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RELIGION. MÉTHODE ETHNOGRAPHIQUE, RÉSULTATS 2234

naïveté du P. Schebesta qui en cloutait. « De fait, écrit ce dernier, d’après toutes les apparences, dans la vie quotidienne, les Bambuti semblent vraiment athées : d’abord on croit qu’il n’existe chez eux ni cérémonies, ni prières. Elles existent pourtant. » P. 144 sq.

Ils ont un dieu Mungu qui châtie les mauvais et appelle auprès de lui les bons. P. 147 sq. Terrible, il provoque cependant dans la prière des sentiments de confiance et d’affection. Avant la chasse on lui dit : « Père, donne-nous du gibier », après on détache un morceau du cœur de la bête prise pour Mungu : « Mungu, voilà pour toi. » Les Bambuti Bokango possèdent cependant des tubes où ils enferment des morceaux d’objets ayant appartenu à un étranger ou à un ennemi, ces tubes donnent pouvoir sur les pensées et les intentions de l’étranger ou de l’ennemi. Néanmoins la magie est beaucoup moins puissante chez eux que chez les Nègres.

Chez les Eté, l’idée de Dieu est un peu plus développée, du moins chez les vieillards. A deux d’entre eux le P. Schebesta avait demandé : « Qui a fait ce qui nous entoure’? » Et ils s’étaient tus. Mais, insistant, il ajoute : « Pourquoi offre-t-on les premiers fruits à Tore (nom de l’Être suprême chez les Efé). Alors l’un répond : « Tout appartient à Tore, Tore a tout fait. Tore a fait les arbres. Il a fait Pucopuco (l’ancêtre des Pygmées). Tore voit tout. Tore nous voit. Il entend ce que nous disons. Il voit quand quelqu’un fait mal, et punit les coupables, les magiciens, car Tore a fait aussi les magiciens. » Et le vieil Efé parla ensuite du pouvoir de Tore sur la foudre, la mort, les âmes, etc. P. 221.

Cet exemple des Bambuti donne une idée de l’ensemble de la religion chez les Pygmées d’Afrique. Nous n’insisterons donc pas sur les autres groupes. Néanmoins il ne faudrait pas croire toutes les conceptions de tous les groupes de Pygmées africains entièrement comparables à celles des Bambuti de l’Ituri. Le R. P. Tastevin, des Pères du Saint-Esprit, a étudié dans une exploration, d’ailleurs rapide, les Gyéli, négrilles du Cameroun, et interrogé quelques-uns de ces négrilles au service d’un colon allemand. lia constaté chez eux, à côté de la croyance à l’Etre suprême, un culte des ancêtres assez développé, surtout sous la forme de la consultation de leurs crânes, par un féticheur, au moment de la chasse ou en cas de maladie. Un autre groupe de ces Gyéli a été signalé par le P. Kruinmenacher, S. S., dans les Annales des Pères du Saint-Esprit, n. d’avril 1934 ; ces négrilles croient en un Dieu qui les a créés mais ne le prieraient jamais et ne lui offriraient jamais de sacrifices. D’après d’autres missionnaires, les Bi-bo-Yak du Cameroun oriental donnent à Dieu le nom de Seigneur mais pratiquent largement la magie. G. Tastevin, Xoles d’ethnologie religieuse dans Revue des seiences philos, et théol., mai 1935, p. 284-295.

d. — Dans le t. v de VUrsprung, le P. Schmidt a réuni les données d’un certain nombre de publications parues depuis ses volumes sur l’Amérique et l’Asie. Ces données précisent la nature des religions primitives des peuples de la Californie centrale et surtout leurs conceptions sur la création, elles projettent des lumières nouvelles sur la croyance en l’Être suprême et son culte chez les Selish et les Algonkins, sur les idées et pratiques religieuses des Pygmées Semang de Malacca, des négritos des Philippines, des Samoyèdes et des Enyahlayi. Mais en fin de compte rien d-’essentiel ne se trouve modifié dans les résultats des enquêtes antérieures. Nachtràge : u den Religionen der Urvolker Amerikas, Asien und Australien, 1934, in-8°de xxxviii-921 p.

