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    1. RÉFORME##


RÉFORME. CAUSES, THÈSE HISTORIQUE

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Qui ne voit que c’est bieu la même question ? La seconde évolution est celle du cadavre qui se décompose. Il faut donc tout simplement, en cette querelle séculaire entre protestants et catholiques, savoir distinguer entre un corps vivant et un cadavre.

C’est donc chez Newman qu’il faut aller chercher la véritable conception des causes de la Réforme protestante. Les « réformateurs » disaient : il y a eu corruption doctrinale, voilà la cause de notre rébellion contre Rome. Les catholiques répondent : non, il n’y avait pas eu corruption, mais vivante évolution, c’est au contraire dans vos rangs que les doctrines, au lieu d’évoluer suivant une ligne de vie, reproduisent une évolution de déliquescence.

2° Les « abus », cause de la Réforme. — Mais ce n’est là que le premier point de la thèse catholique. La tâche de l’historien n’est pas achevée quand il a écarté du débat la prétention des soi-disant réformateurs de n’avoir été mis en mouvement que par l’évidence de la trahison de l’Église envers le dépôt de la révélation. Si la thèse protestante est fausse, il faut la remplacer par une thèse qui sera vraie.

On assure parfois, un peu à la légère, que la thèse positive du catholicisme se réduit à ceci : il y avait des abus, c’est-à-dire un relâchement général de la discipline canonique. Ce sont les abus seuls qui furent causes de la révolution protestante. Certes, nous ne songeons pas à nier les abus. Il suffit d’étudier l’histoire du concile de Trente et de ses travaux pour se persuader que les abus étaient nombreux et qu’ils ont pesé d’un poids très lourd dans la balance des événements au début du xvie siècle. Il y avait des siècles que le problème de la réforme de l’Église « en son chef et sss membres » était à l’ordre du jour. Ce sont les retards continuels apportés à cette grande œuvre de la réforme qui ont fini par rendre inévitable la catastrophe de la rupture de l’unité religieuse en Occident. Mais, si les abus expliquent fort bien la réunion d’un concile, ils ne suffisent pas à expliquer une révolution. Ils ne sont qu’une cause négative, une occasion si l’on veut. La cause proprement dite est à chercher ailleurs et ce serait diminuer la grandeur du conflit que de s’en tenir à une vue aussi superficielle. Il serait décidément absurde, comme on l’a dit, de n’attribuer à un vaste mouvement comme celui de la Réforme « d’autres causes et plus profondes que le dérèglement de chanoines épicuriens ou les excès de tempérament de deux ou trois nonnains de Poissy >. L. Febvre, Une question mal posée, etc., dans Revue historiqw de maijuin 1929, p. 22.

Bossuet lui-même, si rapidement qu’il touche à ce problème, dans les premières lignes de l’Histoire des variations, insinue nettement que la cause principale fut une cause de psychologie individuelle et collective. Il rappelle, comme on vient de le faire, que « la réformation de l’Église était désirée depuis plusieurs siècles », que « la rôformation que l’on désirait ne regardait que la discipline et non la foi », mais que toutefois, « il y avait des esprits superbes, pleins de chagrin et d’aigreur, qui, frappés des désordres qu’ils voyaient régner dans l’Église et principalement parmi ses ministres, ne croyaient pas que les promesses de son éternelle durée pussent subsister parmi ces abus ». C’est bref et c’est très insuffisant. Mais L’indication donnée est précieuse. Les abus furent seulement l’occasion. La vraie cause de la révolution doit être cherchée dans le caractère, le tempérament, les idées, les talents, la force de persuasion et d’entraînement des « réformateurs » d’une part, et dans les tendances, les récriminations, les colères, les aspirations collectives des masses sur lesquelles les réformateurs onl agi.

La thèse catholique portait donc en germe la thèse que doit maintenant adopter la grande histoire.

La thèse protestante de la corruption doctrinale est abandonnée par les historiens sérieux. Lucien Febvre a fort bien montré que les mots « réforme, Église primitive » n’étaient que les éléments d’un mythe qui séduisait les imaginations des adversaires de l’Église traditionnelle. « Réforme, Église primitive, écrit-il, mots commodes, pour déguiser à leurs propres yeux, la hardiesse de leurs désirs secrets. Ce qu’ils souhaitaient en réalité, ce n’était pas une restauration, c’était une novation. Doter les hommes du xvr 3 siècle de ce qu’ils désiraient, les uns confusément, les autres en toute clarté : une religion mieux adaptée à leurs besoins nouveaux, mieux accordée aux conditions nouvelles de leur existence sociale, que ses auteurs en aient eu plus ou moins nettement conscience, voilà ce que la Réforme a accompli en fait. » Art. cité, de la Revue historique, mai-juin 1929, p. 61 sq. Entre les deux hypothèses : réforme ou révolution, L. Febvre n’hésite pas un instant. En dépit de leurs affirmations probablement sincères, malgré tout ce qu’ils ont dit et pensé, les « soi-disant réformateurs » ne furent que des révoltés, des révolutionnaires. Leurs doctrines qu’ils donnaient comme une restauration du christianisme primitif n’étaient au fond pas autre chose, selon le mot connu de Wundt, que le « réflexe du siècle de la Renaissance ».

C’est à des historiens catholiques, tels que Janssen et Denifle qu’appartient le mérite de s’être engagés les premiers dans la voie des explications rationnelles sur ce point. Essayons donc à notre tour de préciser la méthode que nous estimons s’imposer dans la recherche des causes de la révolution religieuse du xvie siècle.

/II. thèse historique. — Nous avons parlé de méthode pour découvrir les causes, plutôt que d’un exposé des causes elles-mêmes. Il a été d’usage en effet jusqu’ici, chaque fois que l’on a voulu déterminer les causes d’un grand événement historique, et notamment de celui qui nous occupe, de s’en tenir à une description plus ou moins approfondie de l’époque antécédente, en mettant simplement en évidence les motifs ou les signes de malaise politique ou social que l’on y pouvait découvrir. Si nous pouvons faire quelque progrès dans la philosophie de l’histoire, ce sera au contraire en faisant des analyses plus logiques et plus rigoureuses, d’un mot : en appliquant une méthode. Or, cette méthode est incluse dans les données mêmes du problème à résoudre. Elle comprend deux étapes : en premier lieu, il convient de préciser avec exactitude les caractères dominants de l’événement qu’il s’agit d’expliquer par ses « causes ». Une fois ces caractères dominants obtenus, il n’y a plus qu’à en rechercher la genèse dans le passé. Les causes en histoire ce sont les idées, les sentiments, les forces psychologiques à l’œuvre pour changer le cours de l’histoire. Ces forces émergent dans le mouvement qu’elles engendrent. Rechercher leur origine c’est cela même que nous appelons la recherche des causes.

Une application de ces principes au grand fait de la Réforme protestante nous fera voir la fécondité et la précision de cette méthode si simple.

Caractères dominants de la Réforme protestante.


Nous appelons caractères dominants ceux qui se retrouvent dans toutes les variétés de la Réforme, ceux qui sont communs à toutes les Églises dissidentes et à toutes les sectes, à celles du moins qui ont réussi et qui ont duré. Nous isolons de la sorte les traits particuliers qui sont propres a chaque réformateur et n’appartiennent qu’aux biographies spéciales.

1. Ainsi, la Hé forme protestante a été en premier lieu antipapale. Elle a ruiné l’autorité du pape, dans tous les pays et tous les centres oh elle a triomphé. Elle a condamné. Injurié, vilipendé, voué à l’horreur et à