectueux, en sorte que beaucoup étaient encore convaincus qu’il leur suffisait de ne pas contredire ouvertement les décisions de l'Église, et ils continuaient à écrire contre elles. D’autre part, ce même bref n'était pas revêtu des formalités nécessaires pour être reçu et publié en France ; des parlements s'étaient élevés contre les évêques qui avaient osé le publier dans leur diocèse, et même certains magistrats avaient soutenu que ce bref était tel qu’il ne pouvait être revêtu de l’autorisation royale. Aussi, écrit l’Histoire du cas de conscience, t. vi, p. 244, était-il nécessaire de « solliciter une nouvelle constitution qui fût revêtue de toutes les formes d’une décision solennelle, qui put être acceptée et publiée dans tout le royaume et qui autorisât enfin la condamnation que plusieurs évêques avaient déjà faite des principes établis dans le cas de conscience, touchant la soumission due aux faits décidés par l'Église ».

Les adversaires des jansénistes voulaient faire décider explicitement les deux propositions suivantes : 1. Il est nécessaire de condamner intérieurement comme hérétique le livre de Jansénius dans le sens des cinq propositions, et le silence respectueux ne suffit point ; 2. On ne peut souscrire le formulaire d’Alexandre VII, si l’on ne juge pas intérieurement que le livre de Jansénius contient une doctrine hérétique. Certains auraient même voulu faire proclamer l’infaillibilité de l'Église dans les faits doctrinaux et l’inséparabilité du fait et du droit, car cette infaillibilité était le fondement de toutes leurs thèses.

Ce fut l'évêque d’Apt, Foresta de Colong ie, qui déclencha l’affaire. Le mandement, qu’il avait publié, le 1 février 1703, contre le cas de conscience, fut supprimé par le parlement de Provence le 25 mai. L'évêque publia une seconde censure, le 19 juin, et déclara la doctrine du cas de conscience « fausse, téméraire, scandaleuse, injurieuse au souverain pontife, à toute l'Église et, en particulier, au clergé de France, schismatique et favorable aux erreurs calviniennes ; il défend aux confesseurs d’absoudre ceux qui se conten-