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RÉFORME DOCTRINES, LES SACREMENTS


Il ne s’est pas attardé à faire un traité des sacrements en général. Mais il est aisé de déduire sa doctrine du reste de son système. Cette doctrine est articulée sur celle de la justification. La justification ne pouvant s’opérer que par la foi en la promesse, il est clair que le sacrement ne peut servir à la justification qu’en s’insérant dans le processus de la foi et il ne peut s’y insérer qu’en tant que signe de la promesse. On comprend dès lors la définition de Mélanchthon dans les I.oci Communes (édition de 1545) : « Les sacrements sont des signes de la volonté de Dieu envers nous ou encore des témoignages de la grâce promise », ou plus savamment : « Le sacrement est un signe de lu grâce, c’est-à-dire de la réconciliation gratuite qui nous est accordée à cause du Christ et qui est prêchée dans l'Évangile. »

La Confession d’Ausbourg avait dit dans le même sens : « Les sacrements ont été institués, non-seulement pour être des marques de profession religieuse parmi les hommes — ceci contre Zwingli, — mais bien plutôt pour être des signes et témoignages de la volonté de Dieu envers nous, ayant pour but d’exciter chez ceux qui en usent la foi et de la confirmer. »

La bonne manière d’user des sacrements, selon ladite Confession, c’est donc de « croire aux promesses que les sacrements rappellent et montrent ». Au surplus, la Confession exclut positivement la doctrine catholique. Elle « condamne ceux qui enseignent que les sacrements justifient ex opère operato et qui ne disent pas que, dans l’usage des sacrements, il est nécessaire d’avoir cette foi qui croit que les péchés sont remis. »

Par contre, Luther s'élève, dans ses Catéchismes, contre les sectes ultra-spirituèlles, qui repoussent tout recours à des signes sensibles, dans le fait de la justification. « Parce que la tyrannie du pape est abattue, dit le Petit catéchisme, il en est qui ne veulent plus aller au sacrement (de la communion) et qui le méprisent. Il faut de nouveau les pousser quoique avec précaution. Nous ne voulons pousser personne à la foi, ni contraindre à la communion, ni établir une loi, ni temps, ni situation, mais nous voulons prêcher de telle façon qu’ils se contraignent eux-mêmes, sans aucune loi de notre part et, pour ainsi dire, forcer les pasteurs à leur présenter la communion. Et cela se fait en cette manière qu’on leur dit : « Quiconque ne cherche pas ou ne désire pas le sacrement, au moins une fois ou quatre fois dans l’année, celui-là donne à craindre qu’il méprise le sacrement et ne soit pas chrétien, car il n'écoute pas l'Évangile et n’y croit pas… Celui qui n’a pas une grande estime pour le sacrement, c’est un signe qu’il n’y a pour lui ni péché, ni chair, ni diable, ni monde, ni mort, ni jugement, ni enfer. »

L’histoire recommençait et Luther, tout en s’en défendant assez gauchement, se voyait contraint d’imposer, lui aussi, des règles pour la fréquentation des sacrements.

La théorie sacramentaire de Luther s’appliquait en première ligne au baptême. Pour lui, il n’y a qu’un péché qui damne : l’incrédulité, comme il n’y a plus qu’un acte qui sauve : la foi, au sens spécial de certitude du salut personnel. Le baptême n’a d’autre but que de nourrir cette foi. L’intention du ministre du baptême n’a plus aucune Importance. Ce n’est pas un homme qui nous baptise, (est la Trinité sainte. Seule la foi du baptisé esi nécessaire. Ce qui donne au baptême son efficacité, c’est la promesse qu’il rappelle. Quiconque garde la foi en celle promesse conserve la grâce de son baptême. « Toute notre vie, dit Luther, doit prolonger notre baptême et accomplir le signe ou sacrement de baptême. »

Une conséquence capitale de cette efficacité du baptême, c’est qu’en assurant notre salut par la foi, il nous

affranchit de toute autorité humaine. « Ni le pape, ni les évêques, ni aucun homme n’a le droit d’imposer une syllabe à un chrétien, sans son consentement. Tout ce qui se fait autrement vient d’un esprit tyrannique. » (Tout cela dans Prélude sur la captivité babylonienne de l'Église, oct. 1520, W., t. vi, p. 529 sq.).

