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    1. RÉFORME##


RÉFORME. DOCTRINES, LE PÉCHÉ ORIGINEL

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4° Le biblicisme des « 3 !) Articles ». — La position de l'Église anglicane, au sujet de la Bible, est définie par le 6e des trente-neuf articles de 1562, ainsi conçu : « La sainte Écriture contient toutes les choses nécessaires au salut, de sorte que tout ce qui n’y est pas contenu ou ne peut pas être prouvé par elle ne doit être exigé d’aucun homme comme article de foi, ni réputé requis ou nécessaire au salut. Sous le nom d'Écriture sainte nous comprenons ces Livres canoniques de l’Ancien et du Nouveau Testament, dont l’autorité n’a jamais été mise en doute dans l'Église ».

Après cet article vient l'énumération des Livres reconnus comme canoniques. Sont exclus de la liste les livres deutérocanoniques, et en particulier les livres de Tobie, de Judith, de la Sagesse, de l’Ecclésiastique, de Baruch, etc.

Comme dans tout l’ensemble de sa constitution, l'Église anglicane prenait ici, un peu au petit bonheur, une via média entre le biblicisme rigide de Calvin et l’enseignement de l'Église catholique. Le sens de l’article 6 est en effet le suivant : 1. La Bible suffit au salut. 2. Elle ne suffît pas tout à fait, car pour savoir quels livres font partie de la Bible, il faut consulter la tradition. 3. Il appartient à une Église nationale de décider, à elle seule, si les livres regardés comme canoniques dans certaines parties de l'Église ou dans certaines périodes de l’histoire doivent être considérés ou non comme parole de Dieu.

Cela n'était pas très logique, car de deux choses l’une : ou le canon des Écritures est article de foi, et alors il est possible de fonder un article de foi sur une décision de l'Église, ou il n’est pas article de foi, et comment pourra-t-on fonder des articles de foi sur des textes dont la canonicité elle-même n’est pas de foi et se trouve par là même sujette à caution ?

Calvin seul avait vu la difficulté et avait trouvé dans une logique intrépide mais audacieuse une solution commode : un texte biblique porte en lui-même sa marque d’authenticité et de canonicité comme le soleil porte avec sa lumière la preuve de son existence.

II. le péché originel.

Chez Luther.

C’est

à propos de la notion du péché originel que Luther a commencé à dévier de la doctrine catholique. On peut diviser en trois étapes son évolution à ce sujet : 1. Avant son voyage à Rome, il est encore substantiellement catholique, bien que ses expériences intimes et ses lectures favorites le poussent déjà à une conception très pessimiste de la nature déchue. — 2. A la suite de son voyage de Rome, il semble bien avoir adopté une théorie voisine de celle que Seripandi devait défendre au concile de Trente et qui porte le nom de théorie de la double justice. Cette théorie se résume en deux points : l’homme déchu peut, avec le secours de la grâce, faire quelque bien, mais son pouvoir est étroitement limité et ne suffît pas à assurer son salut. Il lui faut, en plus de sa « justice personnelle » une seconde justice, qui est celle de Jésus-Christ. Il y a donc deux justices, l’une infuse, l’autre imputée. C’est à peu près ce que l’on trouve dans le Commentaire sur les Psaumes de Luther, entre 1513 et 1514. — 3. Mais Luther ne s’arrête pas là. Il ne cesse de diminuer l’importance de la première justice pour grossir celle de la seconde, jusqu'à ce qu’il arrive à supprimer celle-là pour ne plus admettre que celle-ci. Dès son Commentaire de l' I : pitre aux Romains (1515-1616), il manifeste avec éclat son sentiment nouveau. Les injures aux théologiens y alternent avec les plus sombres descriptions de la corruption humaine « Qu’est-ce donc, écrit-il, que le péché originel ? Primo. selon les subtilités des théologiens scolasl iques. c’est la privation et le manque de Justice originelle. Quanl à la justice, suivant eux, elle est dans la volonté comme dans son sujet. C’est donc là aussi que réside sa priva tion. Elle appartient en effet au prédicament de la qualité, selon la logique et la mélaphysique. Secundo, selon l’Apôtre (saint Paul) et la simplicité du sens dans le Christ Jésus, ce n’est pas seulement la privation d’une qualité dans la volonté, bien plus ce n’est pas seulement la privation de lumière dans l’intelligence, de force dans la mémoire, mais c’est en vérité la privation de toute rectitude et de toute puissance dans toutes les facultés tant du corps que de l'âme et de tout l’homme tant intérieur qu’extérieur. De plus, c’est le penchant même au mal, le dégoût du bien, la répugnance pour la lumière et la sagesse, l’amour au contraire des ténèbres et de l’erreur, la fuite et l’abomination des bonnes œuvres, l 'empresse ment au mal… En somme, ainsi que les anciens Pères l’ont dit, ce péché d’origine, c’est le foyer même de la concupiscence, la loi de la chair, la loi des membres, la langueur de la nature, le tyran, la maladie originelle… ». Ficker, Luthers VorUsung iiber den Pcmerbrief, t. i /), p. 143 sq.

