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    1. RATIONALISME##


RATIONALISME. LES LIBERTINS DU XVII* SIECLE

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défendit d’ailleurs d’avoir tenu ce blasphème, et Innocent IV ne le lui attribua pas lorsqu’il le condamna au concile de Lyon, 1245.

Quant au livre, au moment où l’on commença à parler de lui il n’existait certainement pas. Merscnne prétend en avoir eu entre les mains un texte arabe, mais il ne connaissait pas l’arabe et il était facile à tromper. Dans une Lettre au président Bouhier, datée du 10 juin 1712 et qui se lit à la suite des Menagiana réédités, .t. iv, p. 283-312, LaMonnoye affirmera encore qu’au xve et au xvi a siècle des écrivains ont répété le thème fondamental du fameux livre, mais que ce livre n’exista jamais. En 1712 cependant, il pouvait exister. Ce n’est point évidemment le livre intitulé Les trois imposteurs et qui circula en France à partir de 1785. Ce livre est un extrait d’un ouvrage intitulé : La vie et l’esprit de M. Benoît de Spinoza, in-12, paru en 1719 en très peu d’exemplaires. La Vie, qui était du médecin Lucas parut de nouveau à Hambourg en 1735 ; l’Esprit fut publié également à part sous le titre, Les trois imposteurs. Six chapitres : I. De Dieu. Fausses idées que l’on a de la divinité, parce qu’au lieu de consulter le bon sens et la raison, on a la faiblesse de croire aux imaginations des gens intéressés à tromper le peuple. ii. Des raisons qui ont engagé les hommes à se figurer un être invisible qu’on nomme Dieu. De l’ignorance des causes physiques et de la crainte produite par des accidents naturels est née l’idée de l’existence de quelque puissance invisible : idée dont la politique et l’imposture n’ont pas manqué de profiter, ni. Toutes les religions sont l’ouvrage de la politique. Conduite de Moïse pour établir la religion judaïque. Examen de la naissance du Christ, de sa politique, de sa morale, de sa réputation après sa mort. Artifices de Mahomet pour établir sa religion ; succès de cet imposteur, plus grands que ceux du Christ. Cf. Lanson, Questions diverses sur l’histoire de l’esprit philosophique en France avant 1750, dans Revue d’histoire littéraire, 1912, p. 19 sq. Mais en 1716, Arpe, dans une Réponse à la dissertation de La Monnoije, Leyde, affirmait avoir eu entre les mains, en 1706, à Francfort, un manuscrit latin — dix cahiers in-8° — des Trois Imposteurs. Renouard, Catalogue de la bibliothèque d’un amateur soutint qu’Arpe était tout simplement l’auteur de ce manuscrit. Or, vers 1689, Trentzelius, au dire de l’un de ses amis, aurait fourni d’un manuscrit latin de même titre une description correspondant exactement à la description faite par Arpe. Le Journal des savants de 1691, p. 327, annoncera comme venant de paraître : Joannis Frederici Meyer dissertationes seleclæ Kilonienses et Hamburgenses, quibus prsemitlitur prislino de libro De tribus imposloribus commentarius, una cum sciographa et parle cjusdem libri, Francfort, in-4°. Au début du xixe siècle, on connaissait t rois copies manuscrites du livre dont l’une avait été publiée à Vienne chez Straube, en 1753, et dont une autre, vendue chez le duc de la Vallière en 1784, fut publiée à Paris en 1861, De tribus imposloribus, 27 pages de texte et notes i-lv et 29-75, par Philomneste Junior (G. Brunet) ; une traduction française fut publiée par le même en 1867. Le texte latin fut réédité par Weller à Hcilbronn en 1876 : De tribus imposloribus…, zweite, mit einem ncuen Vorworl versehene Au/lage, 39 p. in-12.

Le manuscrit était daté de 1598, mais c’est évidemment une date supposée. Il est question dans le livre de saint Ignace, canonisé en 1622, des Chinois, « qui Boni seulement entrés dans la littérature courante avec l'édition de 1595 des Essais et par une simple note de Montaigne », de la question de L’intelligence des animaux qui, mise en route vers 1596, ne deviendra populaire que vers 1645 et enfin des Védas et avec une précision que l’on ne pouvait avoir en l : V.), S. I.st il de la fin du xviie siècle ? Du commencement du x IH » 1

Ce livre nie simplement la valeur des religions positives et tend à réduire la religion à un déisme très large. Comment choisir entre Jésus, Moïse ou Mahomet ? Et à quoi bon ? Si Dieu existe — car le monde peut s’expliquer sans lui, par la série indéfinie des causes, et le consentement universel a pour source l’autorité des princes dont la croyance en Dieu favorise l’action - qu’a-t-il à faire des pratiques du culte ? Il ne peut exiger que l’homme l’aime, puisqu’il a créé le mal dans le monde, tenté l’homme et permis sa chute, sacrifié son propre (ils. On retrouve ici la pensée de Y Heptaplomeres et des Quatrains du déiste. Voir plus loin. Cf. H. Iiusson, La pensée religieuse française de Charron à Pascal, Paris, 1932, p. 94 sq.

