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QUESNEL. LE « CAS DE CONSCIENCE
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jansénisme. » Ibid., p. 98. Quesnel crut nécessaire de se rapprocher du champ de bataille et dans les premiers jours du mois d’août, il vint incognito à Paris. où il resta jusqu'à la fin de septembre. Ces jugements de Quesnel sur Bossuet montrent ce qu’il faut penser du prétendu jansénisme de Bossuet.

Cependant, les membres de la commission travaillaient très activement, et un projet fut rédigé. Le 20 juillet, on distribua à chaque député, un « indicule » des propositions de doctrine et de morale : on s'était abstenu de nommer les auteurs parce que l’esprit de l’assemblée était de s’opposer à l’erreur et non pas de flétrir les auteurs » ; au reste, les propositions avaient été tirées des censures d’Alexandre VII et d’Innocent XI, de différents livres et écrits et de quelques thèses soutenues publiquement ; il y eut encore quelques réunions de la commission les II, 17 et 20 août, où l’on parla de cent vingt-neuf propositions censurables ; enfin le 2(i août, l'évêque de Meaux fit une déclaration fort importante : « Pour entrer dans l’esprit de l’assemblée, qui avait établi cette commission, il fallait également attaquer les erreurs, même opposées, qui mettaient la vérité en péril ; si l’on n’avait à consulter que la sagesse humaine, on aurait à craindre de s’attirer trop d’ennemis de tous cotés, mais la force de l'épiscopat consistait à n’avoir aucun faible ménagement… Au reste, on doit regarder comme un malheur la nécessité de rentrer dans les matières déjà tant de fois décidées et d’avoir à nommer seulement le jansénisme ; mais, puisqu’on ne se lassait point de renouveler ouvertement les disputes par des écrits répandus de imites parts, avec tant d’affectation, en latin et en français, l'Église devait aussi se rendre attentive à en arrêter le cours ; l’autre sorte d’erreurs qui regardent le relâchement de la morale n'était pas moins digne du zèle des évêques. » Procès-verbaux des assemblées du clergé, t. vi, col. 180483. Le parti janséniste s’agitait beaucoup : il voulait la condamnation des propositions de morale relâchée. mais il ne voulait pas la condamnation du jansénisme. Dès le début de juillet, on avait écrit à Bossuet pour le persuader que le jansénisme n'était qu’un fantôme et que de saints évêques ont enseigné les vérités que les jésuites ont groupées sous ce nom. Puis ce furent les menaces : une seconde lettre fut envoyée à un abbé de la commission : « .M. Bossuet doit s’attendre à être bien relevé s’il fait une censure où la doctrine de saint Augustin soit tant soit peu altérée… ; ils ne souffriront pas qu’on y porte la moindre atteinte… «  A ces menaces du dehors s’ajoutaient des conseils du dedans, car des théologiens consultés étaient opposés à toute condamnation du jansénisme. Le secrétaire de Possuet en cite quelques-uns : Rouland, Neveu et Ravechet, qu’il qualifie durement (ce sont des théologastres).

