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    1. NATIONALISME##


NATIONALISME. LA FIN DU X I Xe SIÈCLE

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Ces principes le guident dans son Histoire des origines du christianisme, 1863-1881, à laquelle il donna plus tard comme préface, l’Histoire du peuple d’Israël, 1887-1893. Évidemment cette histoire est une histoire critique, Jésus-Christ et son œuvre s’y trouvent ramenés à des proportions purement humaines. Le Jésus des évangiles n’est plus un personnage mythique comme pour Strauss, mais un personnage, vu par ses Apôtres, tel qu’ils le racontent, non tel cependant qu’il était dans la réalité de la vie. Il se place parmi les hommes que l’on peut appeler divins mais qui restent des hommes.

Enfin dans sa Prière sur l’Acropole, parue pour la première fois dans la Bévue des Deux Mondes du 1 er décembre 1876, il exaltait la sagesse antique, la sagesse purement rationnelle des Grecs au détriment de la sainteté chrétienne, la raison au détriment de la foi. C’est ainsi que de multiples manières il prêcha le rationalisme à ses contemporains. Cf. G. Séailles, Renan, 1895 ; F. Pommier, La pensée religieuse de Renan, 1925.

Le rationalisme spiritualiste classique, si l’on peut ainsi dire, aura son prophète dans Jules Simon (18141896) avec ses livres de La religion naturelle, 1856 ; La liberté, 1859 ; La liberté de conscience, 1857.

4. En Allemagne, Nietzsche ou l’amoralisme. — Nietzsche (184 1-1900), fils et petit-fils de pasteur, élève puis maître dans différentes universités allemandes, puis obligé de quitter l’enseignement en 1879 pour raisons de santé, ne s’occupa dans les années qui lui restaient à vivre, que de cette question : quelle culture l’homme doit-il se donner ? Quelle valeur doit-il acquérir ? Dans ses livres Humain trop humain, 1878 ; Le voyageur et son ombre, 1880 ; Aurore, 1881 ; Le gai savoir, 1882 ; Généalogie de la morale, 1887 ; Par delà le bien et le mal. Prélude d’une philosophie de l’avenir, 1886, et surtout Ainsi parla Zarathoustra, 1883-1891, il répond à cette question. Dans Aurore, au paradoxe de Rousseau, « Cette civilisation déplorable est cause de notre mauvaise moralité », il oppose : « C’est notre bonne moralité qui est cause de notre mauvaise civilisation. Nos conceptions sociales du bien et du mal, faibles et efféminées, leur énorme prépondérance sur le corps et sur l'âme ont fini par affaiblir tous les corps et toutes les âmes et par briser les hommes, capables d’une civilisation forte. » Pour lui, la valeur d’un homme consiste dans la somme des forces dont il dispose et non dans l’usage qu’il fait de son libre arbitre, par où la faiblesse est changée en mérite. L’humanité doit réformer tous ses jugements de valeur. Christianisme, pessimisme, science, rationalisme, inorale du devoir, démocratie, socialisme, tout cela est à rejeter. Le vrai, le bien, Dieu, le péché, mots par lesquels on affaiblit l’humanité. Vivre en s’efforçant de conformer sa vie à ces choses, c’est se condamner à rentrer dans le type grégaire d’une humanité médiocre, dans ce troupeau d’esclaves que conduit le prêtre. Rien n’a de valeur en soi. Une seule chose compte : la volonté de puissance, autrement dit, la puissance des instincts, des désirs, des passions qui commandent nos actes. L’homme en qui est cette force ne recule, pour aboutir à la grandeur, à la domination, à la vie pleine, devant aucun risque à courir, aucun effort à produire, aucun sacrifice à accomplir, aucune souffrance même à imposer : « Devenez durs. La pitié est la plus terrible tentation, le dernier péché. » Toutefois l’homme ne doit pas se disperser, « être l’homme faible et multiple », mais « l’homme synthétique », qui est maître de toutes ses

forces, les conduit vers un but que sa force lui aura l’ail choisir et qui sera d’autant mieux choisi que sa torce sera plus grande. A ce prix l’homme sort de la catégorie des esclaves pour passer dans la catégorie des maîtres, des aristocrates. Il sera le surhomme. Cf. Ch. Andler, Nietzsche, 6 vol. in 8°, i. L" philosophie <lr Nietzsche,

1920 ; il. La jeunesse ; ni. Le pessimisme esthétique, 1921 ; iv. Nietzsche et le transformisme intellectualiste, 1922 ; v. La maturité, 1928 ; vi. La dernière philosophie, 1930. Sur son influence en France, G. Bianquis, Nietzsche en France, 1929.

