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QUESNEL. LE « PROBLÈME ECCLÉSIASTIQUE


les exemplaires. Ce qui est vrai, c’est que, jusqu’en 1693, les éloges couvrent complètement les critiques, qui restent isolées et discrètes ; beaucoup de docteurs auraient alors signé, avec quelques atténuations pourtant, ce que l’abbé Boileau écrivait, le 5 lévrier 1694, à Quesnel : Je ne sache rien de si solide et de si bien que ces Réflexions. Tout y est vif et serré, sans être obscur ; il y a de l’onction, à proportion qu’il y a de la lumière. En un mot, je n’ai point de goût, ou c’est OD des livres les plus édifiants et les plus utiles qui se sont faits depuis les auteurs canoniques. » Bibl. nat.. niss. jr. 19 757, ꝟ. 73. Les éditions se succédèrent rapidement en 1699, 1700. 1702 et 1705, approuvées par S. Ém. le cardinal de Noailles, archevêque de Paris ; en même temps, il paraissait à Liège et à Bruxelles, en 1700, une grande édition en huit vol. in-12, avec son ancien titre : Abrégé de la morale. L’ouvrage eut une telle vogue qu’il parut des éditions modifiées, à Toulouse, à Lyon, à Bruxelles et aussi, pour la commodité des lecteurs, des éditions abrégées, où les pensées de Quesnel sont reproduites, d’une manière plus ou moins exacte, sous des titres nouveaux : Le jour évangélique, ou Irois cent soixante-six visites, tirées du Nouveau Testament, pour servir de méditation chaque jour de l’année, recueillies par J.-B., abbé régulier de Bolduc, de l’ordre de Saint-Augustin, Paris, 1700, in-12. — Instructions chrétiennes ou élévations à Dieu sur la Passion, avec les octaves de Pâques, de la Pentecôte, du Saint-Sacrement et de Noël, tirées des Réflexions morales sur le N. T. par le P. Quesnel…, Paris, 1702, in-12. Ce dernier écrit semble avoir été rédigé par Quesnel lui-même.

VI. Le problème ecclésiastique. Martin de Barcos, neveu de l’abbé de Saint-Cyran, avait à la demande de Pavillon, évêque d’Alèt, composé une Exposition de la foi catholique touchant la grâce et la prédestination. C'était une sorte de catéchisme, que Pavillon destinait aux élèves de son séminaire. L’ouvrage fut adopté, et il en circula quelques copies manuscrites pendant une vingtaine d’années ; c’est seulement en 1690 qu’il fut imprimé. La publication fut attribuée, par les uns, à une intrigue des jésuites (papiers de Léonard. Arch. nat.. Jansénisme, L. 128), par d’autres, au P. Quesnel. Mais aujourd’hui on est certain que l’ouvrage fut imprimé parle 1'. Gerberon, d’abord oratorien. puis bénédictin de Saint-Vanne.

Aussitôt des polémiques s'élevèrent : la Sorbonne désigna deux théologiens pour examiner l'écrit. Noailles, récemment nommé archevêque de Paris, publia, le 20 août 1090, un mandement qui condamnait l’Exposition. On l’a pressé, l'épée dans les reins, et il n’a pas eu la force de résister >, écrit Quesnel à Du Vaucel, le 20 septembre. (Tétait son premier écrit à Paris : la partie dogmatique du mandement avait été rédigée par Bossuel et elle exposait la doctrine de saint Augustin sur la grâce. Noailles avait composé le préambule et il y l’appelait les bulles d’Innocent N et d’Alexandre VII et reprochait à l’Exposition de renouveler la première des cinq propositions de Jansénius. Ajoutons qu’un décret du Saint-Office, 8 mai 1097, condamna, lui aussi, le livre de Barcos.

