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    1. REFORME##


REFORME. DOCTRINES, L’EUCHARISTIE

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pour avoir notre vie dans le Christ, nos âmes soient repues de son corps et de son sang, comme de leur nourriture propre ».

Et si Calvin s’en tenait là, on ne pourrait douter qu’il soit un partisan décidé de la théorie luthérienne de la présence réelle. Il n’en est rien cependant. En poursuivant notre lecture, nous apprenons qu’il ne voit dans l’eucharistie qu’une figure et que tout ce qu’il dit de la communion au corps et au sang du Christ dans la cène doit s’entendre d’une communion avec ce corps et ce sang, en tant qu’ils sont au ciel, à la droite du Père !

Le lieu où son langage est le plus clair est dans le Catéchisme : « Avons-nous en la cène simplement le témoignage des choses susdites ou si elles nous sont vraiment données ? — En tant que Jésus-Christ est la vérité, il ne faut douter que les promesses qu’il a laites à la cène, ne soient accomplies et que ce qu’il y figure n’y soit vérifié. Ainsi, selon qu’il le promet et représente, je ne doute pas qu’il ne nous fasse participants de sa propre substance, pour nous unir avec soi en une vie. »

— Jusqu’ici, nous sommes en plein dans la doctrine luthérienne. Mais voici qui est zwinglien : « Mais comment cela peut-il se faire, vu que le corps de JésusChrist est au ciel et que nous sommes en ce pèlerinage terrien ? — C’est par la vertu incompréhensible de son Esprit, laquelle conjoint bien les choses séparées par la distance du lieu. - - Tu n’entends donc pas que le corps soit enclos dedans le pain, ni le sang dedans le calice ?

- - Non, mais au contraire, pour avoir la vérité de ce sacrement, il faut élever nos cœurs en haut au ciel, où est Jésus-Christ en la gloire de son Père, et dont nous l’attendons en notre rédemption et non pas le chercher en ces éléments corruptibles. » Édition de 1553, rééditée en 1853.

Voilà qui est parfaitement net. Calvin admet une présence réelle, mais ce n’est pas une présence locale. Le pain et le vin ne sont là que pour « représenter » le corps et le sang du Christ. « Néanmoins, ajoute-t-il, ce n’est pas une figure nue, mais conjointe avec sa vérité et substance ». Il réunit donc le réalisme et le symbolisme. On dira peut-être : mais choisissez donc, ou Jésus est là et ce n’est pas une figure, ou c’est une simple figure et il n’y est pasl Calvin repousse ce dilemme. Il introduit ici la notion d’instrument. Le pain et le vin servent à Dieu d’instruments pour nous unir à son corps et à son sang. « C’est donc à bon droit, insiste-til, que le pain est nommé corps, puisque non-seulement il nous le représente, mais aussi nous le présente. » Mais, si on lui demande comment le pain nous peut présenter une chose qu’il ne contient pas, il n’a que cette réponse : « C’est par la vertu incompréhensible de l’Esprit. » C’est cette vertu qui « conjoint les choses séparées par la distance de lieu ». Et c’est tout. Mais cela suffit à Calvin pour affirmer que l’eucharistie nous donne la propre substance du corps de Jésus-Christ. La première utilité de ce sacrement sera donc de nous donner le corps et le sang de Jésus, la seconde, de provoquer notre gratitude, la troisième de nous conduire « à vivre saintement et surtout à garder charité et dilection fraternelle entre nous ».

