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RÉDEMPTION. SON ESSENCE : DISCUSSION DES SYSTÈMES


nous, Gal., ni, 13 et II Cor., v, 21, fournissent un appui biblique à ces déductions. A la limite, le Fils de Dieu soufïre jusqu’aux tourments de l’enfer, comme en témoignerait sa plainte sur la croix. Matth., xxvii, 46.

Caractéristique de l’ancienne orthodoxie protestante, col. 1952, à peinecetteconceptiona-t-elleinihiencé, par voie d’infiltrations inconscientes, un certain nombre de nos mystiques ou de nos prédicateurs. Voir Le dogme de la rédemption. Élude théologique, p. 231-240 ; pour les sennonnaires anglais, H. -15 Loughnan, dans The Monlh, 1920, p. 320-329, traduit dans Revue du clergé fr., t. ciii, 1920, p. 5-15. Cf. P. Galtier, De inc. ne red., p. 399, qui donne, à cet égard, comme signalement l’application faite au Christ d’expressions telles que peccalum ou peecator univcrsalis.

Il y a, d’ailleurs, des degrés dans le système. Tandis qu’en général le déroulement de la justice envers le substitut des pécheurs y est donné comme absolu, de plus modérés s’en tiennent à une « ombre de châtiment ».

A ce même type se rattachent encore, de loin, et la théorie du châtiment exemplaire inaugurée par Grotius, col. 1954, et la combinaison juridique esquissée par Dante, De monarchia, ii, 11, en vue de trouver dans la condamnation légalement infligée à Jésus le caractère d’une punit io.

2. Système de l’expiation.

Tous ceux à qui répugne trop cette procédure de code pénal se rabattent sur l’idée moins massive d’expiation, au moyen de laquelle on peut conserver à la souffrance du Rédempteur un rôle dominant.

Ici le Christ n’est plus, en principe, l’objet d’une vindicte divine ; mais il est soumis à la règle providentielle qui fait de la douleur la peine du péché. Loi sainte devant laquelle il s’incline pour nous en épargner les plus extrêmes sanctions. Car, sans être nécessairement du même ordre ou du même degré que celles que nous méritions, les souffrances de sa vie et de sa mort en sont l'équivalent. Moyennant quoi, la justice étant sauve par lo fait que le Fils de Dieu a payé notre dette, remise peut nous être accordée tout au moins de la peine éternelle que nous aurions dû subir.

Sur ce fond commun apparaissent des variantes, suivant qu’on demande à la loi de solidarité ou bien à un décret de circonstance la source de l’expiation réalisée par le Christ. Le trait spécifique est toujours que la souffrance du Sauveur comme telle, qu’il s’agisse de son déchaînement physique ou de ses formes plus intimes, reste au premier plan, les sentiments qui l’accompagnent n’intervenant en quelque sorte que pour la moraliser.

Dans ces lignes plus ou moins flottantes se meut l’orthodoxie protestante actuelle, avec des gradations de nuances qui souvent lui rendent quelque chose de son profil antérieur. Quelques théologiens catholiques, moins peut-être par leurs affirmations que par leurs réticences, ont pu donner l’impression d’en rester là. Témoin cette schématisation de Chr. Pesch, De Verbo inc, n° 415, l re éd., 189C, p. 201 ; 3° éd., 1909, p. 230 : Propter peccalum Deus ab hominibus juste paierai pœnas expetere. Christus igitur, ut caput et vas generis humani, pcenas suscepil et beo oblulil, qui eas accepUwil. Unde Deus hominibus… non jam ui.las Pci'.NAS infligerc potest, quia homines iias Pœnas per Christum jam solverunt… Ihrc est doctrinn catholica de satisfaclione Christi. II faut attendre la 4 c -5e édition de ce traité classique (1922) pour que la doclrina catholica y soit ainsi complétée : Christum,

NON S')LUM ACTinUS INTKRNIS CABITATIS ET A.LIARUM VIRTUTUM DEO HONOREM PECCATIS HOMINUM A.BLA tum RESTITUISSE, sed ctiam sensu presso satis/aclionem pnrslilisse perferendn pro liominibus pœnam peccato débitant.