Guyau (1854-1888) en France fera écho à Nietzsche, sur plus d’un point. Dans ses livres : Manuel d'Épictète, 1875 ; Morale d'Épicure dans ses rapports avec les doctrines contemporaines, 1878 ; Esquisse d’une morale sans obligation ni sanction, 1885 ; L’irréligion de l’avenir, 1887 ; L’art au point de vue social, 1889, il est immoraliste comme Nietzsche. Revenant à l’idée du xviii c siècle que ce qu’on appelle morale est simplement l’obligation pour l’homme de s’adapter à la vie sociale où il se trouve pris, Guyau, faisant appel aux forces inconscientes, s’efforcera de montrer que la loi de la vie, une loi tout aussi générale que l’attraction newtonienne, amène l’homme, sous une poussée obscure, à se sentir partie solidaire d’un tout vivant, l’humanité. Que l'éducation fasse bien entrer dans la conscience réfléchie de l’homme ce sentiment spontané, l’hérédité le fixera dans l’espèce et l’espèce aura la morale sans obligation ni sanction métaphysique ou religieuse. Cf. Fouillée, La morale, l’art et la religion d’après Guyau, 1889.

5. Karl Marx ou l’athéisme et le matérialisme social. — Karl Marx (1818-1883) procède de Hegel et de Feuerbach. Dans son Essence du christianisme, 1841, Feuerbach avait voulu être le philosophe de l’athéisme. C’est sur l’athéisme que Marx veut élever la société nouvelle. La religion étant « l’opium du peuple » et encore « une réalisation purement imaginaire de la nature humaine », il faut donc la supprimer. Mais Feuerbach avait conservé le culte de l’humanité ; il parlait de Droit, de Justice et de Fraternité. Ce sont des choses dont la science économique n’a pas à se soucier. La science économique condamne aujourd’hui le capital que la loi économique historique a édifié autrefois. Il disparaîtra par l’effet de la même loi. La puissance qui réalisera cette évolution, c’est la force, la violence du prolétariat. Quelques phrases de Marx sont caractéristiques : « Le moulin à bras vous donnera la société féodale, le moulin à vapeur le capitalisme individuel. Ce n’est pas la conscience de l’homme qui détermine son mode d’existence, c’est son mode d’existence qui détermine sa conscience ».

Il s’opposait à Proudhon (1809-1865), un Français, qui réclamait une réforme sociale au nom de la justice : « La propriété c’est le vol », et qui combattait le communisme. Œuvres : Qu’est-ce que la propriété? 1840 ; Système des contradictions économiques, 1846 ; Solution du problème social, 1 848 ; De la justice dans la Révolution et dans l'Église, 1850. Ce qui importe ici, c’est que tout en affirmant Dieu, Proudhon ne croit pas à la providence. Dieu n’a rien de commun avec nous, son intelligence parfaite et immuable ne connaissant que le parfait et l’immuable. La justice n’a donc pas son siège en Dieu et en l'Église. Elle a son siège dans rame humaine, et la Révolution, écho de l'âme humaine, inspirée par Diderot et Volney, Voltaire et Condillac, a rêvé la réalisation de cette justice. Hélas ! l’immoralité du temps a éloigné ce rêve. Entre la justice, telle que la conçoit l'Église et la justice telle que l’ont conçue les grands hommes du XVIIIe siècle et de la Révolution, il n’y a pas à hésiter.

Vers 1890, le rationalisme était orienté dans la voie des négations radicales et matérialistes. Rien ne semble alors demeurer debout des croyances traditionnelles. Le spiritualisme lui-même semble fini. Tout est matière ; tout est régi par les lois d’un inexorable déterminisme ; au-delà, il n’y a rien ou rien que l’Inconnaissable. Depuis, les croyances chrétiennes n’ont cessé d'être soumises à une critique qui conclut toujours