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REFORME. DOCTRINES, LES SACREMENTS


déplaisaiice du mal et amour du bien, procédant de la crainte de Dieu et nous induisant à mortifier notre chair, pour être gouvernés et conduits par le Saint-Esprit au service de Dieu. — C’est le second point que nous avons touché de la vie chrétienne (le premier point était d’avoir notre « fiance en Dieu » ). — Voire : et avons dit que le vrai et légitime service de Dieu consiste en ce que nous obéissions en sa volonté. — Pourquoi ? — D’autant qu’il ne veut pas être servi à notre fantaisie, mais à son bon plaisir. — Quelle règle nous a-t-il donnée pour nous gouverner ? — Sa Loi. »

Et pourtant Calvin, si rigide à maintenir l’obligation de la loi, maintient aussi notre impuissance à l’accomplir parfaitement. Il se demande donc, dans le Catéchisme « pourquoi requiert le Seigneur une telle perfection qui est au-dessus de notre faculté ? » Et il répond : « Il ne requiert rien à quoi nous ne soyons tenus, moyennant que nous mettions peine à conformer notre vie à ce qui nous y est dit, encore que nous soyons bien loin d’atteindre jusques à la perfection, le Seigneur ne nous impute point ce qui défaut. »

Et à travers tout cela achève de se dessiner pour nous le portrait du puritain, selon le cœur de Calvin. Le puritain, avons-nous dit, est l’homme de la Bible. Mais nous pouvons ajouter maintenant : le puritain est l’homme qui se sait élu, qui lit son élection dans son biblicisme et dans son culte de la loi et qui ne regarde tous ceux qui diffèrent de lui que comme un gibier d’enfer, détesté justement par Dieu et qu’il doit détester lui-même 1

4° Prédestination et justification dans la foi anglicane. — Il y a une grande ressemblance entre la doctrine anglicane et celle de Calvin, sans doute parce qu’ici Calvin tenait de Bucer un respect de la loi que Luther n’avait pas affirmé assez hautement. Voici le texte des articles de la confession anglicane concernant les questions du salut : Art. 17 : « La prédestination est l’éternel dessein de Dieu, par lequel, avant que les fondements du monde ne fussent jetés, il a décrété, de toute éternité, par sa volonté impénétrable pour nous, de sauver de la malédiction et de la damnation ceux des humains qu’il a choisis en son Christ et de les conduire par le Christ au salut éternel, comme des vases d’honneur. En conséquence, ceux qui sont favorisés d’un si grand bienfait de Dieu, sont appelés, suivant le dessein de Dieu, par son Esprit opérant en temps opportun. Avec l’aide de la grâce, ils obéissent à cet appel : ils sont justifiés librement. Ils deviennent enfants de Dieu par adoption. Ils sont faits à l’image de son Fils unique, Jésus-Christ, (7s progressent saintement dans les bonnes œuvres et, à la fin, avec la miséricorde de Dieu, ils obtiennent la félicité éternelle. »

Il y a dans cet exposé, un mot qui peut surprendre : le mot librement. Mais le sens paraît être que Dieu justifie librement sans qu’aucun mérite humain le contraigne à justifier. C’est ce qui ressort de l’art. Il : « Nous sommes tenus pour justes devant Dieu seulement à cause du mérite de N. S. et Sauveur Jésus-Christ, par la foi et non pas à cause de nos propres œuvres ou mérites. Voilà pourquoi dire que nous sommes justifiés par la foi seulement est une doctrine très saine et très consolante. »

L’art. 12, sur les bonnes œuvres, est encore plus net contre l’idée d’une véritable coopération entre la volonté humaine et la grâce divine : « Quoique les bonnes œuvres, y lit-on, qui sont le fruit de la foi et qui suivent la justification, ne puissent effacer nos péchés et affronter le jugement de la sévérité de Dieu, cependant elles sont agréables à Dieu, en Jésus-Christ et naissent nécessairement d’une foi vraie et vive, si bien que c’est par ces bonnes œuvres qu’une foi vive

peut être aussi évidemment reconnue qu’un arbre à ses fruits. »

En somme, on retrouve ici tous les éléments du puritanisme calviniste et c’est pourquoi le puritanisme devait fleurir aussi bien dans l’anglicanisme que dans le presbytérianisme calviniste. Le puritain anglican lit son élection, lui aussi dans son accomplissement correct de la loi, car il y voit la preuve que sa foi est vive, que c’est bien la foi d’un prédestiné.

