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REFORME. DOCTRINES

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d’une folle présomption et d’une arrogance puérile. Donc ceux qui exigent ou acceptent de tels vœux commettent une injustice envers eux et exercent une tyrannie contre les simples. » Thèse 30.

Zwingli ne semble pas s'être aperçu qu’il se contredisait en attribuant à Dieu le don éminent de la chasteté et en traitant de folie le vœu de chasteté. Plus le don de chasteté est rare, plus il convient de l’honorer. Il suffisait de dire qu’avant de faire un vœu de cette nature, il faut longtemps éprouver ses forces et invoquer les lumières d’en haut. Zwingli, comme Luther, fait du mariage une obligation, et une sorte de nécessité de salut. Ni le baptême, ni la cène même ne lui apparaissent avec un caractère aussi contraignant que le mariage, bien qu’il n’y veuille pas voir un sacrement. Par ailleurs, il admet le divorce à peu près comme Luther.

Calvin et la doctrine du mariage.

Dans la première édition de l' Institution, Calvin ne fait guère, à

propos du mariage, que rééditer la doctrine de Luther : négation du caractère sacramentel du mariage, critique de l’argument appuyé sur le mot sacramentum de l'épître aux Éphésiens, accusation portée contre l'Église d’avoir avili le mariage en le déclarant incompatible avec le service divin chez les ministres des autels, négation du pouvoir de juridiction de l'Église en matière matrimoniale, admission du divorce au moins en cas d’adultère.

On a noté précédemment que Calvin avait essayé d’approfondir l’histoire de la primitive Église. Les éditions ultérieures de l’Institution portent les traces de ses recherches. Il traite du mariage et du célibat, au 1. IV de l'édition définitive de 1559. Il ne peut ignorer que les Pères de la primitive Église ont fait de la virginité le plus bel éloge et que le célibat est né spontanément chez les membres du clergé, de l’estime que l’on professait pour lui. Mais Calvin fait subir aux documents historiques le traitement le plus impérieux pour les faire témoigner en faveur du mariage. Il prononce même le gros mot d’encratisme à propos du célibat et il ajoute : « Quelle licence de paillarder ils prennent et donnent, il n’est jà besoin de le dire. Et sous cette ombre de sainteté infecte et puante de s’abstenir du mariage, ils se sont endurcis à toutes vilenies. » Institution, t. IV, c. xii. Il consacre ensuite un chapitre entier (xm) à parler des vœux. Il mêle les questions de fait aux questions théoriques, et esquive la valeur probante des textes par des sorties virulentes contre le monachisme dissolu de son temps. A l’entendre, par les vœux, l'Église a surtout voulu établir sa tyrannie. Il finit par poser trois conditions aux vœux : 1. « que nous ne prenions point cette licence d’oser rien vouer à Dieu qui n’ait témoignage de lui » ; 2. « que nous mesurions nos forces et que nous regardions notre vocation et que nous ne méprisions pas la liberté que Dieu nous a donnée » ; 3. que nous ne fassions jamais des vœux dans la pensée d’en être plus parfaits. Cette dernière condition était d’un illogisme flagrant. Il est au contraire de l’essence du vœu de tendre au plus parfait. Calvin dit que l’on peut faire un vœu pour se corriger d’un vice ou s’en préserver. Mais qu’est-ce que cela, si ce n’est tendre à devenir meilleur au moyen de son vœu ? C’est que Calvin cherche moins à expliquer les motifs qui peuvent légitimer un vœu selon les Écritures qu'à détourner les chrétiens de faire des vœux et à condamner l’esprit dans lequel étaient prononcés les vœux monastiques. Calvin fait cependant une description idéale, à sa façon, des cloîtres de l'époque primitive. L'âge d’or, pour lui, dans l’histoire du christianisme est la période antérieure à Grégoire le Grand. Il prétend démontrer qu’au temps de saint Augustin les cloîtres étaient simplement des séminaires de ministres de Dieu, que l’on y

