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RÉDEMPTION. EFFETS DANS L’ORDRE SURNATUREL


iionem. Et ce texte a paru digne de remarque à ses commentateurs les plus récents. Voir Hugon, Le mystère de la rédemption, p. 100. Cf. ibid., p. 94-95. et P. Synave, Saint Thomas d’Aquin : Vie de Jésus, t. iii, p. 244-245.

Mais la considération la plus féconde est encore celle des biens dont la passion est visiblement la source pour nous dans l’ordre de notre vie morale et religieuse. Voir, par exemple, les indications fournies par saint Thomas, Sum. th., IIi a, q. xlvi, a. 3 : Per hoc quod homo per Christi passionem est liberatus mulla concurrerunt ad salulem hominis præter liberalionem a peccato. Primo enim per hoc homo cognoscit quantum Deus hominem diliyat et per hoc provotatur ad eum diligendum. .. Secundo quia per hoc dédit nobis exemplum obœdientiæ, hun.iililalis, conslantise, jusliliæ et celerarum viitutum… Quarto quia per hoc esthomini inducla major nécessitas se immunem a peccato conservandi… Cf. S. lïonaventure, In IIlum Sent., dist. XX, q. v et vi : Brev., iv, 10.

Quel qu’en soit l’objet, ces vues spéculatives sur la raison d'être du plan divin partent des données acquises par la révélation, en vue d’y montrer l’application d’une loi rationnelle d’ordre et de sagesse. A ce titre, elles sont légitimes et bienfaisantes, pourvu que, sous prétexte de satisfaire un vain besoin de logique, on ne veuille pas introduire une illusion de nécessité dans une économie dont l’amour de Dieu est le premier et le dernier mot.


VI. Effets de la rédemption. - —

Il reste, pour obtenir un concept intégral de l'œuvre rédemptrice du Christ, à tirer au clair la notion exacte et l’aire de son efficacité. C’est, au demeurant, plutôt par ses fruits qu’elle s’exprime dans les sources primitives de la foi. A suivre la marche inverse, qui est celle de la science, la synthèse théologique ne fait qu’achever de mettre en pleine lumière la compréhension et l’extension du donné.

Mode d’action.

Parce qu’elle a un sens objectif,

les premiers effets de la Rédemption, et les plus importants, se produisent en dehors de nous. C’est tout d’abord devant Dieu qu’elle compte et qu’il faut donc en marquer au juste le rôle comme facteur dans la réalisation de ses décrets.

1. Déformations polémiques. -- A qui mieux mieux les adversaires de l’orthodoxie ecclésiastique inscrivent à son passif les plus lourdes charges en vue de la discréditer. Mais il suffit d’un minimum d’objectivité pour réduire ces mythes polémiques à néant.

C’est ainsi que la rédemption n’a pas pour but de réconcilier en Dieu les prétentions contradictoires de sa justice qui doit punir et de sa miséricorde qui voudrait pardonner. Après D.-Fr. Strauss, Die christliche Glaubenslehre, Tubingue et Stuttgart, 1841, p. 260261, A. Sabatier, La doctrine de l’expiation, p. 53-54, et d’autres subalternes ont raillé ce « parallélogramme des forces » dont « la diagonale de la satisfaction vicaire i serait l’aboutissement. Sans doute le conflit des « filles de Dieu » tient une grande place, par manière de pieuse imagination, dans la littérature oratoire ou dramatique du Moyen Age : mais i ! ne devait prendre une certaine consistance doctrinale qu’avec la Réforme. En réalité, pour une saine théologie, le problème n’existe pas. Ces sortes d’oppositions, qui déchirent nos volontés imparfaites en présence d’actes aux multiples aspects, se résolvent en harmonie dans la simplicité de l'Être absolu.

