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REFORME CATHOLIQUE — REGALADO (PIERRE ;


les Temps Modernes (ère de la monarchie absolue) était déjà un fait accompli, lorsque le protestantisme est apparu. Entre le Moyen Age et l'époque qui l’a suivi il n’y a pas eu de rupture de continuité, pas plus dans l’histoire de l'Église que dans l’histoire de la société occidentale. Le Moyen Age catholique s’est continué comme un grand fleuve, qui reçoit des alfluents nouveaux, tandis que d’autres affluents se trouvent détournés de lui, qui se grossit à mesure qu’il avance, qui modifie son régime et son allure en entrant dans dos plaines élargies, mais qui n’a rien perdu de ce qu’il apportait de ses sources les plus lointaines. Le concile de Trente est dans la descendance naturelle et légitime de tous les conciles qui l’avaient précédé. Les théologiens qui y ont pris part étaient, pour la plupart, nés et formés avant la naissance de la prétendue réforme. Ces théologiens étaient imbus des idées du Moyen Age, sans être pour cela fermés au mouvement des idées de leur époque. Ils n’ont pas voulu changer le moins du monde la religion. Ils n’ont fait que codifier des dogmes établis depuis longtemps. Le concile s’est même abstenu, de parti pris, de trancher les questions controversées entre théologiens catholiques. Même en matière disciplinaire, où sa liberté était beaucoup plus grande, il n’a que fort peu innové, car il n’a guère fait que généraliser une réforme déjà commencée en beaucoup de lieux avant lui et presque achevée en certains. La création des séminaires ellemême ne fut que l’extension à tous les ecclésiastiques des règles de formation adoptée dans ces congrégations de clercs réguliers qui naissent au début du siècle, non pas sous l’influence de la révolution luthérienne, mais parallèlement à elle et en même temps qu’elle. Il n’y a donc pas eu de « triptyque » au sens indiqué plus haut. Il n’y a pas eu : l'écroulement de l'Église médiévale, — la Réforme, — la Contre-réforme. Ce qu’on doit dire au contraire, c’est que ce sont les pays seuls où la vraie réforme n'était pas encore en marche, les pays en retard sur les autres, qui ont favorisé la révolution protestante, et que tous ces pays sont des régions alors secondaires de la chrétienté. Les pays les plus « avancés » intellectuellement et économiquement, politiquement même, au temps où éclate la révolte de Luther, ce sont l’Espagne, l’Italie, la France. En Italie, l’Oratoire du divin Amour donne le signal de la réforme spontanée dès 1517 ou 1518. En Espagne, la réforme a été accomplie par le vigoureux Ximénès, avant que Luther eût tenté quoi que ce soit. En France, un Mombacr, un Standonck, un Lefèvre d'Étaples, un Raulin, un Briçonnet se préoccupaient, en des sens divers, de la réforme, avant que Luther eût bougé. Dans aucun de ces trois pays, la soi-disant réforme ne put faire de conquêtes décisives. Mieux que cela, pendant que la foi catholique perdait du terrain en Europe, parles divers schismes protestants, elle avait assez de vitalité conquérante pour en gagner de plus vastes encore en des régions nouvelles, inconnues jusque-là. Ces conquêtes avaient même commencé un quart de siècle avant la révolution protestante. Elles dénotaient une puissance de vie et d’expansion qui ne peut que nous faire douter de cette déchéance radicale et complète que certains auteurs veulent attribuer à l'Église médiévale. Par opposition à l’Fspagne riche, ardente, débordante de vie et de foi catholique, toute tournée vers les mondes que découvraient ses hardis navigateurs, avec ceux du Portugal, la Saxe électorale, les régions Scandinaves, la Suisse même, où se développera d’abord la soidisant réforme, ne sont que des régions secondaires et latérales de l'Église. Lorsque, à Worms, Lui lier comparaît devant le nouvel empereur, qui arrive d’Espagne, et qui est roi d’Aragon, de Castille, de Navarre, des Pays-Bas, qui possède la Sicile, la Sardaigne,

