Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/285

Cette page n’a pas encore été corrigée

1983 RÉDEMPTION. EFFETS DANS LOKDRE EXPERIMENTAL 1984

à la vie même de Dieu. Voir Justification, t. viii, col. 2217-2224. L'œuvre du Christ est plutôt caractérisée par le terme de satisfaction quand elle est envisagée sous le premier aspect et de mérite sous le second. Cf. Sum. th., III », q. XLVI ; a. 3e t q. xlviii, a. 1-2.

Comment l’homme, une fois justifié, pourrait-il ne pas avoir une activité en conséquence ? Operalio sequitur esse. Logique avec elle-même, la foi catholique lui reconnaît le pouvoir de produire à son tour des œuvres salutaires, qui lui confèrent un titre des plus authentiques à la faveur divine. Voir MÉRITE, t. x, col. 774784. Il n’en fallait pas moins pour réparer les suites de la chute, qui avait à jamais paralysé ses énergies dans l’ordre supérieur auquel Dieu l’avait destiné. Mais la réparation fut assez grandiose pour dépasser en splendeur l'édifice primitif, au point que l'Église nous invite à chanter : O felix culpa ! O vere necessarium Adx peccalum !

Au demeurant, cette restauration n’atteint pas seulement les individus. L'Église, avec la puissance de sanctification dont elle dispose et les fruits de sainteté qui la distinguent, en est le suprême épanouissement. Voir Église, t. iv, col. 2150-2155 ; JésusChrist, t. viii, col. 1359-1361. Détourné de sa fin par le péché, l’univers moral retrouve en mieux, à titre corporatif, les moyens de la remplir.

Non moins qu’avec son corps visible, il faut également compter enfin avec l'âme de l’Iïglise, c’est-à-dire tout ce que représente de valeurs l’influence directe ou indirecte du christianisme dans le monde actuel, ainsi que les biens attachés par la Providence à la pratique de l’ancienne Loi, judaïque ou naturelle. Voir Capéran, Le problème du salai des infidèles. Essai théologique, nouvelle édition, Toulouse, 1934. Ce qui, en un sens très réel, étend la grâce de la rédemption à l’ensemble de l’humanité.

b) Le Rédempteur du monde. — C’est dans le cadre de ce tableau que la figure du Rédempteur prend ellemême ses véritables proportions.

Dans sa propre personne d’abord, au terme de son ministère ici-bas, le Christ retrouve, aux côtés du l'ère, la gloire qu’il avait au commencement. Joa.. xvii, 5. Assis « à la droite de Dieu », Marc, xvi, 19 ; Act., vii, 55 ; cf. Ps. ex, 1, il y est élevé au sommet de la puissance, Apoc, v, 12-14, et associé au règne du Père, en attendant son retour comme juge universel et son triomphe définitif sur ses ennemis. Joa., v, 23 ; I Cor., xv, 24-20. Or cette gloire, entre autres caractères, a celui d'être la récompense de ses abaissements. Luc, xxiv, 20 ; Phi]., ii, '.Ml. lui proclamant la suprême royauté spirituelle du Sauveur, cf. S. Thomas d’Aquin, Sum. th., III a, q. i.vii-i.ix, la théologie catholique ne manque pas de retenir qu’il se l’est méritée par sa passion. Ibid., q. xlix, a. ; q. lui, a. 1 et a. 4 ad 2°"* ; q. lix, a. 3. Voir Jésus-Christ, t. viii, col. 1325-1327 et 1355-1359.

Mais, au lieu d'être un honneur stérile, cette glorification se double d’une activité qui ne connaît plus désormais les limitations et les entraves de la terre. C’est alors que le Christ entre en possession effective de la gratia capilis qu’il tenait de son incarnation.

1 Par lui et en lui toutes choses ont été faites », Col., 1, 6. Il suffit de croire que le Christ est le Fils de Dieu pour admettre que, de toute la création spirituelle, il soit « l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin », Apoc, xxii, 13, c’est-à-dire non seulement, pour son compte personnel, le « bien-aimé en qui le l'ère met ses complaisances », Matlh., xvii. 5, mais 1' « aîné de plusieurs frères » qui reçoivent de lui « l’esprit d’adopl i"ii », Rom., viii, 15 et 29, pour former « un peuple de choix assidu aux bonnes œuvres », TH., ii, 14, et deviennent capables à leur tour d’honorer Dieu, I l’etr., 11. 1-5, par des sacrifices qui participent au rôle et au prix du sien.

