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    1. RELIGIEUX##


RELIGIEUX. L’ETAT RELIGIEUX

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RELIGIEUX et RELIGIEUSES. — Cette étude ne saurait constituer un traité complet de l’état religieux. Renvoyant, pour le détail, aux ouvrages spéciaux indiqués dans la bibliographie, nous donnons seulement dans ce Dictionnaire les éléments qu’un théologien ne doit pas ignorer.
I. Notion et aperçu historique de l’état religieux.
II. Définition et division des religieux (col. 2163).
III. Comment on devient religieux (col. 2170).
IV. Comment on cesse de l’être (col. 2177).

I. L’état religieux. —

Notion.


Selon l’étymologie, l’état religieux est une forme particulière de la vie chrétienne, dont le but est d’honorer Dieu de façon plus parfaite. La religion étant une vertu qui nous porte à rendre à Dieu le culte et les devoirs qui lui sont dus, ceux que l’on appelle « religieux » se consacrent librement et de façon stable à ce service divin par des engagements plus stricts, dépassant l’accomplissement des simples préceptes. Le Code canonique définit l’état religieux : « une manière stable de vivre en commun, par laquelle des fidèles s’engagent à observer non seulement les préceptes communs, mais encore les conseils évangéliques, par les vœux d’obéissance, de chasteté et de pauvreté. » Can. 487.

Quatre éléments constituent donc l’état religieux :
1. Il est d’abord un étal de vie, c’est-à-dire une condition qui, de par sa nature, n’est pas facilement sujette à changement ; une certaine stabilité ou immutabilité lui est donc essentielle. Cf. Saint-Thomas, Sum. theol., II a -II ie, q. clxxxiii, a. 1. Ainsi parle-t-on de l’état matrimonial, de l’état sacerdotal. —
2. Cette stabilité est assurée par les engagements que prennent librement ceux qui embrassent cette condition ; les vœux constituent pour eux une obligation morale dont ils ne peuvent se libérer à leur gré. Voir Vœu. —
3. La stabilité est encore confirmée par le caractère public et parfois solennel attaché à ces engagements. La profession des trois vœux, reçue au nom de l’Église, manifeste chez celui qui s’engage de la sorte l’intention de persévérer dans l’état choisi, en même temps qu’elle constitue une garantie officielle de la perpétuité de l’obligation. —
4. Enfin, un dernier élément, positivement requis par le droit ecclésiastique actuel, est la vie en commun sous l’autorité d’un supérieur et selon une règle approuvée. C’est seulement aux fidèles ainsi groupés et organisés que l’Église reconnaît la qualité de religieux avec les droits et devoirs qui en découlent. L’approbation n’est pas, de sa nature, une condition essentiel le à l’état religieux, puisqu’un particulier pourrait s’engager à la pratique des conseils évangéliques par les trois vœux ordinaires de religion ; c’est pourtant une formalité requise par le droit canonique depuis le IVe concile du Latran (1215) ; auparavant, l’Église se contentait d’une approbation générale plus ou moins tacite.

Quant à la vie commune, elle est, selon la discipline actuelle, une des conditions nécessaires à l’état religieux, can. 487 ; jadis, les anachorètes ont pu être de vrais religieux, l’Église approuvant au moins en général ce genre dévie ; actuellement, il faut être incorporé à une communauté. La cohabitation sous le même toit avec une règle commune est également de droit positif, can. 594-606, mais souffre des exceptions : ainsi les exclaustrés et les fugitifs ne cessent pas pour autant d’être religieux ; de plus, le Saint-Siège peut approuver, dans des circonstances spéciales, un institut dont les membres n’habiteraient pas en commun et ne porteraient pas d’habit religieux.