jouissait d’une entière liberté, que le travail seul y était strictement obligatoire, et que l’on n’essayait pas de donner l'état monacal comme un « état de perfection ». Logiquement, Calvin devrait en conclure qu’il fallait réformer les monastères de son temps. Non, il ne veut que les détruire. Et pour cela, il ne recule pas devant les plus grossières injures : « Il est vrai, écrit-il, qu’en quelque peu de couvents on vit chastement, si on doit nommer chasteté quand la concupiscence est réprimée devant les hommes, tellement que la turpitude n’apparaisse point. Toutefois, je dis une chose qu'à grand peine trouvera-t-on de dix cloîtres l’un qui ne soit plutôt un bordeau qu’un domicile de chasteté. Quant au vivre, quelle sobriété y a-t-il ? On n’engraisse point autrement les pourceaux en l’auge ! »

Puis il esquisse une exégèse des divers textes de l'Écriture sur lesquels s’appuyait la vie monastique : Matth., xix, 21 : « Si tu veux être parfait, vends tous tes biens, etc. », qu’il confronte avec I Cor., xiii, 3, et Col., iii, 14, pour arriver à démontrer que la perfection consiste à observer le décalogue comme tous les chrétiens doivent le faire. Il n’est cependant pas tellement sûr de son interprétation qu’il ne finisse par dire que l’antiquité chrétienne ne fut pas exempte d’erreur et que l’on ne doit pas prendre pour règle tout ce qui se faisait alors. C’est avec la même grave désinvolture qu’il traite les textes où il est question des veuves et des vierges. De l’aveu même des critiques protestants, cette tentative de tirer à soi la tradition et l'Écriture est complètement illusoire.

La doctrine du mariage dans la confession anglicane.

 Reprenons point par point les doctrines communes des réformateurs. Cela nous permettra de

mieux situer la doctrine anglicane, au sujet du mariage :

1. Le mariage n’est pas un sacrement. Les 39 Articles sont aussi de cet avis. L’art. 25 range simplement le mariage parmi « les états de vie autorisés dans les Écritures ». — 2. Les théologiens luthériens ont cru pouvoir autoriser un prince à pratiquer la bigamie. Zwingli était mort quand le cas se posa. Bucer se rallia au point de vue de Luther. Calvin et l’anglicanisme sont demeurés étrangers à cette pénible histoire. — 3. Tous les réformateurs sont d’accord pour enlever à l'Église toute juridiction en matière matrimoniale. L’anglicanisme les suit. — 4. Tous sont d’accord également pour admettre le divorce et laisser la porte ouverte aux pouvoirs civils pour établir des cas de nullité ou de divorce. L’anglicanisme conclut comme eux. — 5. Mais, sur un point, la modération relative de l’anglicanisme apparaît. Ce point est celui du mariage des prêtres. Luther, Zwingli et Calvin le voulaient obligatoire. Les 39 Articles le déclarent simplement permis. Ils laissent donc la liberté aux individus. L’idéal d’un sacerdoce entièrement voué à Dieu seul n’est pas formellement rejeté. Bien peu d’anglicans sans doute profiteront de la latitude que leur confession leur laisse, mais il y aura quelques exemples très remarquables de célibat volontairement embrassé pour Dieu et le service de son Église.

La bibliographie a été donnée à la fin de la première partie de cette étude. Voir surtout : Luthers Werke, éd. de Weiinar et édition Schwetschke, ù Berlin ; Luthers Briefiveclisel. éd. Enders-Kawerau-Fleming ; Corpus lteformaiorum, Opéra Melanchthonis ; Opéra Caluini ; Opéra Zuingtii (inachevé) ; opcru seleeta Calvini, édition Barth (inachevé) ; Kidd, Documents llluslraiioe of the continental Iteformation, Oxford, l'.Ml. Pour L’anglicanisme, Corpus confessionum (en cours de publication), Abteilung 71, Berlin et Leipzig, 1932-1934.

Moeliler, Symbolique (1X ; J2) et Défense de la Symbolique (1834), titre complet : Sgmbolik oder Darslcllung der doijmatlschen GegensUtze der Katholtken und Protestanten næh iliren ôffeiitliclicn Bckenntnisschriflen, 9e éd., 1884, et iVciie