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RÉFORME. DOCTRINES, SOURCES DE LA FOI


ture, des choses obscures et que tout n’y soit pas intelligible et clair, c’est ce que prétendent en effet les sophistes impies (entendez : les théologiens catholiques), dont tu adoptes le langage, ô Érasme. Mais ils n’ont pas pu apporter un seul article pour prouver l’opinion insensée qu’ils professent sur ce point. C’est par une illusion frivole que Satan a détourné les fidèles de la lecture des Saintes Écritures et rendu la Sainte Bible méprisable, pour que ses doctrines empoisonnées, extraites de la philosophie, pussent prendre le dessus dans l'Église. "De servo arbilrio, W., t. xviii, p. 607 sq.

A en croire Luther, la Bible ne peut être obscure que pour ceux qui n’ont pas la foi : « Tout chrétien doit avoir cette conviction que les saintes Écritures sont une lumière spirituelle, beaucoup plus claire que le soleil, au moins en ce qui concerne le chemin de la béatitude ou ce qui appartient aux vérités nécessaires. » Il n’y a que le démon qui a pu égarer les Pères, puisque son adversaire, Érasme, a pu lui en citer un très grand nombre qui ne croient pas au serf-arbitre. Et Luther ne voit pas la cause de trouble qu’il va engendrer dans les âmes, car si le démon a pu égarer les esprits des Pères, malgré leur science biblique, leur sainteté et leur sincérité, quelle confiance pouvons-nous avoir, nous, qui leur sommes si inférieurs ? Et si la Bible, si claire, selon Luther, a pu être comprise de travers par eux, comment serons-nous assurés d'être garantis contre tout risque d’erreur à notre tour ?

Le biblicisme chez Zwingli.

Zwingli n’est pas

venu au biblicisme par les mêmes voies que Luther. Il n'était pas un mystique. Il n’avait pas connu la vie monastique. C'était un homme d’action, mêlé à la vie de son pays et de son temps. Il avait appris le grec tout seul, s'était enthousiasmé pour les travaux et les talents d'Érasme. Il avait espéré un instant s’arracher à l’enlisement de l’impudicité par la vertu du grec biblique. Après dix-huit mois d’efforts, il avait de nouveau cédé aux penchants de sa nature sensuelle. Dès lors il s'était laissé couler à pic. Les lamentables aveux de sa lettre du 5 décembre 1518, au chanoine Utinger, ne laissent aucun doute sur ses débordements secrets. Depuis ce temps (1518), il était resté aigri contre les institutions ecclésiastiques. Il ne nous paraît pas douteux qu’il ait subi l’influence lointaine de la révolte luthérienne, bien qu’il n’ait jamais voulu en convenir. Et on peut lui accorder en effet que, si la révolte luthérienne lui donna une impulsion, il n’en accepta jamais les principes qu’en les adaptant très librement à son cas. Cependant, en ce qui concerne la Bible, ses idées se rapprochent beaucoup de celles de Luther, sauf sur un point essentiel : l’utilisation d’une clé d’origine mystique pour interpréter les Écritures. Nous ramènerons à deux les principes bibliques de Zwingli :

1. La Bible contient tout le droit divin. Il n’est pas permis d’y rien ajouter, d’en rien retrancher. Toutes les institutions qui ne sont pas fondées sur la Bible sont nulles et non avenues, criminelles et diaboliques. La Bible suffit. 2. La Bible se suffit ; elle est parfaitement claire et n’a besoin d’aucune interprétation ecclésiastique.

Sur le premier point, comme Luther, il se contente d’affirmer. Dès 1520, il obtient des bourgeois du conseil de Zurich une ordonnance érigeant le biblicisme en loi d'État. Il semble que le biblicisme apparaisse alors comme un principe premier, une évidence immédiate. On en a assez des opinions et des disputes d'école. Le seul mot de Bible exerce une fascination irrésistible.

Sur le second point, que Zwingli considérait comme capital, il a écrit un livre spécial : De la clarté et de la certitude de la Parole de Dieu (Von Klarheii and Gewissheit des Wortes Gottes), 6 septembre 1522, C. K-.

