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RAYMOND DE PENYAFORT


Au chapitre général, réuni à la Pentecôte de 1238 à Bologne pour élire un nouveau général à la place d.' Jourdain de Saxe, mort dans un naufrage le 13 février 1237, près de SaintJean d’Acre, saint Raymond, bien qu’il n’assistât pas au chapitre et vécût retiré dans sa cellule à Barcelone, fut désigné à l’unanimité pour prendre la succession de Jourdain de Saxe comme maître général de l’ordre. Une délégation de plusieurs provinciaux, parmi lesquels Hugues de Saint-Cher, provincial de France, fut envoyée à Barcelone par le chapitre pour décider le saint à accepter son élection. Après une longue résistance, il s’inclina devant l’insistance de la commission. Jaloux de la régulière observance, il s’adonna sans tarder à une nouvelle rédaction des constitutions approuvées dans le premier chapitre général tenu en 1228 sous Jourdain de Saxe. La nouvelle rédaction de saint Raymond fut introduite et approuvée au chapitre général de Paris en 1239, sous forme d’inchoation, approuvée au chapitre de 1240 et confirmée enfin dans celui de 1241. Cette rédaction est restée jusqu'à nos jours le fondement des constitutions et de toute la partie législative de l’ordre des dominicains, jusqu’en 1924, date de la revision complète et de la dernière codification. Raymond prononça au même chapitre de Paris de 1239 un sermon, dont le canevas, conservé à la bibl. Ambrosienne de Milan, ms. A. 11, fol. 28, a été édité dans Raymundiana, fasc. 2, p. 80. En 1240 il se démit du généralat et retourna dans son couvent de Barcelone.

Dans sa retraite, saint Raymond ne resta pas oisif, mais, prédicateur zélé et homme de grande doctrine, il favorisa et propagea l’apostolat catholique auprès des Juifs et des infidèles d’Espagne et d’Afrique et travailla efficacement et avec succès à la répression de l’hérésie en Catalogne et on Espagne. Il prêcha avec le plus grand succès les croisades et engagea Jacques I er à introduire l’Inquisition en Espagne. Le roi d’Aragon d’ailleurs l’honorait de sa confiance et de son amitié et recourait bien souvent à son ministère et à ses conseils. Un des grands mérites de Raymond est d’avoir érigé des écoles de langues orientales, afin de procurer une éducation plus appropriée aux futurs missionnaires. Ainsi il fonda et ouvrit en 1250, à Tunis, une école d’arabe et parmi les premiers élèves on cite Raymond Martin, le fameux controversiste avec les juifs. De la sorte il devint possible aux frères d’exercer un ministère efficace auprès des Maures d’Espagne et des populations arabes d’Afrique et d’Asie. Malgré l’opposition de quelques frères, l’entreprise de Raymond obtint l’approbation officielle du général de l’ordre. Sur l’initiative du saint, une école d’hébreu fut ouverte à Murcie, pour faciliter le ministère auprès des Juifs d’Espagne, et, en 1281, une autre fut fondée à Barcelone. C’est à la prière et sur les instances de Raymond que saint Thomas d’Aquin composa sa Summa contra Gentiles, qui fut étudiée avec un grand succès dans ces écoles de missionnaires, fondées par le saint.

Après avoir mené une vie toute d’abnégation et de renoncement, de sacrifice et de prière, après avoir brillé par les vertus les plus admirables et les plus héroïques, le docteur catalan mourut, en odeur de sainteté, le 6 janvier 1275, dans sa ville même de Barcelone. Quatre années après sa mort édifiante, l’archevêque de Tarragone déposa une supplique pour sa canonisation et, en décembre 1297, le concile de Tarragone lit des démarches pour introduire sa cause de béatification. Celle-ci cependant fut retardée durant trois siècles et ne fut proclamée qu’en 1601 par le pape Clément VIII.

II. Œuvres. — Malgré les multiples occupations auxquelles saint Raymond était obligé de s’adonner comme professeur, pénitencier et maître général de

son ordre, malgré le peu de santé dont il jouissait et son œuvre d’apostolat, le grand docteur trouva encore les loisirs nécessaires pour écrire des ouvrages de grand mérite.

