Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 13.2.djvu/200

Cette page n’a pas encore été corrigée
1813
1814
RAYMOND DE PENYAFORT


t. cxxxii, col. 175 sq., donne des recommandations pratiques relatives à la pénitence ; Burchard de Worms lui consacre tout le livre XIX de son Décret qui, pour cette raison, porte le titre de Correclor et Medicus, dans P. L., t. cxl, col. 943-1014 ; c’est un des exposés les plus complets sur l’administration de la pénitence que nous ait légués le haut Moyen Age. Le point de vue qui le domine est purement pratique : il apporte les remèdes au pénitent et enseigne à tout prêtre, même peu lettré, la façon de porter secours à toutes les catégories des pécheurs. Ce n’est qu’incidemment que l’on peut y trouver des vestiges d’une doctrine dogmatique. Par contre, la partie que nous appellerions la pastorale, y est amplement représentée : l’examen de conscience, l’interrogatoire par le confesseur, les modes de pénitence, etc., y sont longuement traités. Les auteurs de recueils canoniques à l'époque de la réforme grégorienne, tels Anselme de Lucques, le cardinal Deusdedit et Bonizon de Sutri, puis les compilateurs du groupe français, Yves de Chartres en tête, agirent comme Burchard et placèrent au premier plan les questions morales et pratiques dans l’administration du sacrement de pénitence. Voir aussi J. deGhellinck, Le mouvement théotogiqite du XII siècle, Paris, 1914, p. 279-306.

Avec le développement progressif de la doctrine pénitentielle, qui, vers cette époque, plaça la partie principale de la pénitence dans la contrition, et sous l’influence de la méthode dialectique abélardienne, introduite en théologie, de nombreuses discussions furent engagées entre les diverses écoles théologiques, principalement touchant la nécessité de la confession et la valeur de la contrition. Sous l’influence de ces discussions théologiques, Gratien donna, pour la première fois, une extension notable aux questions doctrinales relatives à la pénitence. De la sorte s’ouvrit une nouvelle période dans l’histoire du droit pénitentiel : la théologie y prit définitivement place. A rencontre de Burchard, d’Yves de Chartres et des collections italiennes, qui donnaient une large place à la partie pratique de la pénitence, le De pseniteniia de Gratien aborde directement le côté dogmatique du problème et montre clairement le contre-coup des écoles de théologie dans le droit canonique. A partir de cette époque, en effet, le traité de la pénitence gagna en importance et en étendue chez les canonistes et les théologiens qui, grâce à une influence réciproque, lui consacrèrent un exposé plus ou moins long et détaillé. De plus, une série de théologiens, Pierre le Chantre eu tête, introduisirent à leur tour des questions purement pratiques et casuistiques dans leurs traités théologiques de la pénitence et inaugurèrent de la sorte la casuistique. Ils se posèrent un grand nombre de cas pratiques et une multitude d’objections à des principes admis, qu’ils s’efforcèrent ensuite de solutionner. Ainsi l’on peut voir les cas les plus bizarres posés par Pierre le Chantre par rapport à la confession aux laïques. Voir A. Teetært, op. cit., p. 164.

Le droit canonique, de son côté, à cause de son évolution continuelle durant le xi° et le xiie siècle, avait pris, au début du xme siècle, une extension considérable et embrassait une multitude de matières, qui n’intéressaient proprement que le droit civil. De plus, les éléments canoniques et théologiques, nécessaires ou utiles à l’administration des sacrements, se trouvaient dispersés à des endroits différents de volumes énormes, composés depuis le milieu du xiie siècle et étaient éparpillés dans diverses sommes et traités théologiques et dans diverses collections et gloses du Décret ainsi que dans les différentes compilations, qui étaient venues grossir le matériel canonique rassemblé dans le Décret. Les livres des Sentences et les Sommes tant théologiques que canoniques, ainsi que les compi DICT. DE THÉOL. CATHOL.

lations et leurs gloses, n'étaient destinés d’ailleurs qu’aux savants ; les simples prêtres, souvent pauvres et sans instruction étendue, ne pouvaient se servir de ces ouvrages trop érudits et trop coûteux. La nécessité s’imposait donc, au début du xiii c siècle, de composer pour les prêtres une sorte de manuel, dont ils pussent se servir avec fruit dans l’administration des sacrements et surtout du sacrement de pénitence. Ces manuels ont reçu le nom de Summæ confessorum. Ces nouvelles Sommes ne contiennent pas seulement des leçons théoriques, mais aussi et principalement des exposés pratiques, se rapportant aux différents sacrements, mais surtout au sacrement de pénitence. Les auteurs de ces Sommes posent des cas pratiques, tels que les confesseurs peuvent en rencontrer, les développent et y donnent la solution désirée ; ils y rassemblent en même temps toutes les questions qui se rapportent à l’administration des sacrements et principalement du sacrement de pénitence. Un des premiers théologiens-canonistes qui soit entré dans cette nouvelle voie, est l’anglais Robert de Flamesbury, pénitencier de l’abbaye de Saint-Victor, près de Paris. Son Pœnitentiale, qui doit avoir été écrit avant le le concile du Latran de 1215 (c’est-à-dire vers 12071215), constitue un recueil méthodique des cas de conscience, rencontrés probablement lorsque, d’après un usage établi et approuvé ensuite par Innocent III, il entendait à Saint-Victor les confessions des étudiants de Paris. Le pénitencier de Saint-Victor s’efforça de rassembler dans cet ouvrage toutes les connaissances juridiques nécessaires au confesseur. Cette nouvelle direction, imprimée aux exposés sacramentaires et pénitenticls, a été suivie durant les siècles ultérieurs par un grand nombre de théologiens-canonistes.

La nécessité de ces manuels pratiques devint encore plus évidente après la promulgation du can. 21 du IVe concile du Latran (1215), dans lequel il fut statué que tous les fidèles, arrivés à l'âge de raison, étaient tenus de se confesser, au moins une fois l’an, à leur propre prêtre. Ce même canon contient en outre toute une réglementation touchant la conduite à tenir par les confesseurs vis-à-vis des pécheurs : « le prêtre devra être prudent et sage, savoir verser le vin et l’huile sur les blessures, discerner les circonstances du péché et l'état d'âme du pécheur, afin de pouvoir trouver les conseils à donner et les moyens à employer pour guérir le malade ». Le prêtre avait donc le devoir d’examiner les consciences et de se prononcer sur les cas de conscience proposés. En outre, sous l’influence de la scolastique, la morale avait pris une forme casuistique, de même que le droit ecclésiastique ; il n’est donc pas étonnant que cette direction imprimée à la théologie et au droit, avec les exigences pratiques du ministère sacerdotal, aient provoqué la casuistique théologique, la jurisprudentia divina, comme l’appelle Fr. von Schulte, op. cit., p. 512-525. Comme le ministère du prêtre au confessionnal présentait de multiples ressemblances avec l’activité du juge civil, la transition de la casuistique à la jurisprudence se faisait d’autant plus facilement que le droit et la morale se rencontrent continuellement sur un terrain commun. Il était d’autant plus difficile de les distinguer que le droit ecclésiastique, dans sa préoccupation de concilier les données du droit avec celles de la morale, amena bien souvent une fusion intime entre les domaines de ces deux sciences. Là même où elles existaient séparées, il n'était souvent pas possible au confesseur de ne pas examiner le côte juridique d’un cas de conscience proposé.

De la sorte le droit était intimement lié à la morale et la connaissance de l’un et de l’autre était absolument requise chez le confesseur. Les Summæ confessorum la lui offrirent abondamment et lui donnèrent tout ce

T.

XIII

58.