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2005

RÉDEMPTION DES CAPTIFS (ORDRE DE LA]

2006

RÉDEMPTION DES CAPTIFS (Ordre de la Merci ou de la). —
I. Fondateur. —
II. Organisation et caractère de l’ordre. —
III. Les théologiens de l’ordre. —
IV. Quelques questions théologiques spécialement étudiées dans l’ordre.

I. Fondateur.

Ce fut saint Pierre Nolasque qui fonda l’ordre de la Merci. Français d’origine, il naquit en 1180 à Mas-Saintes-Puelles, village situé entre Toulouse et Carcassonne. Afin de trouver de plus grandes facilités pour l’exercice de sa profession de marchand ou, d’après d’autres historiens, pour s’évader des guerres sanglantes des albigeois, il quitta sa patrie dans sa jeunesse pour se rendre à Barcelone. Dans cette ville, il continua l’exercice du commerce, ce qui fut providentiel, car ce commerce le jirépara à la mission que Dieu devait lui confier, en lui donnant une connaissance plus complète de l’horrible état des chrétiens détenus captifs par les musulmans et en lui donnant le courage nécessaire pour braver les dangers de la mer et des pirates.

Pierre Nolasque dépensa tous ses biens pour le rachat des captifs, il obtint même l’appui d’autres personnes charitables, mais tout cela n’était que fort peu de chose pour porter remède à un mal aussi généralisé. Ce fut à ce moment que, par ordre de Dieu, il fonda l’ordre de la Merci. Le fait, d’après tous les chroniqueurs de l’ordre, tant anciens que modernes, eut lieu de la façon qui suit : le saint se trouvait en prière dans la nuit du 1 er au 2 août de l’année 1218, quand il eut une apparition de la très sainte Vierge, qui lui ordonna de fonder un ordre ayant comme but tout spécial le rachat des captifs. Le projet fut communiqué au roi don Jaime I er, avec la protection duquel l’ordre fut fondé le 10 août de la même année, à l’aute ! de sainte Eulalie de la cathédrale de Barcelone. L’intervention du roi dans la fondation de l’ordre de la Merci est hors de doute ; de nombreux documents postérieurs du même Jaime I er, ainsi que de beaucoup de ses successeurs, en témoignent. Par contre, l’intervention de saint Baymond de Penafort ne peut être affirmée que comme probable.

La règle de Saint-Augustin fut donnée à l’ordre. Grégoire IX l’approuva le 17 janvier 1235. L’habit des religieux de la Merci fut blanc dès le début. Sur la poitrine ils portaient la croix blanche de la cathédrale de Barcelone et, depuis 1251, aussi les bandes des armes d’Aragon, en vertu d’une concession f : iite la même année par le roi Jaime et dont l’original est conservé dans les archives de la couronne d’Aragon.

Dès que l’ordre fut fondé, Pierre Nolasque travailla, avec plus d’ardeur que par le passé, au rachat dis captifs. Déjà d’autres personnes et institutions s’étaient adonnées plus nu moins à cette œuvre de charité dans l’Église, mais Nolasque lui imprima son caractère personnel par l’organisation qu’il adopta et les moyens qu’il imagina pour atteindre son but. Voici quels sont les trois moyens principaux dont il se servit pour donner de l’accroissement à son œuvre. D’abord il fonda dans les villes et bourgades des confréries qui ramasseraient les aumônes pour le rachat. Ensuite il détermina pour chaque couvent des territoires dont le monastère sérail responsable, et où il pourrait exercer son zèle sans difficultés ni entraves ; dans les premiers temps ces couvents se firent aider par des quêteurs séculiers ou des tertiaires, vu le manque de personnel. Le troisième moyen < ce fut de mener, par les villes et les bourgades, les captifs eux-mêmes, atin qu’ils fussent un témoignage vivant du fruit des aumônes et des horreurs de la captivité. P. Vâsquez, H M. de ! a Orden, t. i, p. 51. Le zèle et l’ardeur que Nolasque mit dans la réalisation de son œuvre furent tels, qu’il y consacra, non seulement ses énergies, mais sa ie elle-même et le bien-être de ses iils les mercédaires.