Il n’y a pas non plus à objecter que notre Rédempteur ne saurait agir sur Dieu à la façon d’une cause extérieure qui viendrait le réconcilier pour ainsi dire de force avec nous et lui arracher notre pardon. Au regard de la théodicée chrétienne la plus rudimentaire, en effet, il est certain que Dieu nous aime de toute

éternité et que c’est précisément pourquoi il veut faire miséricorde aux pécheurs. De cet amour l’avènement de son Fils n’est pas la cause, mais le signe et la preuve. Il dépend ensuite du théologien d’appliquer à l’analogie de la réconciliation la via remotionis et la via cminenliæ qui sont de rigueur.

On n’imaginera pas davantage un antagonisme entre le Père et le Fils, celui-là représentant la justice tandis que celui-ci incarnerait la pitié. Car les trois personnes divines sont dans les mêmes dispositions envers nous et le décret de notre rédemption procède, à n’en pas douter, de leur commun vouloir. Il faut rectifier au nom de ces principes du dogme trinitaire les anthropomorphismes du langage populaire et les outrances de certaines prédications.

2. Vraie notion.

Une fois le terrain ainsi déblayé de ces confusions grossières non moins que tendancieuses, il n’est pas impossible de concevoir que l'œuvre du Rédempteur puisse être un agent efficace dans la genèse objective du salut.

Le sens nécessaire et suffisant de la foi chrétienne est que Dieu, plein d’amour pour les hommes, désireux de remettre leurs péchés et de les rétablir dans leur destinée surnaturelle, a décrété comme condition préalable la vie et la mort de son Fils. De la sorte, aussi bien devant Dieu que devant les hommes, la mission du Sauveur, qui est un effet de l'éternelle bonté, devient en même temps une cause à laquelle en est désormais subordonnée la manifestation.

Notre rédemption par le ministère du Sauveur a donc pour unique point de départ l’initiative de Dieu. ('.uni homo, dit saint Thomas, Sum, th., III a, q. xlvi, a. 1, ad 3, llii, per se satisfacere non posset pro peccato tolius humanse naturse…, Deus ei satis[aclorem dedit Filium suum. Mais, comme c’est en prévision et en dépendance de ce don initial que la grâce nous est ensuite octroyée, on peut et doit dire que la médiation du Christ sert à nous réconcilier avec celui qui nous en accorde le bienfait. Voir ibid., q. xi.ix, a. 4 : Tantum bonum fuit quod Christus volunlarie passus est quod propter hoc bonum in natura humana inventum Deus placatus est super omni offensa generis humani.

Pour qualifier, en définitive, le genre d’efficacité qui convient à l'œuvre du Rédempteur, il faut, par conséquent, dire qu’elle est une cause morale, comme suffirait à l’indiquer le terme de médiation qui la désigne, et cause dont Dieu lui-même est, au surplus, le premier auteur, mais dont il ne tient pas moins compte, après l’avoir établie, pour faire découler de son intervention les faveurs qu’il nous réservait.

Objet.

De la rédemption ainsi entendue l’action

s'étend à l’ensemble de l’ordre spirituel, où les « yeux de la foi », plus encore que les perceptions de l’expérience, en découvrent l’ampleur.

1. Réalités de l'économie surnaturelle. — C’est toute une création nouvelle que le dogme chrétien fait apparaître, de ce chef, à la plus grande gloire de celui qui en est l’ouvrier.

a) Le monde racheté. — Sous le bénéfice des précisions qui en ont défini le jeu, il est aisé de voir comment l’efficience de l'œuvre rédemptrice couvre l’immense domaine du surnaturel qui nous est rouvert par sa vertu.

Elle est d’abord le principe de notre justification. Ce qui comporte en premier lieu la fin de l’inimitié divine et, avec elle, de toutes les sanctions, tant de la coulpe que de la peine, qui pesaient sur le genre humain du chef de son péché. Sum. th., III B, q. xlix, a. 1-5. Mais l'Église ne se contente pas ici de l’amnistie extérieure qui suffisait aux protestants : pour elle, cette rémission de nos fautes ne va pas sans une régénération intime de l'être spirituel, qui assure à l'âme rachetée le privilège d’une participation mystérieuse