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RELIGION. DONNÉES DE LA PSYCHOLOGIE


offerts, en particulier avec les produits de la chasse. Le culte des ancêtres, la magie et l’animisme sont peu développés… En ce qui concerne un monothéisme primitif nous avouons qu’il ne nous étonnerait pas plus qu’un polythéisme, tout mode de sentir à ce sujet pouvant être primitif. » Traité d’ethnologie culturelle, Paris, 1934, p. 56. 2. Forme culturelle lasmanoïde : Les Kournaï et les Yahgans [Australie et Terre de Feu] révèrent un Etre suprême. Les Tasmaniens croyaient [ils ont entièrement disparu] en un esprit bon du jour et en un esprit mauvais de la nuit ; ils pratiquaient la magie. » Ibid., p. 61. 3. Forme culturelle australolde : « On constate en Australie dans cette forme culturelle : le monothéisme, une mythologie lunaire qui pourrait cependant devoir être mise en rapport avec celle du cycle des deux classes, et des croyances magiques. Les Australiens ont une croyance du déluge. » P. 66. Enfin, G. Montaudon reconnaît « un monothéisme plus ou moins voilé chez les Esquimaux et chez les Aïnos », de même que le P. Schmidt, mais sans les ranger comme lui parmi les primitifs. P. 1 1 I.

vif. CONCLUSION. — Nous bornant aux enseignements de l’ethnologie nous pouvons emprunter notre conclusion au P. de Lubac : « Quoiqu’elle dépende étroitement en son expression objective de la double analogie naturelle par quoi nous concevons toute chose : monde sensible et monde social. l’idée de Dieu apparaît dans l’humanité comme quelque chose de spontané, de spécifique. Tous les essais de « genèse », comme tous les essais de « réduction » tentés à son sujet pèchent par quelque endroit. Certes il ne s’ensuit pas aussitôt que cette idée ait pour terme un Être réel, et que la religion ait valeur absolue. Aussi bien n’avonsnous pas ici à le montrer, pas plus qu'à définir les frontières et les rapports entre « connaissance naturelle de Dieu » et « révélation r.. « En terminant, il suffira de souligner ce fait que, trop maigres et trop obscures pour satisfaire notre curiosité scientifique, les données certaines de l’histoire religieuse se prêtent naturellement à une interprétation chrétienne (nous ne disons pas qu’elles imposent une telle interprétation), et qu’elles en reçoivent la plus grande intelligibilité dont elles soient susceptibles. « Dans une humanité faite à l’image de Dieu, mais pécheresse, astreinte à une montée longue et tâtonnante et pourtant travaillée dès son éveil par un appel supérieur, il est normal que l’idée de Dieu soit à la fois toujours prête à surgir, et toujours menacée d'étouffement. Deux tendances, surtout, sont à l'œuvre, l’une qui provient des conditions dans lesquelles doit besogner l’intelligence, et l’autre, de la déviation morale originelle : tendance à confondre l’auteur de la nature avec cette nature à travers laquelle il se révèle obscurément et à laquelle il faut bien emprunter des traits pour le penser, tendance à délaisser le Dieu trop exigeant et trop incorruptible pour des subalternes et des fictions. Les analogies se durcissent et jusque dans les temps où sa connaissance paraît avoir fait les progrès décisifs. Dieu est encore conçu comme un individu aux passions humaines, ou comme une abstraction sans rayonnement efficace. Le meilleur se change en pire, et la grande force de perfectionnement de l’homme est asservie à des fins profanes. « De là vient la nécessité d’une purification toujours renouvelée. A cet te purifical ion. depuis les temps lointains de Xénopliane, la réflexion de l’athée n’a pas élé sans concourir, — et les plus athées ne sont pas toujours ceux qui se croient et se disent sans-Dieu. Mais c’est l 'effet d’une clairvoyance encore aveugle que de repousser Dieu à cause de ses déformai ions humaines, ou de rejeter la religion pour l’abus qu’en font les hommes. Comme elle a commencé par elle-même, la religion doit incessamment se purifier elle-même : le