Naples et le Roussillon, la Franche-Comté, le Charolais et les Dombes, sans parler des colonies fabuleuses créées par Colomb et ses illustres émules, on ne peut pas être surpris, comme le sont les historiens allemands, de constater que ce prince « sent en Espagnol et non en Allemand ». Charles-Quint ne peut voir en Luther qu’un demi-barbare. En face de lui, il est sûr de représenter la lumière et la certitude. Il a conscience de continuer un très grand passé. Et tout cela se trouve de lait dans son discours à la diète :

.Mes prédécesseurs, dit-il, les empereurs très chrétiens de race germanique, les archiducs autrichiens et ducs de Bourgogne, ont été, jusqu'à leur mort, les fils très fidèles de l'Église catholique, défendant et étendant leur croyance pour la gloire de Dieu, la propagation de la foi et le salut de leurs âmes. « Ils ont laissé, après eux, le saint culte catholique, pour que je vive et meure en lui. Jusqu'à présent, avec la grâce de Dieu, j’ai été élevé dans ce culte, comme il convient à un empereur. Ce que mes prédécesseurs ont établi à Constance, c’est mon privilège de le maintenir. Un simple moine, conduit par son jugement privé, s’est dressé contre la foi tenue par tous les chrétiens depuis mille ans et plus, et il conclut impudemment que tous les chrétiens se sont trompés jusqu'à présenti J’ai donc résolu de déployer, dans cette cause, tous mes États, mes amis, mon corps et mon sang, ma vie et mon âme… »

Par la voix de Charles-Quint, c’est bien la vieille Église qui affirme son droit et qui repousse la prétendue réforme que Luther lui propose. Si les princes allemands avaient eu la foi de Charles-Quint, si la religion de Luther ne s'était trouvée répondre à leurs ambitions, à leurs aspirations secrètes, à leurs intérêts, jamais le moine wittenbergeois n’aurait obtenu le succès trop grand qu’il dut à leur protection et au jeu de la politique d’alors.

L. Cristiani.

    1. REGALADO Pierre (Saint)##


REGALADO Pierre (Saint), frère mineur espagnol de la réforme du P. Pierre de Villacreces.

Né à Valladolid en 1390, il prit l’habit franciscain probablement dans sa cité natale, en 1404. Peu après, cependant, il alla habiter le couvent de La Aguilera, dans le diocèse d’Osina, avec le P. Pierre de Villacreces, dont il fut un des premiers disciples. De concert avec lui il propagea la réforme des frères mineurs observants opérée en Castille. Après quoi il habita également le couvent Seala cœli de FI Abrojo, près de Valladolid ; il est toutefois impossible de préciser l'époque à laquelle il vécut dans cet endroit. Il est également difficile de déterminer l’année à laquelle il fut élu vicaire ou supérieur des deux maisons précitées de la réforme. La plupart des historiens soutiennent qu’il succéda à Pierre île Villacreces, qui mourut en 1422. Il paraît toutefois plus conforme aux données de l’histoire d’accepter une date ultérieure. Il serait historiquement certain qu’en 1 138 il fut supérieur ou vicaire des deux couvents de la réforme, sous la jurisdiction du provincial des conventuels de Castille. Par une lettre du 20 janvier 1455, le général des frères mineurs, le P. Jacques de Mozzanica, constitua Pierre Regalado son vicaire et son commissaire pour les deux résidences de l.a Aguilera et de El Abrojo. Il mourut à La Aguilera le 30 mars 1150. Exhumé trente-six années après sa mort, à la demande de la reine Isabelle la Catholique, son corps fut retrouvé intact, reçut une sépulture plus honorable et fut placé dans une tombe plus précieuse. Innocent XI lui décerna les honneurs de la béatification le Il mars 1684 et Benoît XIV l’inscrivit au catalogue des saints le 29 juin 174(5. Sa fêle, célébrée auparavant le 13 mai, jour de la translation de son corps, a été reportée récemment, dans l’ordre des capucins, au 30 mars, jour de sa mort.