Depuis ce temps, Luther, qui a changé sur beaucoup d’autres points, n’a plus varié en ce qui concerne le péché originel. Dans les Articles de Smalkalde, qui sont de 1538, son langage est le même en substance que celui qu’on vient de lire. Mais il ajoute les précisions intéressantes que voici : « Ce péché originel est une corruption si profonde et si mauvaise de la nature qu’aucune raison ne la connaît, mais que nous devons en recevoir la révélation par l'Écriture. De là vient qu’il y a eu beaucoup d’erreurs et de cécité sur cet article, tel que les scolastiques l’ont enseigné, notamment : 1. que, par la chute d’Adam, les forces naturelles de l’homme sont restées intactes et entières et que l’homme tient de sa nature une raison droite et une volonté bonne, comme disent les philosophes ; 2. que l’homme possède un libre arbitre pour faire le bien et éviter le mal ou inversement pour laisser le bien et faire le mal ; 3. que l’homme peut, par ses forces naturelles, accomplir et observer tous les commandements de Dieu ; 4. qu’il peut, par ses forces naturelles, aimer Dieu par dessus tout et son prochain comme lui-même ; 5. que, lorsque l’homme fait tout ce qui est en lui, Dieu lui donne sûrement sa grâce ; 6. que, lorsqu’il s’approche d’un sacrement, il n’a pas besoin du ferme propos de bien faire, mais qu’il suffît de n’avoir pas le mauvais dessein de pécher, tant la nature est bonne et efficace le sacrement ; 7. qu’il n’est pas établi par l'Écriture que pour faire une bonne œuvre il est nécessaire d’avoir l’Esprit-Saint avec sa grâce. » Luthers Wcrke, éd. Schwetschkc, t. iii, p. 55-56.

Dans la Confession d’Augsbourg, le péché originel est donné comme consistant en ce que les hommes naissent « sans la crainte de Dieu, sans confiance en Dieu et avec la concupiscence. » Kidd, op. cit., p. 262.

En recueillant tous les textes, on arrive à la conception suivante, chez Luther : 1. L’homme est complètement déchu depuis la faute d’Adam. Il n’a aucune puissance pour le bien. Tous ses actes sont des péchés mortels. Même en croyant bien faire, nous péchons, bene operando peccamus, ou encore, homo, quando jac.it quod in se est, peccat. W., t. i, p. 148 (1516). La grâce même de Dieu ne pourrait rien tirer de nous, 'foule notre justice est imputée.

2. Il s’ensuit que tous les actes clés hommes, aussi bien des sages du paganisme que des hommes régénérés par le baptême, sont de véritables péchés devant Dieu : « Toutes les vei lus des philosophes, bien plus, de tous les hommes, soit des juristes, soit des théologiens, sont des apparences de vertus e’I en réalité des vices. » Cité par Denifle, Luther und Luthertum, t. i, p. 528.

3. El cela s’expl ique par ce fait que la concupiscence non seulement est invincible, en ce sens qu’elle ne peut être extirpée, mais en ce sens qu’elle vicie tous nos