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    1. QUESNEL##


QUESNEL. LE « CAS DE CONSCIENCE »

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pas agréables et que ceux qui agissent de cette sorte se renflent coupables de quelque péché, faute d’une fin bonne et droite. - 4° Il pense que l’attrition doit renfermer un commencement de l’amour de Dieu pardessus toutes choses, pour être une disposition suffisante à recevoir la rémission des péchés dans le sacrement de pénitence ; l’ai I rit ion, conçue par le motif de la crainte des peines, est bonne parce que cette crainte est un don de Dieu, mais elle ne sullit pas pour obtenir la rémission des péchés. — 5° Son sentiment est que, pour assister à la messe comme on doit, il faut y assister avec piété et esprit de pénitence : celui qui assiste à la messe avec la volonté et L’affection au péché mortel commet un nouveau péché à cause de cette mauvaise disposition, qui est contraire à la piété et au respect qu’on doit à Dieu dans l’exercice du culte. — 6° Il croit qu’il est très utile au chrétien d’avoir beaucoup de dévotion envers les saints et principalement envers la sainte Vierge ; mais il ne croit pas que cette dévotion consiste dans tous les vains souhaits et pratiques qu’on voit dans de certains auteurs, non plus qu'à s’enrôler dans les confréries ou à porter des scàpulaires, dont il ne désapprouve pas l’usage, pourvu qu’il soit réglé par la vérité qui est selon la piété ; il ne peut admettre qu’on ait autant et même plus de confiance en la sainte Vierge qu’en Dieu. — 7° Il ne croit pas à la conception immaculée de la Vierge ; mais pourtant il se donne bien de garde de rien dire contre l’opinion opposée à la sienne. — 8° Il reconnaît qu’il lit le livre de La fréquente communion, d’Arnauld, les Lettres de M. de Saint-Cyran, les Heures de M. Du Mont, La morale de Grenoble, les Conférences de Luçon et le Rituel d’Alet. Il croit que tous ces livres sont bons et approuvés par des docteurs et des évêques. — 9° Enfin il possède la Traduction française du Nouveau Testament, dite de Mons, car cette Traduction est celle-là même sur laquelle on a fait les Réflexions mondes, lesquelles ont été approuvées par Mgr l'évêque de Châlons et par l’ordonnance de Mgr le cardinal de No ailles.

Après avoir exposé le cas, le confesseur déclare qu’il n’ose pas condamner son pénitent et qu’il craint de le juger témérairement ; c’est pourquoi il demande à MM. les docteurs leur solution. Il les interroge pour savoir si ces sentiments sont nouveaux et singuliers, s’ils sont condamnés par l'Église et enfin s’ils sont tels que le confesseur doive exiger de son pénitent qu’il les abandonne, pour lui donner l’absolution. Hist. du cas de conscience, t. i, p. 10-3(5.

On a prétendu parfois que le cas était imaginaire et fait à plaisir. L’abbé I.e Gendre, dans ses Mémoires. p. 257, 278-322, et d’autres après lui ont supposé que le cas était né à l’archevêché de Paris et que l’abbé l'.oi leau en était le père, celui-là même auquel on avait posé le fameux Problème ; Sainte-Beuve, Port-Royal, t. vi, ]>. 169, après avoir dit que d’Aguesseau < paraîl y avoir vu un piège des ennemis du jansénisme », ajoute qu’on a des preuves que ce cas, « digne d’avoir été forgé pal' un agent provocateur, avait été supposé bonnement, naïvement, par M. Eustace, confesseur des religieuses de Port-Royal et très peu théologien… ; il est encore certain que ce fui M. Eustace qui se donna tous les mouvements pour inviter les docteurs à signer ». Sainte-Beuve est ici l'écho du Supplément au Nécrologe de Port-Royal, p. 623-624, art. Eustace, et il continue : « M. Eustace et M. Besson, curé de Magny, pioche voisin du monastère, ces deux honnêtes ucns un peu trop simples, qui avaient arrange les articles les plus fâcheux du cas, en furent aux regrets amers. » Ibid., p. 173.

