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    1. RÉDEMPTION##


RÉDEMPTION. JUSTIFICATION DU MYSTERE

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tcrie a de la foi chrétienne par certain naturalisme radical. Ce problème relève, soit de la théodicée qui établit l’existence de Dieu et ses droits sur nous, soit de l’apologétique proprement dite qui justifie les titres du christianisme à noire adhésion. On ne peut ici que le supposer résolu.

Sur le point même qui seul nous intéresse pour le moment, depuis Abélard et Socin, la critique rationnelle du dogme de la rédemption n’a pas désarmé : ce qui ne l’empêche pas d’être, le plus soin eut, tributaire des plus lourdes confusions. A toutes les difficultés qui lui sont faites une présentation correcte de la doctrine catholique est donc la plus efficace des réponses. En attendant, il suffit de montrer que, dans ses traits constitutifs, le mystère n’a rien qui heurte nécessairement la raison.

1. Attributs de Dieu.

On objecte à l’envi que la rédemption, au sens de l’orthodoxie traditionnelle, suppose un Dieu cruel qui se complaît à punir, au risque de se déchaîner sur l’innocent, ou du moins un Dieu implacable qui ne sait rien sacrifier de sa justice, alors que la raison et la foi nous le montrent sous le signe de la bonté.

Il n’est pas douteux que ces objections n’atteignent à plein la sotériologie protestante, où tout se ramène au drame juridique de l’expiation. iMais elles ne portent pas contre la théologie catholique, où la satisfaction stricte n’est pas conçue comme nécessaire et ne prend pas la forme d’un châtiment. Ici, en efïet, Dieu reste essentiellement bon et la médiation du Christ n’a pas pour but de calmer sa colère au prix d’une substitution brutale, mais de mieux garantir les conditions d’un pardon bien ordonné, en rétablissant l’honneur divin par un hommage en rapport avec le mépris que lui avait infligé le pécheur.

Si la souffrance est entrée dans la réalisation de ce plan, il n’y a pas là plus de cruauté que dans le sort commun fait a l’humanité déchue, dont le Sauveur accepte librement la solidarité. Inconcevable comme une fin en soi, la mort du Christ ne choque plus quand elle vient consommer toute une vie de dévoûment. La sagesse de Dieu ne risque pas davantage de paraître en cause pour avoir suspendu à cet épisode l’économie entière du surnaturel, dès là qu’il s’agit du sacrifice de son propre Fils.

2. Œuvre du Rédempteur. — Sous une forme ou sous une autre, il n’en est pas moins vrai que l’action du Christ, à peine de retomber dans l’ordre humain, doit être regardée comme une cause efficace de notre salut. Dès lors, peut-on éviter que Dieu ne soil dessaisi par là de l’initiative qui appartient à l’Être suprême et, plus encore, privé de la miséricorde prévenante qui caractérise l’Être infiniment bon ?

Il faut, en effet, se garder avec soin de transformer la rédemption en une sorte de pression sur la volonté de Dieu. En sa qualité de cause première, celui-ci ne dépend que de lui-même. Bien loin qu’elle puisse exercer la moindre contrainte sur lui, la médiation du Rédempteur est le don par excellence de son amour. Mais, sous le béni’fiée de cette réserve, rien ne s’oppose à ce qu’il ail pu subordonner notre restauration surnaturelle à l’intervention d’une cause seconde qui tient de lui toute sa vertu. Il n’est pas besoin d’autre chose pour que la mort du Christ garde une réelle valeur à ses yeux.

D’autre part l’incarnation, en plaçant le Fils de Dieu dans l’humanité, lui donne le moyen de satisfaire pour elle, tandis que le jeu des deux natures, qui restent distinctes après l’union et rendent l’unique personne du Verbe Incarné capable de tenir deux rôles, permel de concevoir, quoi qu’en dise.1. Tunnel, Histoiredes dogmes, 1. 1, p. 450-455, une suffisante différence entre celui fini offre la satisfaction et celui qui la reçoit.

Une place de choix dans l’histoire de la sophistique doctrinale doit être faite au mot célèbre sur « ce Dieu qui fait mourir Dieu pour apaiser Dieu », que Diderot enviait au baron de La Ilontan pour traduire l’incurable absurdité du dogme chrétien. Il cumule tout simplement le double lapsus qui, sous couleur d’esprit, consiste à travestir le rôle de la passion dans l’économie rédemptrice et, moyennant un usage incorrect de la communication des idiomes, à confondre dans le Christ ces deux plans de la nature et de la personne que la théologie la plus élémentaire apprend à distinguer.

3. Nature de l’homme.

Comment imaginer cependant une rédemption qui se réalise tout entière en dehors de l’homme, pour lui être ensuite mécaniquement appliquée ? Il y aurait, dans cet extrinsécisme, . un défi aux lois de l’ordre moral.

Aussi bien s’agit-il là d’une méchante fiction. Déjà le protestantisme le plus extrême exigeait du pécheur un minimum de participation personnelle représenté par la foi. A fortiori ce grief est-il inopérant contre la doctrine catholique de la justification, qui, en plus de cette collaboration trop insuffisante, demande au racheté celle de ses œuvres. Réalisée une fois pour toutes devant Dieu, la rédemption nous profite comme une sorte de capital à faire valoir, en ce double sens qu’elle sollicite notre concours et nous assure les moyens de le fournir.

Que, du reste, pour une bonne part et la meilleure, les bienfaits de cette rédemption échappent à l’expérience, on peut aisément le concéder. Mais la question ne serait-elle pas justement de savoir, au préalable, si, dans le cas, c’est à l’expérience qu’appartient la décision ? L’Église catholique, en tout cas, n’accepte pas le sacrifice de l’ordre surnaturel et de ses mystérieuses valeurs. Sur ce plan, la rédemption chrétienne bien comprise est indemne de toutes les impossibilités rationnelles dont ses adversaires ont entrepris de la grever.

Justification dogmatique du mystère.

En fait de

garanties proprement dites, s’il n’en a pas de différentes, le dogme de la rédemption offre au croyant toutes celles dont bénéficient les autres éléments de l’ordre révélé.

1. Témoignage divin.

C’est dire qu’à la base de notre certitude il faut mettre d’abord l’autorité de Dieu. Mais, à cet égard, il n’est sans doute pas de fait mieux établi.

Préparé déjà, dans sa teneur fondamentale, par l’oracle d’Isaïe sur le serviteur souffrant, le mystère de notre rédemption par la mort du Christ est sommairement énoncé par le Sauveur lui-même, abondamment développé par saint Paul et substantiellement retenu par les autres écrivains du Nouveau Testament. Une incontestable unité de signification règne à travers les diverses phases de la révélation scripturaire analysées plus haut, col. 1 926-1932. Qu’il y soit question tout simplement d’une rançon ou d’un sacrifice offerts pour nous, qu’en termes plus précis le Fils de Dieu soil dit porter la peine de nos fautes et nous justifier dans son sang ou nous réconcilier avec Dieu en compensant à notre profit la révolte du premier père, sous ces formules convergentes, il s’agit toujours d’un rapport objectif autant que définitif entre la croix du Calvaire et notre salut pris au sens tout à la fois le plus intime et le plus profond, savoir la rémission des péchés. Incorporée de la manière la plus expresse, et dès l’origine, au cœur du message chrétien, la rédemption s’inscrit par là-même au nombre des vérités couverts par le témoignage souverain du Dieu révélateur.

Réduite à ces données simples, quoi qu’il en soit des superfétations qui purent s’y greffer sur la défaite de