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    1. RÉDEMPTION##


RÉDEMPTION. EXPLICATION THÉOLOGIQUE : LE PÉCHÉ

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et le sens du dépôt, l’irrémédiable carence dogmatique d’une Église qui se montre aussi peu capable de fixer sa propre tradition, c’est-à-dire une de ces tares où s’inscrit sur le plan des réalités expérimentales la rançon du libre examen ?

Il reste à se rendre compte que la situation est la même dans l’ordre proprement théologique, où, pour une intelligence soucieuse de résoudre les problèmes soulevés par cet article du Credo chrétien, ainsi que s’exprimait un anglican d’extrème-gauche, J. Campbell, The new theologij, Londres, 1907, p. 144-145, « la doctrine catholique romaine de la satisfaction est une présentation bien supérieure de la vérité ».


III. EXPLICATION DE LA FOI CATHOLIQUE.—

Certe crucis mysterium, observe le catéchisme du concile de Trente, v, 1, édit. Doney, t. i, p. 96, omnium dijfcillimum exislimandum est. En dépit ou peut-être à cause de cette « difficulté », le dogme de la rédemption est sans doute celui qui a, de tout temps, le plus vivement excité et le plus richement nourri la spéculation des théologiens.

Lassés de n’aboutir qu'à des résultats précaires, en vain quelques-uns, parmi les protestants modernes, voudraient-ils abandonner toute investigation sur le mode pour ne retenir que le fait, four toute âme croyante, l’adage Fides quærens intellectum s’impose à la fois comme un besoin et un devoir. Autant qu’aux lois de la nature humaine, l’agnosticisme serait une injure au caractère divin de la révélation. Sous réserve du mystère, que personne évidemment ne peut ni ne veut perdre ici de vue, est-il nécessaire de dire, au demeurant, combien est précieux pour la foi le concours que la raison est susceptible de lui prêter ?

Il ne s’agit d’ailleurs pas de se risquer à de problématiques improvisations. Au moins depuis saint Anselme, l'Église est en possession d’une doctrine qui a fait ses preuves : il n’est que de savoir la comprendre et l’utiliser.

Sans doute la critique de l'édifice construit par l'École en matière de sotériologic a-t-elle fait, pour sa part, les frais de toutes les crises intellectuelles. Tour à tour, au début du xixe siècle, le rationalisme chrétien, avec G. Hermès, voir t. vi, col. 2299, bientôt suivi par A. Gûnther, et, dans les premières années du xxe, le dogmatisme moral, avec L. Laberthonnière, Annales de phil. chr., 4 1 ' série, 1906, t. i, p. 516-534, dont devait s’inspirer le P. Sanson. Conférences de NotreDame (3 avril 1927), ont servi de prétexte à des assauts contre la salisfactio vicaria.

A condition de la prendre chez les maîtres et de se pénétrer de leur esprit, la théologie catholique n’a pourtant pas à chercher ailleurs. En même temps qu’un héritage traditionnel en partie consacré par le magistère ecclésiastique au service de la foi, elle y trouve toutes les ressources voulues pour présenter le dogme chrétien de la rédemption sous son jour le plus exact et le plus lumineux. —
I. Cadre doctrinal de la rédemption. —

II. Réalité de la rédemption (col. 1961). —
III. Analyse d/ la rédemption (col. 1965). —
IV. Synthèse de la rédemption : Essence de l’acte rédempteur (col. 1969). —
V. Synthèse de la rédemtion : Raison de l'économie rédemptrice (col. 1976). —
VI. Effets de la rédemption (col. 1981). —
VII. Valeur de la rédemption ( col. 1987).

I. Cadre doctrinal de la rédemption. —

Mystère central, la rédemption confine à tout un ensemble d’autres vérités, qui n’en délimitent pas seulement les contours, mais commandent nécessairement la façon de l’interpréter. Pour le développement, voir Le dogme de la rédemption. Étude théologique, p. 164189 ; G. Pell, Das Dogma von der Sùnde und Erlôsung, p. 10-85 ; L. Richard, Le dogme de la rédemption, p. 157-178.