Tout cela est un roman, car M. Bertrand, dans ses Mélanges de biographie et d’histoire, ln-8, Bordeaux. 1885. p. 1(5$1-$27C. et dans la Bibliothèque sulpicienne,

t. iii, p. 122-121, a montré d’une manière précise, toute la genèse du cas de conscience. Ce n’est point dans une ville de Normandie, comme le dit l’Histoire du cas de conscience, mais en Auvergne, à ClermontFerrand, que la question a été soulevée, et ce n’est pas un cas imaginaire, inventé par les jésuites ou par un janséniste naïf. I.e curé de Notre-Dame du Port, M. Fréhel, confessait l’abbé Louis Périer, neveu de Pascal, parfait honnête homme et sur les mieurs duquel il n’y avait rien à reprendre », mais connu de toute la ville, pour « un franc janséniste ». Le curé Fréhel se confessait à M. Gay, supérieur du séminaire. (.i lui ci v. : mt que I rfehel ne lu.ut pas son devou a l'égard de l’abbé Périer, dont il était le directeur, finit par refuser de l’entendre en confession. Fréhel « était homme d’esprit, mais entêté pour le parti, comme tout le monde l’a connu » ; il s’avisa de proposer le cas à des théologiens, ses amis. Il y eut une délibération à la Sorbonne, le 20 juillet 1702 (l’Histoire du cas de conscience, t. i, p. 36, dit 1701), sous le titre : Cas de conscience proposé par un confesseur de province, louchant un ecclésiastique qui est sous sa conduite, et résolu par plusieurs docteurs de la faculté de théologie de Paris. Il y eut deux consultations, dont les réponses sont au fond les mêmes, mais la seconde est moins tranchante ; elle est exprimée en termes plutôt négatifs et répond seulement à la question posée. La première version est la glorification du silence respectueux, la seconde suppose seulement la tolérance et réédite la doctrine que, d’après les historiens jansénistes, la paix de Clément IX avait autorisée sur la question du fait. Quarante docteurs déclarèrent que les sentiments de l’ecclésiastique n'étaient ni nouveaux ni singuliers et, que par conséquent, le confesseur ne devait pas lui refuser l’absolution et exiger qu’il abandonnât ses sentiments. La décision resta secrète pendant presque une année, et un calme complet régna. M. Bertrand regarde ce calme comme invraisemblable, et c’est une des raisons pour lesquelles il croit que les signatures doivent être reportées au mois de juillet 1702, et l’Histoire du cas de conscience aurait commis une erreur de date.

La décision des quarante docteurs fut naturellement envoyée à Fréhel, qui avait posé la question ; le curé lit passer, par son vicaire, le document au séminaire de Clermont et il le fit remettre, non point à M. Gay, le supérieur, car il ne voulait pas le provoquer, mais à un jeune séminariste, qui le communiqua aux directeurs du séminaire. M. Gay en eut ainsi connaissance et en prit une copie pour rendre l’original imprimé qui avait été prêté au séminariste et il écrivit au P. de La Chaise et à l'évêque de Mcaux, tandis que M. de Champ flour, son confrère, écrivait à l'évêque de Chartres et à M. Dumas. Bossuet montra au roi les lettres et la copie manuscrite du cas de conscience.

La décision, rédigée, croit-on, par Petitpied, resta d’abord assez secrète ; ce fut seulement en juillet 1702 que parut la première édition, et la seconde, quelques mois plus tard, par les soins de Dupin, un des signataires, qui y ajouta une préface. Les autres signataires déclarèrent n’avoir eu aucune part à cette publicat ion. Quoi qu’il en soit de la date et de la manière dont le cas fut publié, il excita de vives réclamations, car la décision des docteurs anéantissait tout ce qui avait été réglé, le siècle précédent, contre le jansénisme. Presque aussitôt parurent des écrits que l’Histoire du cas de conscience attribue aux jésuites et qui rappelaient les faits [îassés : Entreprise de quelques docteurs contre la censure de Nosseigneurs les cardinaux, arrhe vêques et évêques de l’assemblée du clergé de France du 4 septembre 1700 ; on sait que celle censure avait été préparée par Bossuet. — Entretien d’un vieux et d’an jeune docteur de Sorbonne sur In décision des quarante