Malgré tant d’oppositions, quatre propositions jansénistes lurent condamnées. La première avançait qu’on » pouvait présentement reconnaître que le jansénisme n'était qu’un fantôme, qu’on cherchai ! pari ont, mais qu’on ne trouvait cpie dans certaines imaginations malades… i La seconde accusait les constitutions d’Alexandre VII et d’Innocent XII de n’avoir l’ait que renouveler et aigrir les disputes, d’avoir employé des termes équivoques. La troisième supposait que le bref d’Innocent XII. en date du (i janvier 1694, avait d’abord paru apporter un remède au mal, en mitigeant la rigueur des constitutions sur le point de fait, mais que cette mitigation avait été affaiblie par le bref du 24 novembre 1694. Enfin la quatrième supposait qu’il était nécessaire d’avoir, par rapport à la condamnation du livre de Jansénius, de nouvelles conférences devant des juges nommés ou par le pape ou par le roi. Ces quatre propositions furent décla rées « fausses, scandaleuses, téméraires, favorisanl les erreurs condamnées, ont rageuses pour le clergé de France et pour l'Église universelle ». Une cinquième proposition, qui condamnait Arnauld. lut supprimée par la commission pour que celui-ci ne fut pas condamné devant son neveu, l’abbé de Pomponne, qui faisait partie de la commission. Dès le 27 août, on poursuivit l’examen des propositions concernant la morale relâchée (voir l’art. Probabilisme, t. xiii, col. 553-558), et. le l septembre, l’assemblée signa les divers actes préparés par Bossuet : c'étaient un préambule à la censure des cent vingt-trois proposiI ions, puis deux déclarai ions et en lin une conclusion et une lettre circulaire aux évêques de France. Dans la conclusion, qui était le morceau capital, Bossuet groupait deux points de doctrine : la nécessité de l’amour de Dieu dans le sacrement de pénitence et la malien de la probabilité. Des historiens ont dit que celle double condamnation était le résultat d’un compromis entre Bossuet et la cour : Bossuet avait obtenu la condamnation du jansénisme pour plaire au roi. et, en échange, le roi avait consenti la condamnation des casuistes, qui était désirée par Bossuet et par Noailles.

IX. Le Cas i. i conscience ». Un nouveau problème allait mettre les jansénistes en fâcheuse posture, (/est le fameux cas de conscience dont l’histoire a été racontée en huit volumes par Mlle Joncoux, Louail. l-'ouillou. Quesnel et Petitpied. Dans son Histoire du mouvement janséniste, Augustin (iazier passe légèrement sur cet incident ; il se contente de dire : La lâcheuse affaire du cas de conscience, en 1702, eut pour effet de mettre à l’ordre du jour l’irritante question des signatures et de leur plus ou moins de sincérité. Noailles intervint pour condamner la décision prise et les passions contraires se ranimèrent >. Op. cil., t. i, p. 225. Lu l’ait, la question lut dès grave et elle montre bien à quel point les passions étaient montées.

D’après Y Histoire du cas de conscience, il y eut plusieurs consultations, le 2li janvier et le 2Il juillet 1701, auxquelles prirent part un nombre plus ou moins grand de docteurs. Voici le cas. In confesseur de Normandie a quelques doutes sur le compte d’un ecclésiastique, auquel il a donné longtemps l’absolution, sans scrupule ; mais on lui a dit que cet ecclésiastique a des sentiments nouveaux et singuliers. Il l’a interrogé, et voici le résumé de ses réponses : 1° Il condamne les Cinq propositions dans tous les sens condamnés pal' l'Église et même dans le sens de Jansénius, comme Innocent l’a expliqué dans son bref aux évêques des Pays-lias, c’est à-dire, dans le sens (pu présentent les cinq propositions considérées en elles-mêmes et Indépendamment du livre de Jansénius ; mais, sur la question de fait, c’est-à-diré, sur l’attribution des cinq propositions au livre de Jansénius. il a seulement une soumission de respect et de silence a ce que L'Église a décidé sur ce l’ait, car il est persuadé que, par ses brefs, le pape Innocent XII n’en exige pas davantage de ceux quisignent le Formulaire. (Telle est la question principale, qui soulèvera des discussions ; mais il en était d’autres cependant). 2° Il croit que la grâce est efficace par elle-même et nécessaire à toute œuvre de piété et que la prédestination est gratuite et précède toute prévision ; mais il axone cependant qu’il y a des grâces intérieures qui donnent une vraie possibilité d’accomplir les commandements de Dieu et qui n’ont pas tout leur effet par la résistance de la volonté. 3° Il croit que nous sommes obligés d’aimer Dieu pardessus toutes choses, comme notre fin dernière, et de lui rapporter toutes nos actions ; d’où il conclut que les actions qui ne sont pas faites par l’impression de quelque mouvement de l’amour de Dieu ne lui sont