L’ordonnance de Noailles « était savante, bien écrite ; il n’y manquait que du bon sens », dit Le Gendre dans ses Mémoires ; elle frappait un livre dont elle glorifiait la doctrine et renfermait une contradiction intrinsèque : elle souillait le chaud et le froid, comme dira plus tard Fénelon, et Noailles se trouvait pris entre les deux partis : il avait mécontenté les molinistes en approuvant le livre de Quesnel, le 23 juin 1695, et il venait de blesser les jansénistes par son mandement du 20 août 1696. Les amis de Port Boyal ne savaient que faire en cette conjoncture délicate. Duguet, un des plus sages parmi les jansénistes.

conseilla positivement de sarcler le silence, et Quesnel exhortait ses amis « à ne pas se piquer », car, disait-il plus tard, le mandement de Noailles constituait « un excellent abrégé de la doctrine de l'Église sur la grâce et un précis des écrits de saint Augustin ». Mais Gerberon, loin de réparer sa première imprudence, en aggrava les suites par ses Remarques sur l’ordonnance et l’instruction pastorale de M. l’archevêque de Paris, portant condamnation du livre intitulé « Exposition de la foi » ; il s’y moque de Noailles et dénonce sa conduite équivoque. Quesnel. lui aussi, juge sévèrement cette ordonnance qui l’afflige », car « non seulement il lève le masque contre Jansénius, mais il a encore comme renouvelé la censure de Sorbonne, et il condamne l’Expositiont de la manière la plus dure qui soit… J’ai peur que l’approbation, donnée aux Réflexions sur le Nouveau Testament, qui semblait devoir empêcher la condamnation de ce livre, n’y ait contribué, car on lui aura fait craindre de passer pour janséniste » (Quesnel à Du Vaucel, 7 sept. 1696, dans Correspondance, t. i, p. 412), et il ajoute mélancoliquement quelques jours après, le 1 1 septembre : « J’ai toujours appréhendé qu’on ne regrettât Monsieur de Paris, défunt. » Ibid., p. 413 ; voir aussi lettre à M. Golfert, ibid., p. 416-418, où il dit souhaiter qu’on garde le silence. L’Histoire abrégée, du jansénisme se inoutre également sévère pour Noailles. Quesnel fut accusé d'être l’auteur de cet écrit, niais il s’en défendit vivement : Non seulement je n’y ai aucune part, mais je suis bien fâché que l’auteur, quel qu’il soit, se soit avisé d’une telle entreprise et l’ail exécutée d’une manière si contraire au respect dû à l’autorité épiscopale et à la vénération que tous ceux qui aiment l'Église doivent particulièrement avoir pour un archevêque d’un mérite si extraordinaire. » Quesnel à Boileau. 18 févr. 1697, Correspondance, t. n. p. 8-11. Cette lettre de Quesnel fut l’occasion d’une querelle intime : Quesnel soupçonna But h d’Ans, qui vivait avec lui, d'être en correspondance secrète avec les auteurs de l’Histoire abrégée ; il pénétra dans la chambre du chanoine absent et s’empara de lettres clandestines. L’Histoire abrégée est probablement l'œuvre collective de I.ouail. de Fouillou et de Mlle de Joncoux.

Cependant, toute l’attention semble attirée par la question du quiétisme, dans laquelle Bossuet et Fénelon occupent la première place. Noailles paraît oublié. A cette époque aussi, à Rome, ou examinait un ouvrage posthume du cardinal Sfondrate, mort le 25 septembre 1090 et adversaire résolu des libertés de l'Église gallicane. Les archevêques de Reims et deParis, les évêques d’Arras, d’Amiens et de Meaux, écrivaient au pape Innocent Nil pour faire condamner l'écrit de Sfondrate. qui était favorable au inoli nisme sur la question de la grâce et de la prédestination. Le pape lit examiner cet écrit, le Nodus prsedestinationis dissolutus. D’après certains auteurs, ce serait pour répondre a cette attaque contre Sfondrate que les molinistes publièrent l'écrit qui allait jeter la panique parmi les jansénistes. Tel serait le projet imaginé par les historiens jansénistes ; il n’y manque qu’un point important : l'écrit qui déclencha les polémiques, s’il fut peut-être imprimé par les jésuites, fut certainement composé par un ami des jansénistes.

Le titre de l’ouvrage indique bien son contenu : Problème ecclésiastique, proposé à M. l’abbé Boileau de l’archevêché : A qui l’on doit croire, de Messire Louisvntoine de Noailles, évêque de Chatons, en 1695, ou île Messire Louis-Antoine de Souilles, archevêque de Paris, en 1696? Ce qui donna lieu à cette question, c’esl d’un côté l’ordonnance de Noailles, du 23 juin 16*95, qui approuvait les Réflexions morales de Quesnel. et. de l’autre, le mandement du même Noailles, du