monothéisme aussi, nous l’avons vii, s’est établi par négation, mais cette négation fut féconde. Au reste, sous une forme ou sous une autre, après les négations les plus éperdues, l’homme en revient toujours à l’adoration, en même temps que son devoir essentiel, celleci est le besoin le plus profond de son être. Dieu est le pôle qui ne cesse d’attirer l’homme, et ceux mêmes qui croient le nier, malgré eux lui rendent encore témoignage, rapportant seulement selon le mot du grand Origène « à n’importe quoi plutôt qu'à Dieu leur indestructible notion de Dieu ». Essai d’une somme catholique contre les sans-Dieu, Paris, 1936, p. 267-268.

III. Données de la psychologie sur l’origine et la nature de la religion. — La psychologie ne pose pas le problème de l’origine de la religion de la même manière, que l’ethnologie ou l'étude de la société. On le conçoit aisément, étant donnés les points de vue et les objets différents de ces diverses sciences. Dans les t héories que nous venons d’examiner, c’est un problème d’ordre chronologique qui se posait : quel a été le premier état de la religion, dans la mesure où les ressources de la science ethnologique et de la sociologie permettent de le conjecturer ? Dans les systèmes que nous allons exposer, ce ne sont pas les temps antérieurs à l’histoire ou l’histoire que l’on s’efforce de scruter, mais l'âme humaine. La question que l’on s’y pose est celle de savoir quels sont les étals d'âme ou les facultés qui permettent d’expliquer le phénomène religieux, tout au moins quels sont les éléments ou les formes de la vie psychologique dont le phénomène religieux relève plus particulièrement.

I. L’INCONSCIEST ILLUSOIRE, — 1° Pierre Janet. — En réaction contre Charcot qui avait attribué les extases des mystiques à l’hystérie (Leçons sur tes maladies du système nerveux, recueillies et publiées par le l) r Bourneville, Paris, 1885), Pierre Janet, tout en se plaçant également sur le terrain médical, a tenté d’expliquer le mysticisme par la psychasthénie.

Ses idées ayant été discutées à l’art. Mystique, t. x, col. 2651-2654, en même temps que celles d’autres auteurs partisans de l’origine morbide du mysticisme (sinon de tout sentiment religieux), nous n’insisterons pas. Nous citerons seulement le jugement d’ensemble porté par le P. Pinard de La Boullaye sur la thèse de l’origine pathologique des sentiments religieux. « Qu’il puisse y avoir, au double point de vue physiologique et psychologique, une réelle ressemblance entre le sentiment religieux et certains sentiments morbides, voire même entre l’extase que les théologiens affirment « surnaturelle » et les transes hystériques, il faudrait pour le nier et s’en étonner n’avoir jamais observé celle qui existe entre l’amour le plus sain et ses déviations les plus caractérisées, entre l’exaltation mentale du génie à ses heures d’inspiration, et celle des poètes, des grands capitaines et des réformateurs sociaux qui encombrent les asiles d’aliénés. Mais la similitude fût-elle plus profonde encore, les modalités différentes de ces divers états fussent-elles indiscernables par voie d’observation directe, il reste à expliquer, si l’on veut parler science, comment ces états psychologiques s’intègrent chez certains sujets dans une vie mentale saine, tandis qu’ils détraquent d’autres cerveaux, pourquoi ces illuminations et ces intuitions du génie social, poétique ou religieux élèvent progressivement les Napoléon, les Shakespeare et les Thérèse d’Avila à une vie plus riche et plus féconde, tandis qu 'elles obligent la société à claquemurer leurs « contrefaçons » dans des conservatoires appropriés. » L'étude comparée des religions, t. i, 2° éd., p. 15.").

Aussi bien l’explication pathologique a-t-elle subi un recul marqué. A. Godfernaux rappelle la distinction établie par Schuele et Magnan entre « les psy-