3. L’usage légitime. - Ici encore apparaît le réalisme voulu de Calvin, si étrangement uni à son symbolisme. Calvin se montre extrêmement exigeant pour le communiant. Il veut faire de la communion le centre de la vie religieuse et une sorte de récompense des justes. La plus grande pénitence qu’il puisse infliger à un chrétien coupable est la privation de la communion, c’est-à-dire l’excommunication. « Quiconque approche de ce saint sacrement avec mépris ou nonchalance, ne se souciant pas beaucoup de suivre où le Seigneur l’appelle, écrit-il, il en abuse perversement et, en abusant, il le contamine. Or, polluer et contaminer ce que

Dieu a tant sanctifié, c’est un sacrilège intolérable. » Calvin n’hésite donc pas devant le mot le plus sévère de la langue théologique. La simple nonchalance devient pour lui « un sacrilège ». Il ne se rend pas compte de ce qu’il y a de vague dans ce terme « nonchalance ». Il oublie dans la pratique son dogme de la prédestination et il parle un langage tout à fait catholique, en disant : « Il n’y a rien au monde qui soit de plus grand prix et dignité que le corps et le sang du Seigneur, ce n’est donc pas petite faute de le prendre inconsidérément et sans être préparé. » Il admet donc qu’il appartient à l’homme de se préparer à la réception du sacrement et il condamne celui qui ne le fait pas. Cela ne l’empêche pas de blâmer énergiquetnent les « docteurs sophistiques » — il veut dire « catholiques », qui « ont mis les pauvres consciences en perplexité trop périlleuse, ou plutôt en géhenne horrible, requérant je ne sais quel examen dont il n'était pas possible de venir à bout ». Il n’en réclame pas moins de ses fidèles disciples des conditions préparatoires à la communion. Quelles sont-elles ? Calvin en indique deux : "une vraie repentance en nous-mêmes » et une « vraie foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ ». Ces dispositions, nous les reconnaissons, ce sont les deux pôles de cette mystique de la consolation que Calvin tenait de Luther. Nous devons désespérer de nous-mêmes, pour n’espérer qu’en Jésus-Christ, car, « si nous avons en lui notre repos, il faut qu’en nous-mêmes nous ne sentions que tourment et inquiétude. Or, telle affection ne peut être qu’elle n’engendre premièrement un déplaisir de toute notre vie, puis après une sollicitude et crainte, finalement un désir et amour de justice ». En un mot, le désespoir provoqué par notre impuissance nous conduit à l’espoir en Jésus, cet espoir nous donne l’appétit de le recevoir au banquet eucharistique.

Calvin en vient à rétablir pour l’usage de l’eucharistie toute la discipline que la primitive Église avait établie. Il tire de la pratique de la communion tout l’idéal du puritain. « Car il n’y a ordre, dit-il, que nous prétendions être du corps du Christ, nous abandonnant à toute licence et menant une vie dissolue. Puisqu’en Christ, il n’y a que chasteté, bénignité, sobriété, vérité, humilité et toutes telles vertus, si nous voulons être ses membres, il faut que toute paillardise, hautesse, intempérance, mensonge, orgueil et semblables vices soient loin de nous. »

De tels passages sont nombreux dans les écrits de Calvin. Il voudrait faire de sa cité genevoise une sorte de couvent laïque. Il interprète les intentions du Christ et va jusqu'à demander, dans son Institution, la règle de la communion hebdomadaire. Ses ordonnances du 16 janvier 1537, à Genève, parlaient aussi de la communion de chaque dimanche comme très désirable, et finalement prescrivaient la communion au moins mensuelle. C’est qu’en effet, si la communion n'était pas d’un usage fréquent, la grande arme de l’excommunication dont Calvin entendait bien se servir pour gouverner la ville, perdait une grande part de sa force.

Inutile d’ajouter que, comme Luther, Calvin réprouvait hautement le dogme de la transsubstantiation : « ce mensonge, disait-il, n’a nul fondement de l'Écriture et n’a aucun témoignage de l'Église ancienne », ainsi que le dogme du sacrifice de la messe. Il joignait dans la même réprobation le dogme de la présence locale du corps du Christ, sous les accidents du pain, et l’usage de la communion sous une seule espèce.

Notons en terminant que le genre de présence réelle qu’enseigne Calvin exclut la participation réelle à la cène de ceux qui n’ont pas les dispositions requises. Jésus n’est présent dans l’eucharistie que pour ses élus. Il n’y est pas pour les autres. S’ils reçoivent le pain et