Plan idéal du monde spirituel.

Dès là que la

rédemption chrétienne se définit comme une restauration, elle suppose la vision exacte de ce que devrait être la cité de Dieu dans son état normal.

1. Théodicée.

Au sommet de toutes choses, à la double lumière de la raison et de la foi, il faut poser Dieu, c’est-à-dire l'Être absolu qui ne dépend de personne et de qui dépendent les autres, l'Être infini qui réunit en lui-même toutes les perfections.

Une fois devenu créateur par un acte de sa libre volonté, Dieu apparaît comme la cause première, de qui la créature tient son être tout entier. A ce titre, il est aussi la fin dernière, vers laquelle toutes choses doivent revenir. Car il a créé d’abord pour sa gloire, Prov., xvi, 4 ; Const. Dei Filius, i, can. 5, DenzingerBanmvart, n. 1805, c’est-à-dire pour la manifestation de l’ordre dont il est l’auteur. Le « théocentrisme » est une exigence de la pensée avant d'être une exigence de l’action.

2. Anthropologie.

Parmi toutes les créatures, l’homme a le privilège d’avoir été fait " à l’image et à la ressemblance » de Dieu. Gen., i, 26. Ce qui lui vaut d'être, à son tour, un esprit doué de raison, de conscience et de liberté.

En conséquence, l’homme est essentiellement tenu de rendre hommage à Dieu, en le reconnaissant pour son maître et conformant sa volonté à l’ordre venu de lui. Ce faisant, il réalise sa fin et y trouve son bonheur. Mais aussi et surtout il collabore à l’avènement de ce règne de Dieu dont sa nature spirituelle lui impose et lui permet d'être le principal ouvrier.

A cet ordre naturel la vocation surnaturelle de l’humanité superpose de nouvelles obligations et de nouveaux moyens, mais qui s’entendent suivant les mêmes lois.

3. Religion.

Ces principes aboutissent à fonder la religion, qui est à la fois pour Dieu le plus inaliénable de ses droits et, pour l’homme, le plus impérieux de ses devoirs, avant de devenir son suprême intérêt.

En sa qualité de cause première et de fin dernière, Dieu ne peut pas ne pas réclamer que toute l’activité de la créature s’ordonne vers lui. Pour les êtres sans raison, ce retour s’accomplit automatiquement par l’exercice même de leurs énergies. Ce qu’ils font sans le savoir ni le vouloir, il revient à l’homme de l’accomplir d’une façon consciente et libre, et cela tant en son nom personnel qu’au nom de la création inférieure qu’il a charge de représenter.

Si donc il est vrai que « les cicux racontent la gloire de Dieu », il ne l’est pas moins que le principal manque à ce concert tant que l’homme n’y a pas mêlé sa voix. Il appartient à la créature raisonnable de transformer en ordre moral et religieux l’ordre physique de l’univers.

2° Étal de fait : Le péché. — - Quand il s’agit d’un être contingent, la défaillance de son libre arbitre est un risque toujours possible : l’expérience en atteste la réalité.

1. Notion.

A rencontre de cette conscience élémentaire qui nous fait voir dans le péché une faute dont nous sommes responsables, certain panthéisme le tient pour une sorte d’expérience inévitable dans la voie du progrès spirituel. Conception malsaine à laquelle il faut, avec la philosophia perennis, opposer l’irréductible distinction du bien et du mal.

Forts de la bonté divine et de l’ignorance humaine, beaucoup de protestants libéraux voudraient du moins le réduire, après A. Ritschl, à n'être qu’une faiblesse digne de pitié. C’est faire une règle de l’exception. Ni la psychologie ni la foi ne permettent d’exclure l’hypothèse d’un désordre coupable de la volonté.

En revanche, le pessimisme du protestantisme orthodoxe tend à faire du péché un état qui nous serait