Op. Zuinglii, 1. 1, p. 328-384. Nous n’en citerons que ce passage qui livre toute la pensée de Zwingli : « Ceux qui se font les défenseurs et les champions des doctrines humaines ont toujours l’habitude de parler de la manière suivante : Nous vous accordons, nous aussi, que la doctrine évangélique, inspirée de Dieu, doit être préférée à toutes les autres doctrines. Poussés en effet par la grâce ou par la puissance divine, ils ont fait ce progrès d’en venir jusque-là. Mais les manières d’interpréter l'Évangile, disent-ils encore, sont diverses et contradictoires. Dans une telle variété d’opinions, il faut qu’il y ait un juge, qui prononce sur la vérité de l’une de ces opinions et impose silence aux autres. Voilà ce qu’ils disent. Et tout cela n’a qu’un but, qui est de soumettre l’interprétation de la Parole de Dku aux jugements des hommes, afin de pouvoir plus aisément, par les Caïphes et les Annes, persécuter les ministres de la Parole et les promener de tribunal en tribunal, devant les divers juges. Mais écoutez, je vous prie, notre réponse à nous. Les écrivains sacrés appellent Évangile non seulement ce qui a été écrit par Matthieu, Marc, Luc et Jean, mais tout ce qui a été livré par Dieu aux hommes, dans l’Ancien et le Nouveau Testament, tout ce qui nous informe de la grâce et de la volonté de Dieu. Or, comme la volonté de Dieu est unique et unique son Esprit, qui n’est certes pas un Esprit de dissension, mais de concorde, il était nécessaire que le sens de la Parole divine fût unique et très simple, quelles que soient les expositions et opinions diverses par lesquelles il peut être déchiré par nous… Si donc tu permets à la Parole de Dieu de rester ce qu’elle est…, elle proférera en toi comme en moi toujours le même sens. » Voir Kidd, loc. cit., p. 406.

Ce fut grâce à des assertions de ce genre, souvent répétées, que Zwingli réussit à persuader les bourgeois du conseil qu’ils avaient le droit et le devoir de s'ériger eux-mêmes, en dépit de leur incompétence, en juges souverains des controverses théologiques, à la condition que ces controverses seraient réglées par le recours unique à la Bible. Du moment que la Bible suffit et qu’elle se suffit, le bourgeois le plus étranger aux discussions théologiques peut trancher en dernier ressort dans les matières religieuses.

Le biblicisme chez Calvin.

Si le biblicisme chez

Luther est dominé par une ceititude subjective, celle de la justification par la foi seule ; chez Zwingli, par la haine de toute autorité ecclésiastique et les tendances de l’humanisme vers le recours aux sources ; il reçoit, chez Calvin, sa couleur particulière — il ne semble pas qu’on l’ait assez remarqué — de son tempérament et de sa formation de juriste.

Sans doute, Calvin, à la différence de Zwingli, est un mystique authentique de l'école de Luther. Il s’est assimilé les thèses luthériennes sur la justification, il en a ressenti la puissance consolante, il les a retrouvées dans l'Écriture. Mais c’est en tant que juriste rigoureux et intransigeant qu’il a fait, en matière de biblicisme, œuvre originale.

Il part, lui aussi, du principe fondamental de Luther et de Zwingli, à savoir que le droit divin est contenu dans la Bible. C’est pour lui le premier des dogmes. Il en déduit que toutes les institutions catholiques non appuyées sur la Bible, telles que la confirmation, l’ordre, l’extréme-onction, la pénitence, le mariage sacramentel, etc. sont des inventions diaboliques. Il se montre, sous ce rapport, beaucoup plus sec et plus radical que Luther, en qui des souvenirs demeurés chers à son coeur de prêtre dévoyé altéraient la rigueur des exécutions. L’appel à la Bible, chez Calvin, est continuel. C’est un procédé de tous les Instants, un argument inépuisable. On dirait que ce théologien-légiste a la fureur des textes, qu’il ne puisse