On trouvera une bibliographie abondante sur la plupart de ces questions et de ces personnages dans les ouvrages cites de : J.-Il. C îarbonnel, p. O-UU et de H. Basson : Les sources… du rationalisme, p. 635-654. Voir particulièrement Du Plessis d’Argentré, Colleclio judiciorum denovis erroribus gui nh inilio duodecimi seculi posl incarnationem… usque ad anniim 1632, in Ecclesia proscripli sunt et nolali, Paris, 1724-1736, : i vol. in-fol. ; Reinmann, Historia universalis atheismi et atheorum falso et merito suspectorum apud judœos, ethnicos, chrisiianos, mahumedanos, ordine chronoloqico descripta et a suis iniliis ad nostra tempora deducta, Hildesheim, 1725, in-S » ; J. Burckhardt, Oie Kulturder Renaissance in Italien, Stuttgart, 1860, trad. franc. M. Schmitt, La civilisation italienne au temps de la Renaissance, Paris, 1885, 2 vol. in-8° ; Lecky, Historg oj the ri.se and influence cij rationalisai in Europe, 2 vol., Paris, 1900 ; Cournot, Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes, texte revu et présenté par F..Ment ré, 2 vol., Paris, s.d. (1934), 1. 1 ; les Flistoires de la philosophie, dont É. Bréhier, t. i : Antiquité et Moyen Aqe, Paris, 1930 ; les Histoires de la littérature française au XVIe siècle ; le Dictionnaire deBayle ; le Dictionnaire philosophique de Franck ; la France protestante de Haag…, les diverses Revues de l’histoire de la philosophie et des lettres, en particulier Revue des éludes rabelaisiennes, 1903-1912 ; Revue du XVIe siècle, 1913… ; Revue de la Renaissance, 1902-1906 ; Humanisme et Renaissance, 1. 1 et ii, 19341935.

IV. AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE : LIBERTINS ET ESPRITS forts. — 1° Idée générale. — Dans l’histoire du rationalisme, le xviie siècle semble marquer un temps d’arrêt. Cela tient à l’effort déployé par l'Église pour ressaisir les esprits, à toute la poussée rel igieuse connue sous le nom de Contre-Réforme, et aussi au caractère religieux des gouvernements : partout il y a une Église d'État, donc une censure et des peines. En réalité, les incrédules ne manquent pas, mais ils se dissimulent plus ou moins. Ils ne constituent pas d’ailleurs, une secte, au credo bien précis, bien délimité, mais plutôt un courant. Ce qu’ils ont de commun, c’est la tendance à rejeter l’autorité de la révélation et de l'Église, de son enseignement et de sa morale. Leurs contemporains ne s’y sont pas trompés ; ils les appelèrent libertins, c’est-à-dire, affranchis des croyances et des règles morales traditionnelles. Vers la fin du siècle, prévaudra le nom d’esprits forts ; un peu tout le long du siècle, on les appellera aussi parfois beaux esprits. Quelques-uns écrivent en elïct et fréquentent les milieux littéraires. On les suit surtout en France. Ils sont les héritiers de la pensée du xvie siècle, qui survit un temps au milieu d’eux, comme on l’a vii, c’est-à-dire, des Padouans, des épicuriens, des stoïciens — sans cependant se préoccuper comme eux des problèmes métaphysiques — les héritiers aussi des sociniens ; mais ils seront surtout les héritiers de Montaigne et de Charron. Ils évolueront d’ailleurs.

Les libertins.

1. Ceux du début sont de qualité

nettement inférieure. Ce sont ceux dont le jésuite Garasse, La doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps, 1623, in- 4°, el Merscnne, Qua-sliones ccleberrimic in Gcnesim, 1623, in fol., L’impiété des déistes et libertins du temps combattue et renversée de point en point par des raisons Urées de la philosophie et de la