L’état religieux est appelé aussi état de perfection, pour le distinguer de l’état de vie ordinaire de ceux qui se contentent d’observer les préceptes. Cf. Suarez, De religione, IIe part., tract, vii, t. I, c. i sq. ; Bouix, De jure regularium, 1. 1, p. 4 sq. Ce n’est pas que les conseils évangéliques, ainsi que le rappelle saint Thomas, Halias, q. clxxxiv, a. 1 sq., soient la perfection ; celleci réside avant tout dans la charité parfaite, laquelle peut être réalisée en dehors de l’état de perfection, ainsi que le firent nombre de saints. Mais les conseils sont des moyens propres à faire atteindre plus libre ment et plus facilement la perfection de la charité ; ils ne se superposent pas aux préceptes, mais tendent à les faire observer de façon plus parfaite. Voir l’art. Perfection, col. 1222 sq. L’état religieux n’est donc pas un état de perfection acquise ou à communiquer fexercendœ), comme l’épiscopat, mais plutôt une école où l’on tend à l’acquérir ( acquirendse), où l’on s’exerce à la pratiquer. Celui qui embrasse cet état s’engage pour toujours et irrévocablement, au moins dans son intention première (car sa volonté peut changer) et selon les prévisions du législateur ecclésiastique, à tendre par d’incessants efforts à se rapprocher du but, la charité parfaite ; cela est si vrai que certains auteurs appellent les vœux temporaires à renouveler périodiquement « vœux virtuellement perpétuels ». Chelodi, Jus de personis juxla Codicem, n. 243.

Ce souci continuel d’acquérir la perfection s’est traditionnellement traduit dans l’Église chrétienne par la profession des trois vœux qui correspondent aux trois conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Saint Thomas note justement, Ila-IIæ, q. clxxxiv, a. 2-5, que l’état de perfection exige la suppression de tous les obstacles qui s’opposent à la parfaite charité ; ces obstacles ont leur source dans la triple concupiscence dont parle saint Jean, I Joa., ii, 16, et à laquelle s’opposent efficacement les trois conseils évangéliques ; c’est l’aspect négatif, si l’on peut ainsi parler, de l’état de perfection : il déblaye la voie et ouvre la route. Il suppose en outre un élan positif, un effort continu pour diriger les actions de l’homme vers le but à atteindre, à savoir, la charité à posséder. Enfin, prenant l’homme tout entier, il consacre tout ce qu’il a et tout ce qu’il est au service de Dieu, faisant de la créature raisonnable un holocauste à la divine majesté. Or, sous tous ces aspects, l’observation des trois conseils évangéliques est requise et suffit ; la profession des trois vœux qui correspondent à ces conseils donne à leur observance la stabilité qui convient.

Outre ces trois vœux essentiels, requis par la nature des choses aussi bien que par le droit positif, d’autres vœux peuvent être, dans certains ordres ou certaines congrégations, ajoutés plus ou moins explicitement à la profession, par exemple la promesse de se vouer au soin des malades, à l’éducation de la jeunesse, à l’apostolat en pays infidèles, etc. Ces vœux, dont la nature est la même que la profession à laquelle ils sont intimement liés, peuvent être simples ou solennels ; leur valeur et leur efficacité est celle même qui leur est reconnue par l’Église. Toutefois, actuellement, le Saint-Siège n’admet pas que, dans les nouveaux instituts, les constitutions prévoient l’émission de vœux autres que les trois accoutumés. Cf. S. C. Évèques et Rég., 13 août 1887, 22 sept. 1892. Tous les autres vœux en effet sont compris dans le vœu d’obéissance. Quant à ce dernier il est fait, même dans les congrégations à vœux simples, « tout d’abord et principalement au souverain pontife » ; le pape est en effet le premier supérieur de tous les religieux, et ceux-ci sont tenus de lui obéir même en vertu du vœu d’obéissance. Can. 499.

Origine et histoire.


Lorsqu’on parle d’état religieux proprement dit, c’est seulement dans le Nouveau Testament qu’il faut aller en chercher la réalisation. Antérieurement au Christ, les quelques figures que nous offre la Bible ne sont, en dépit de leur relief, que des esquisses, de timides ébauches. Au nombre des saints personnages qui, au témoignage des Livres