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

Il ordonna, par exemple, la vente des biens des religieux ainsi que des couvents eux-mêmes, s’il le fallait, pour le rachat des captifs, ce qui en réalité se fit plus d’une fois. Il disposa même que les religieux donneraient leur liberté si les besoins du rachat l’exigeaient.

En 1238, Nolasque accompagna le roi Jaime au siège de Valence. Dans la ville conquise, le roi lui donna des maisons et une mosquée pour en faire un couvent, peu après il lui fit don aussi du château du Puig lequel ne tarda pas à devenir un couvent et sanctuaire très célèbre. Il paraît aussi que le saint fondateur accompagna le roi saint Ferdinand à la prise de Séville, dans les années 1247-1248 ; il s’y fonda de même un couvent de l’ordre. Bien que le rachat des captifs fût très pénible, l’ordre se développa assez rapidement pendant la vie du fondateur et s’étendit à la Castille et à la France, mais le personnel n’était pas nombreux, à cause des difficultés qu’on a mentionnées.

En 1245, Nolasque reçut d’Innocent IV une bulle solennelle signée par le pape et par douze cardinaux. Cette bulle approuvait de nouveau l’ordre et ratifiait ses privilèges, en ajoutait d’autres et plaçait l’ordre sous la protection spéciale du souverain pontife. Finalement, tandis que Pierre Nolasque s’occupait de l’érection d’une église à la Mère de Dieu à Barcelone, berceau de l’ordre, la mort vint le surprendre le 13 mai 1240, mais il laissait son œuvre bien affermie. Dès le xve siècle il fut vénéré comme saint et le pape Urbain VIII ratifia solennellement son culte en 1028. Jamais il n’y a eu sur la terre un homme plus libéral que le grand saint Pierre Nolasque, fondateur de l’ordre sacré de Notre-Dame de la Merci » Bossuct, Panég. de saint Pierre Nolasque.

II. Organisation et caractère de l’ordre. — La Merci fut au début un ordre militaire comnii’l’étaient aussi les ordres d’Alcantara, de Calatrava et autres, et il conserva ce caractère pendant le premier siècle de son existence. C’est un fait certain que quelques chevaliers de l’ordre prirent part aux conquêtes de Majorque, Valence, Minorque, Alméria. etc., et reçurent pour cela des donations de la part des rois, comme les autres conquérants. Cependant, dès les débuts, la Merci compta des prêtres parmi ses membres et, d’après une décision d’Innocent IV de 1245, la charge de supérieur général devait être conférée à celui qui aurait obtenu le plus grand nombre de suffrages, qu’il fût chevalier ou prêtre.

L’ordre fut d’abord gouverné par les dispositions et les conseils du saint fondateur, ainsi que par les décisions des chapitres généraux « sa règle, dit Jaime II en 1301, était fort semblable à celle des Templiers, Calatraves et Uclés ». Fink, Acla arayonensia, i. Le premier recueil écrit de lois fut compilé par le quatrième maître de l’ordre, saint Pierre d’Amer, « après avoir vu et réuni les constitutions faites par les maîtres généraux nos prédécesseurs ». Les constitutions d’Amer furent promulguées au chapitre général de Barcelone en 1272. Elles sont très brèves. Le chapitre général, la grande institution de l’époque, devait être célébré chaque année pendant trois jours à partir du 3 mai. Tous les commandeurs (nom donné aux supérieurs des ordres militaires et qu’on conserve encore dans la Merci), ainsi qu’un religieux de chaque couvent de l’ordre, devaient y assister. La charge de maître général était à vie. Dans le chapitre, après que tous les capitulaires avaient prêté obédience au maître, on procédait à l’élection de son définitoire ou conseil, qui se composait de quatre religieux, deux laïcs et deux clercs et du prieur, prêtre qui était compétent pour les questions de juridiction ecclésiastique dans l’ordre tout entier. Le maître général, avec son conseil, nommait tous les commandeurs de l’ordre qui pouvaient être des chevaliers ou des clercs sans

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