3. Système de la réparation.

Alors que, sous une

forme plus ou moins appuyée, c’est jusqu’ici le côté pénal de l'œuvre rédemptrice qui paraît propre à en livrer le secret, on peut, au contraire, le chercher dans la personne qui l’accomplit.

Envisagée sous cet aspect, soit qu’on regarde à la parfaite sainteté du Christ, à plus forte raison quand on fait entrer en ligne de compte la dignité qu’il tient de l’union hypostatique, sa vie est un perpétuel hommage à la volonté souveraine de Dieu. De ce chef, elle présente une valeur incomparable de l’ordre moral, qui la rend susceptible, aussitôt qu’elle est mise en balance avec le péché, de rétablir l'équilibre du monde spirituel. Il suffit qu’elle soit offerte et agréée dans ce sens. Le mystère de la rédemption consiste à réaliser, au profit du genre humain déchu, cette convergence entre l’amour incréé du Père et l’amour créé de Yhomo assumptus.

Que cette œuvre, comme ce fut historiquement le cas, vienne à prendre une forme douloureuse, elle ne doit pas être appréciée différemment. La souffrance n’est qu’un élément de fait, dont la valeur est subordonnée a l’amour dont elle est l’occasion ou le fruit. Ainsi la passion du Christ, dès là qu’il était innocent, reste bien l’expiation de nos fautes. Mais ce n’en est là qu’un trait secondaire et superficiel : ce qui en fait essentiellement le prix et lui vaut d'être le moyen choisi pour notre rédemption, c’est le bien qu’elle représente comme soumission à Dieu en compensation de nos péchés. Acte éminemment réparateur en raison de la personne qui le pose et qui, par surcroît, devient chez ses bénéficiaires la source d’une activité de semblable esprit.

Abstraction faite de certaines particularités accessoires, c’est ainsi que se présente la satisfaction chez saint Anselme : In doloribus potius quam per dolores juxla illum salisfecil Christus. P. Ricard, De satisfaclione Christi in Iraclalum S. Anselmi « Cur Deus homo », ]). 29.

L’autorité du docteur de Cantorbéry n’a plus cessé de maintenir cette doctrine dans la grande tradition catholique, en regard de laquelle les rares divergences qui ne sont pas de pure forme résonnent comme des notes fausses dans un concert bien ordonné. Non moins que nos théologiens, les auteurs protestants les plus objectifs s’accordent à constater, voir col. 1952, que là se trouve la différence entre les voies suivies par la théologie rédemptrice des deux confessions.

Discussion théologique.

Par la force des choses,

toutes les données réelles que l’analyse découvre dans le fait de la rédemption ont leur place à la base des divers systèmes qui cherchent à l'éclairer. Mais chacun est responsable de la manière dont il les met en jeu. Et comme celle-ci tient à un certain nombre de données connexes, pour formuler un jugement de valeur sur les conceptions en présence, il faut remonter à la notion de Dieu et du Christ qu’elles supposent, au rapport qu’elles instituent entre l’acte rédempteur et le mal auquel il a pour but de remédier.

1. Système de châtiment.

Regardé à la lumière de ces principes, le système du châtiment apparaît de tous points inacceptable et rien de ce qui lui est propre ne saurait avoir même une valeur d’appoint. Aussi bien serait-il sans doute difficile de lui trouver aujourd’hui un seul défenseur avéré.

En effet, l’attitude d’implacable justicier qu’il prête à Dieu est contraire à la raison autant qu'à la foi, qui reconnaissent la miséricorde pour un de ses at I ributs. Surtout quand cette justice est assez aveugle pour se prêter à une substitution de personnes et, à défaut des coupables, frapper l’innocent de toutes ses rigueurs. Autre chose est de reconnaître, col. 1908. que les souffrances du Rédempteur sont « matérielle-