De la vie surnaturelle qui nous est ainsi rendue le Christ, en même temps que l’initiateur lointain, est encore l’agent immédiat. Type idéal de l’humanité nouvelle qu’il réalise en sa propre personne, il ne cesse de produire la même régénération, par son influx vital, en tous ceux qui lui sont effectivement unis. Plus encore dans l’ordre des réalités invisibles que sur le plan de l’histoire, il est le mystique ferment toujours actif qui fait lever la pâte humaine vers Dieu. La doctrine de l'état de grâce, incorpore la notion du salut chère aux Pères arecs. Cf. col. 1938. Voir L. Richard, Le dogme de la rédemption, p. 82-92 et 179-188.

En tant qu’elle inaugure et préfigure cette œuvre positive de sanctification, l’incarnation par elle-même est déjà rédemptrice au sens large. Mais, dans le plan actuel de la Providence, elle est ordonnée vers la passion, qui lui permet seule d’agir sur les âmes, parce qu’elle est seule prévue comme le fait générateur de notre rédemption au sens précis.

Sous ce double rapport, le Christ est « l’unique médiateur entre Dieu et les hommes », I Tim., ii, 6. Toute la sève divine qui peut couler ici-bas vient de lui et de lui seul. Joa., xv, 4-5. De même il n’est pas sur la terre de sainteté, commune ou extraordinaire, dont ses mérites ne soient la source, pas d'œuvre agréable à Dieu dont il 11c faille le reconnaître pour le premier agent. In quo vioimus, proclame le concile de Trente à propos de la pénitence, sess. xiv, c viii, DenzingerBamrwart, n. 904, in quo movemur, in quo satisfacimus, /acienles fructus dignos pienilenlise, qui ex Mo vim habe.nl, ab Mo offeruntur Patri et per Mum acceplantur a Pâtre. Voir Jésus-Christ, t. viii, col. 1335-1353.

Marie, en particulier, n’a de privilèges qui ne lui soient accordés, tout comme celui de l’immaculée conception, Denzinger-Rannwart, n. 1641, inluilumerilorum Christi, parce que, suivant la formule classique de Pie IX (bulle. Inc/Jabitis), elle est d’abord ellemême sublimiori modo redempla. Sa médiation, quelle que soit la manière de l’entendre, voir Marie, t. ix, col. 2389-2405, ne saurait être concevable qu'à ce titre dérivé.

C’est pourquoi l'Église n’adresse jamais à Dieu de prière, en somme, qu’au nom du Christ et, lorsqu’elle répartit à ses enfants quelques faveurs, ne fait que monnayer, Denzinger-Bannwart, n. 550-552, le trésor qu’elle tient de lui. Si la messe est un sacrifice, elle le doit, comme l’expose officiellement le concile de Trente, sess. xxii, c. 1-11, ibid., n. 938-940, à ce qu’elle est une reproduction et une application du sacrifice unique de la croix.

Enfin l'œuvre du Rédempteur déborde le temps, de manière à se poursuivre, sous forme d’intercession, Rom., viii, 34 ; Hebr., VII, 25 ; I Joa., ii, 1, jusque dans l'éternité. Voir Jésus-Christ, t. viii, col. 1335-1342.

2. Réalités de la vie chrétienne.

Il s’en faut, du reste, que, dans ce rayonnement ontologique du surnaturel, le domaine psychologique soit sacrifié.

Le bénéfice de la rédemption, en effet, n’est pas et ne saurait être automatique : il est dans l’ordre que chacun n’en reçoive le fruit que moyennant son libre concours. Cf. Sum. th., 111°, q. xlix, a. 1 et 3. Par où l'Église entend notre collaboration la plus complète d'êtres humains, c’est-à-dire non seulement la foi mais les œuvres qu’elle inspire. Voir Justification, t. viii, col. 2211-2217. Ainsi les mérites et satisfactions du Christ deviennent un point de départ au lieu d’un point d’arrêt : c’est le dogme même de la rédemption qui demande, loin de les exclure, le repentir du pécheur et son effort personnel de relèvement.

En exigeant cette coopération, le Christ nous met, du rcsle, en mesure de la fournir. L’action secrète de sa grâce ne s’aceompagne-t-elle pas d’une autre, sur le terrain de notre activité consciente, où toutes nos