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pose de transformer les hommes, mais ce changement doit être une amélioration, une montée et se produire non pas par un domptage, mais par une renaissance spirituelle, faute de quoi toute culture est condamnée à mort. » Ibid, p. 495-496, de Pierre de Bruin et Ivan Kolagrivof.

.Mais il faut reconnaître que certains types de religion tombent sous la critique de Marx. Se référant à la fameuse distinction de la religion statique et de la religion dynamique établie par M. Bergson (voir plus loin, col. 2264 sq., l’analyse de son livre : Les deux sources de la morale et de la religion) le 1'. de Montcheuil écrit justement : « Faisons seulement remarquer que toutes les fois qu’une religion cède au « concordisme « social », c’est-à-dire en vient à présenter les formes actuelles de l'économie comme réalisant le plan providentiel sur la société, elle donne prétexte au reproche de Marx. Nul doute que, pour une large part, les religions statiques n’aient été sous la dépendance de la vie économique, en même temps qu’elles étaient sous la dépendance de la vie sociale. S’il s’agit au contraire de la religion dynamique, (elle) est irréductible aux mobiles qui, d’après Marx, dirigent la vie économique. Puisque le. christianisme en elTet impose un progrès constant dans la charité qui doit se traduire jusque dans l’organisation économique et sociale, loin de refléter celle-ci, il en est un principe de transformation perpétuelle. Jamais ne sera réalisé un ordre assez parfait pour qu’il puisse s’en contenter. Son idéal sera toujours en avance sur la réalité. » Formes, vie et pensée, Lyon, 1932. Série de conférences par divers auteurs, p. 401402.

VI. CARACTÈRE PRIMITIF DE L’IDÉE DE DIEU. — C’est une étude d’ethnologie et non pas de philosophie que nous entreprenons ici, bien que nous soyons convaincus qu’au point de vue philosophique ce caractère primitif puisse être démontré. Il s’agit de savoir si les peuplades les plus primitives que nous connaissons ont ou n’ont pas quelque idée de Dieu, abstraction faite de la façon grossière, matérielle ou anthropomorphique dont elles peuvent l’exprimer ou la concevoir, et que leur peu de culture leur impose.

Mouvement ethnologique d’ensemble en ce sens.


Au temps où florissait l’animisme et même un peu avant, des historiens des religions ou des ethnologues protestèrent, en dehors du catholicisme, contre l’idée d’une période « athée » de l'évolution humaine ; ou du moins sans protester contre cette opinion, parce que de leur temps elle n’avait pas encore été émise, affirmèrent l’existence d’un monothéisme primitif, au moins vague et flottant. Tel fut le cas d’O. Plleiderer, dans Die Geschichte der Religion. Leipzig, 1869, de Stende, de Von Orelli, de Max Millier. On a vii, col. 2189, comment Lant !, auparavant disciple de l’ylor, fut contraint de reconnaître chez les primitifs des croyances assez élevées. Citons ici, pour préciser sa pensée, quelques passages de son livre : The Making o/ Religion (1898, 2 éd.. 1900, ge, i<m<>) : i Dés que l’homme eut l’idée que les choses avaient été faites, l’idée d’un « faiseur » devait nécessairement se présenter à son esprit, puisqu’aussi bien ce n'était pas lui qui les avait faites et qu’il en était incapable. Ce « faiseur », il le tenait pour un homme au-dessus de la nature la magnifiée non-natural man). l 'ne lois celle idée acquise d’un homme au dessus de lu nature celle de sa puissance