Mais tandis que Calvin méprise les non-prédestinés, les traite sans ambages de « pourceaux », les auteurs de la confession anglicane, manifestent timidement un souci d’ordre public, dans la déclaration suivante : « De même que la divine considération de la prédestination et de notre élection en Jésus-Christ est pleine d’une douce, riante, et indicible consolation pour les personnes pieuses et celles qui sentent en elles l’œuvre de l’Esprit du Christ, mortifiant les appétits de leur chair et leurs membres terrestres, — remarquons ces mots qui expliquent l’austérité puritaine, — élevant leur esprit vers les pensées supérieures et célestes, autant parce que cela établit et confirme profondément leur foi au salut éternel dont ils jouiront en Jésus-Christ que parce que cela enflamme très vivement leur amour pour Dieu, — de même, pour les personnes charnelles et curieuses, qui n’ont pas l’Esprit du Christ, la considération continuelle de la sentence de la divine prédestination est une occasion très dangereuse de ruine, par laquelle le démon les fait tomber soit dans le désespoir, soit dans le malheur d’une vie très impure, non moins périlleuse que le désespoir. » Comme on le voit, les rédacteurs des 3 il Articles auraient voulu conserver d’une part aux prédestinés la joie de se savoir élus, tout en préservant la société des débordements de ceux qui se savaient non-élus. Mais de quel droit arracher à ces derniers, avec les joies de la vie future, les satisfactions grossières de la vie présente, puisque c’était tout ce qu’ils pouvaient espérer de leur infortuné destin ? Il semble que les rédacteurs des’HJ Articles aient vaguement senti les dangers d’une doctrine trop rigide de la prédestination. Maisils n’étaient pas des métaphysiciens. Hommes pratiques, ils voulaient pousser les sujets de leur Église à l’observation de laloi, sans excès toutefois, car l’art. 14, dirigé contre l’ascétisme monastique, interdisait toutes les œuvres de surérogation. Le « puritain » sera donc un homme précis et calculateur. La Bible contient pour lui la liste définitive de ses obligations. Il ne veut pas qu’on y ajoute rien. Il lui suffit d’être au premier rang des amis de Dieu et il repousse toute surenchère !

IV. LA DOCTKISE DES SACREMEXTS ; BAPTÊME ;

COXFikitATiox. — 1° Chez Luther. — C’est dans les derniers mois de 1519 que Luther commence à s’occuper, avec le jeune Philippe Mélanchtl on, de la doctrine des sacrements. Il fait là des découvertes impressionnantes. Le peuple ne pouvait guère comprendre ses théories sur la justification et la prédestination. Mais toucher aux sacrements c’était toucher à ce qui frappait le plus les regards dans l’antique religion, c’était opérer une révolution. Luther semble avoir hésité quelque temps à livrer son opinion sur ce point, il le fait dans le Prélude sur la captivité babylonienne de l’Église (octobre 1520). Dès le début de cet ouvrage, il formule sa thèse : « Je nie les sept sacrements. Je n’en admets plus que trois : le baptême, la pénitence et le pain. Ceux-ci ont été plongés par Borne dans une lamentable captivité. L’Église a été dépouillée de toute sa liberté. »

Au surplus, il n’a jamais été bien fixé sur ce nombre trois. Dans la première édition de ses deux Catéchismes (1529) il ne parlait plus que du baptême et de la cène. La pénitence ne fut ajoutée que dans les éditions postérieures.