Il est également contraire au baptême et à la liberté qu’il confère de prononcer des vœux de religion. Les religieux commettent le crime de douter de l’efficacité de leur baptême. C’est un crime irrémissible !

Après avoir parlé du baptême, Luther, dans son Prélude de 1520, traitait de la confirmation. Mais c'était pour expédier sommairement la question. Il n’a jamais montré qu’un superbe dédain pour ce sacrement. « On se demande, disait-il, ce qui leur a passé par l’esprit de faire de l’imposition des mains un sacrement de confirmation. » C'était sans doute pour fournir aux évêques une belle occasion de parader ! Mais, « un évêque qui ne prêche pas l'Évangile et qui n’exerce pas le ministère des âmes, qu’est-ce autre chose qu’une idole qui n’a plus que le nom et l’apparence extérieure d’un évêque ? »

Ce qui est sur, c’est qu’il n’y a pas dans la confirmation le rappel d’une promesse du Christ. Ce n’est donc pas un sacrement, mais une simple cérémonie extérieure. Elle n’a aucun droit à être rangée parmi les sacrements de la foi. Notons au passage cette dernière expression. Elle résume d’un mot les théories de Luther sur les sacrements. Ils sont des signes propres à exercer la foi, rien de plus, rien de moins.

La théorie sacramentaire de Zwingli.

 Très différente

est la doctrine de Zwingli. Chaque fois qu’il aborde la question sacramentaire, c’est avec une mauvaise humeur sensible. Il n’aime pas ce mot de sacrement. Il estime que ce mot a été détourné de son sens étymologique. C’est par suite de cette erreur philologique que trois idées fausses se sont introduites dans l'Église : 1. que le sacrement est « quelque chose de saint et de haut, qui par sa propre vertu délivre la conscience du péché — il vise ici l’opinion catholique — ; 2. que le sacrement est le signe d’une chose sainte, en sorte que le rite joint à la confiance qu’on a en lui purifie intérieurement — il vise ici la doctrine de Luther, sans être plus juste pour elle que pour renseignement catholique — ; 3. que le sacrement est le signe de la réconciliation déjà accomplie et une confirmation de cette dernière — il vise ici, toujours sans nommer personne, les anabaptistes. »

Mais quel est donc son sentiment à lui ? Il fait étalage d'érudition humaniste, avant de nous le dire. Il rappelle que le mot sacrement, chez les païens, signifiait soit une somme mise en gage aux pieds d’une idole par des plaideurs, une sorte de cautionnement sacré, soit le serment militaire, soit enfin un serment quelconque. Erasme avait déjà précisé ces divers sens dans ie latin classique. Mais Zwingli veut à toute force en conclure que le mot de sacrement, dans la langue chrétienne, a dû signifier soit une initiation, soit une mise en gage. Le sacrement n’aurait donc pour lui aucune signification proprement religieuse. Zwingli laïcise le concept traditionnel de sacrement. Il n’y voit plus qu’un acte extérieur d’ordre politique et social.

Il est absurde, selon lui, de croire qu’on délivre des consciences avec de l’eau. « Dieu seul peut les délivrer, dit-il ; comment l’eau, l’huile, le sel, ou d’autres choses aussi grossières pourraient-elles atteindre jusqu'à l’esprit ? C’est donc une immense erreur de croire que les sa rements ont le pouvoir de purifier les Ames. »

Quant à dire, comme Luther, que le croyant a besoin du signe pour faire acte de foi dans la promesse, cela est enfantin ! Il faut ne pas savoir ce que c’est que la foi, pour avancer chose pareille ! La foi est une expérience intime. L’homme la sent en lui-même. Le bap-