Summa juris.

- Lors de son professorat à

Bologne (1210-1219) Raymond doit avoir écrit une Summa juris, inconnue jusqu'à ces derniers temps et demeurée inaperçue de la plupart de ses biographes, principalement anciens. H. Denifle, Die Entslehung der Universilâten des M. A. bis 1400, t. i, Berlin, 1885, p. 15, n. 70, et Fr. von Schulte, Geschichle der Quellen und Literatur des canonischen Rechls, t. ii, Stuttgart, 1877, p. 410-411, n. 6, ont tiré cette somme de l’oubli. Elle est conservée dans le ms. Borgii. 261 de la bibl. Vaticane et commence par les mots : Frcquens inslancia et ignita karilas sociorum, nexibus aiireis indissolubiliter vinculala, meum diu pulsaverunt animum ut quasi pignus amoris aliquod mei laboris memoriale relinquercm eis et posteris profuturum. Raymond composa cette somme à la prière de ses collègues, afin de venir en aide aux étudiants et de les préparer à l’exercice du saint ministère. Elle est divisée en sept parties en l’honneur des sept dons du Saint-Esprit. In prima particula ponuntur varies species et difjerentia juris ; in secunda agitur de ministris canonum, dif/erentiis et officiis eorumdem ; in lerlia de ordinc judiciario ; in quarta de conlraclibus et rébus lam ecclesiarum quam ecclesiasticorum ; in quinla de criminibus et pœnis ; in sexla de sacramentis ; in septima de processione Spirilus Sancli. La méthode suivie dans l’exposé de la matière est la suivante. Raymond commence dans chaque partie par donner les rubriques, dans lesquelles il expose aussi amplement que possible la matière de chaque rubrique. Ensuite il pose brièvement les questions et donne les solutions. Après cela il ajoute des notes juridiques qui se rapportent à la rubrique. Enfin, il indiqua les endroits du Décret, des décrétâtes et de leurs gloses, où les lecteurs pourront trouver la matière exposée. Le prologue a été édité dans Raymundiana, fasc. 2, p. 5-6.

Summa casuum.

L’ouvrage le plus célèbre, dû

à la plume du docteur catalan, est sans conteste sa fameuse Somme, universellement connue sous le titre de Summa casuum, Summa de pœnitentia, ou Summa de casibus conscientiw.

1. Renseignements généraux.

Peu de travaux, en effet, ont connu une diffusion aussi grande que cette Somme. On la retrouve en manuscrit dans presque toutes les bibliothèques de l’Europe. Voir J. Dietterle, Die « Summoe confessorum sive de casibus conscientiæ » non ihren Anfàngen an bis zu Silveslcr Prierias, dans Zeilschr. f. Kirchengeschiclite, t. xxiv, 1903, p. 536, et Fr. von Schulte, Die Geschichle der Quellen und Literatur des canonischen Redits, t. ii, p. 410, note 0. Il faut remarquer cependant que le plus grand nombre de ces manuscrits datent d’entre 1251) et la fin du xive siècle et qu’un nombre très minime seulement sont du xve siècle. De plus il est à noter que, pendant les xv° et xvi° siècles, la Somme de Raymond n’a jamais été éditée et que la l re édition, d’après Fr. von Schulte, op. cit., t. ii, p. 536, daterait de 1603, à Rome. Elle fut rééditée à Rome, en 1619 ; à Vérone, en 1744 ; à Avignon, en 1715. Selon le même Fr. von Schulte, l'édition de Louvain, en 1480, et celle de Paris n’auraient jamais existé.

D’où il faut conclure que l’influence exercée par la Somme est allée en décroissant et que peu à peu l'œuvre du docteur catalan a été remplacée par d’autres traités du même genre, plus complets et mieux adaptés aux besoins nouveaux des temps suivants Telles sont les sommes de Jean de Fribourg, de Barthélémy de San Concordio, d’Astesan, de Baptiste de Sale ou Trovamala, d’Ange de Clavasio, de Silvestre