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revêtir d’attributs moraux celui qui avait fait tant de Choses ut i les, des al tributs, par exemple, de paternité, de bonté, de contrôle sur la moralité de ses enfants. Quant a cette moralité elle-même, il était dans la nature des choses quc le développement de la vie en société en provoquât la détermination. Ces considérations n’ont rien de mystique, ni quoi que ce soit qui

dépasse la capacité d’un être qui perte le nom d’homme et qui y a droit. » Op. cil., p. 10. Si l’humanité a par la suite eu des conceptions religieuses plus basses, une telle décadence n’est pas inexplicable : « Comment l’humanité entière a-t-elle pu abandonner une religion de si réelle pureté? C’est ce que je voudrais essayer d’expliquer. J’attribue cette dégénérescence à tout ce que l’animisme, une fois développé, offrait de séduisant pour la mauvaise nature de l’homme, pour le vieil Adam ». Un Créateur doté d’attributs moraux, qui n’a nul besoin de dons, sur lequel ni le plaisir, ni la souffrance n’ont de prise, ce n’est pas un compagnon sur le secours duquel puisse compter celui qui utilise la magie pour satisfaire ses passions amoureuse ou vindicative. Il n’y a pas à attendre de lui qu’il favorise celuici plutôt que celui-là, cette tribu de préférence à cette autre, gagné par quelque sacrifice, ou contraint par quelque rite magique. De pareils sacrifices, il ne les accepte pas et sa toute-puissance se rit de la magie. Les esprits et les dieux auxquels ils donnent origine, tout au contraire, sont pour l’homme de plus traitables compagnons. Ils ont besoin, eux, d’offrandes alimentaires et de sang et ils redoutent la contrainte magique. Quoi que ce soit qu’il ait dans le cœur, l’homme est sûr d’avance de pouvoir recourir à ces esprits, à ces dieux, à ces fétiches, vraiment commodes et pratiques, qu’il a d’ailleurs à portée de la main, dans son bissac et son sachet à remèdes. Il était fatal qu’il abandonnât pour eux son idée d’un Créateur et que, dans la suite, sans doute, il se représentât le Créateur comme un de ces dieux-esprits avec lesquels on pouvait s’entendre, le plus grand, et qu’il en usât avec lui comme avec eux. C’est ce qui est arrivé… Entre temps, il avait réalisé des progrès sur le terrain de la civilisation matérielle et avait développé son savoir-faire et sa technique. Professions et classes sociales apparurent, qui voulurent avoir chacune leur dieu… A ce stade de la civilisation, le sort de l'État et l’intérêt d’un clergé riche et puissant se trouvèrent liés au maintien de ce vieux système animiste, relativement amoral. Ainsi en fut-il au Pérou, en Grèce et à Rome. Ce souci populaire et politique du sort de l'État, cette préoccupation assez naturelle de son propre intérêt chez le clergé, ne devaient céder que devant le monothéisme moral du christianisme et de l’Islam. Nulle autre force n'était capable d’en triompher. Et dans le christianisme, mises à part la vie et la mort de Notre-Seigneur, c'était le monothéisme moral de la religion de Jéhovah qui était l'élément central et le plus actif. » Ibid., p. 257 sq.

On fit d’une façon assez générale la conspiration du silence autour des idées de Lang, qui cependant, plus ou moins atténuées, et même parfois dénaturées, firent quelques progrès au début du xxe siècle. Von Schrccder, en 1905-1906, en étudiant les croyances premières des Aryens, hésite entre trois sources de la religion : culte de la nature, culte des âmes, croyance en un Etre suprême, bon et créateur. Vers la même époque, Paul Ehrenreich, A.-G. Krœber, R.-I5. Dixon démontrèrent l’existence de la même croyance en un Etre suprêmee nez les tribus les plus anciennes des Indiens d’Amérique. Dès 1897, Mgr Le Roy avait constaté le même tait en ce qui concerne les Pygmées, surtout ceux d’Afrique, Les Pygmées, 2e édit., 'fours, 1929. Un peu plus lard.lames II. Leuba, A psgchological study of religion, New-York, 1912, et K. (Esterreich, Einfuhrung in die Religionspaychologie, Berlin, 1917, affirment avec preuves à l’appui la présence ancienne des dieux suprêmes chez les primitifs. K. Th. Preuss. dans des travaux parus de 191 1 à 1926, constate le même fait tout en attribuant à tort à la période primitive une absence de culte envers l'Être suprême (néanmoins reconnu) qui ne se réalise que plus tard. J.-R, Swanlon, en 192 1. proclame que l’idée d’une divinité supérieure ou suprême