e. — Le tome vi de l’Origine de l’idée de Dieu est une œuvre puissante de synthèse qu’il était bien permis de composer après les patientes recherches et les accumulations de témoignages des cinq volumes précédents : Endsijnthese der Religionen Urvolker, Amerikas,

Asiens, Australiens, Afrikas, Munster, 1935, xxxm(iOO p. La majeure partie de l’ouvrage est consacrée aux rapports historiques entre les divers groupes de religions primitives, rapports établis d’après les règles de méthode indiquées plus haut, surtout celle qui interdit d’attribuer à la nature humaine prise en général des ressemblances portant sur un ensemble très particulier de traits qui ne s’appellent pas nécessairement l’un l’autre. L’auteur reconnaît d’ailleurs qu’il y a des ressemblances qui ne s’expliquent pas par des raisons historiques mais par des convergences psychologiques ou même quelques rencontres fortuites. (Par ex., p. ICI sq., sur certains rapports des religions primitives de la Terre de Feu avec celles de l’Amérique du Nord et des régions arctiques.) Le P. Schmidt étudie d’abord la parenté des tribus du groupe Nord-Américain entre elles, puis de leur ensemble avec le groupe arctique. Il rapproche ensuite ces deux ensembles du groupe de la Terre de Feu, puis les caractéristiques générales du cycle plus large ainsi constitué. Suit une comparaison des religions des Pygmées avec celles des primitifs des deux Amériques, aboutissant à des rapports historiques, basés d’ailleurs sur des ressemblances plus générales que celles constatées auparavant. Enfin les religions des Urvolker d’Australie sont comparée^ a toutes celles qui sont décrites dans les quatre premières sections du volume. De cet élargissement méthodiquement réalisé des parentés des religions primitives résulte une forte impression de leur unité de nature, au moins pour l’essentiel. Cette unité ressort encore plus de la vie section du volume qui est une synthèse générale des religions des peuples primitifs. Cette section ne fait d’ailleurs que tirer les conclusions des rapprochements précédemment établis.

La première constatation du P. Schmidt, c’est que, dans les cultures primitives, les éléments du naturisme, de l’animisme, du manisme et du magisme ou bien manquent entièrement, ou bien ne se sont développés que faiblement ou bien n’ont aucune signification d’ordre religieux, de telle sorte qu’on ne peut d’aucune façon émettre l’opinion que l’un ou l’autre de ces éléments ait été l’élément capital ou constitutif des religions des cultures primitives ». P. 378. Il en résulte d’ailleurs dans ces religions une liberté et une énergie spirituelle des âmes, une simplicité, une limpidité, une clarté que l’humanité mettra longtemps à retrouver (p. 387, Die l’reiheit und YoUkra/t der Seelen in der àltesten Urkultur). En second lieu on constate parmi ces primitifs la croyance en un Être suprême, unique, appelé Père, au moins très souvent, qu’on ne représente pas par une image, et qui maintenant demeure au ciel, comme un lieu de ce qui est le plus élevé et lumineux, après avoir demeuré jadis parmi les hommes. (Les primitifs de la Terre de Feu n’ont pas cette dernière croyance, p. 395.) Cet Être suprême, on ne lui connaît pas de commencement, sauf quand très exceptionnellement, et sans doute par une aberrance postérieure à l’état primitif, on l’identifie avec l’ancêtre tribal. Il est omniprésent, omniscient, tout bon (All-giïliijkcit, p. 403) et tout puissant. La foi en la création est un « des éléments les plus généraux et les plus essentiels des plus anciennes religions ». P. 406. Moralement bon, l’Être suprême est en relations étroites avec l’ordre moral, du moins chez la plupart des populations primitives. Il est, à la fois, le législateur et le rétributeur de la vie morale dans cette vie et dans l’autre, de telle sorte « que ses rapports avec la moralité que nous rencontrons dans la plus ancienne religion commune de l’humanité sont si étroits, si compréhensifs et si forts, qu’on peut à peine concevoir que leur principe puisse être porté à un plus haut degré, et qu’il ne reste de place que pour des compléments et des renforcements d’ordre individuel ». P. 416-417.