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RAPT (EMPÊCHEMENT DE

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recte, de l’homme qui la détenait. A ce moment-là seulement, la femme pourra, si elle le veut, donner un consentement valide au mariage.

2. Dispense.

L’empêchement de rapt, pour autant qu’il est distinct de l’empêchement de vis et melus, est de droit ecclésiastique ; l'Église peut donc en dispenser. La dispense ne saurait jamais suppléer à la liberté du consentement de la femme ; mais, ce consentement étant supposé, elle peut rendre valide et licite le mariage du ravisseur et de sa victime, alors que celle-ci n’a pas encore été remise en lieu sûr. Disons tout de suite que l’octroi de cette dispense, normalement réservé au Saint-Siège, est rare ; plus rare encore est l’octroi de la faculté de dispenser. Attendu qu’il existe un moyen très sûr de faire cesser l’empêchement, à savoir la restitution de la femme à une pleine autonomie, il va de soi que seules des causes très graves, dans des cas exceptionnels, pourront légitimer une dispense ; telle serait, l’impossibilité morale, vu les circonstances très particulières, pour les fiancés de se séparer, à laquelle s’ajouterait l’urgence de célébrer le mariage.

L'Église est si peu empressée d’accorder dispense de cet empêchement, que, dans les anciens rescrits envoyés par la Daterie pour des causes matrimoniales, on lisait cette clause : dummodo millier propler hoc rapta non sil ; et il était convenu que la clause, même non exprimée, devait toujours, ex stylo dulariu-, être sous-entendue ; la vérification de la condition, c’est-àdire l’existence du rapt, entraînait la nullité du rescrit. Des formules identiques se trouvaient dans les facultés générales de dispenser des autres empêchements. Aujourd’hui et depuis la réforme de la Curie par Pie X, semblables restrictions ne se lisent plus dans les formulaires de pouvoirs accordés par la Sacrée Congrégation des Sacrements, ni dans les facultés de la Propagande.

Il n’est d’ailleurs pas inouï que le Saint-Siège ait accordé dispense et même pouvoir de dispenser de cet empêchement, alors que la femme n’a pas encore retrouvé un lieu sûr, pourvu que son consentement soit certain ; voir, par exemple, la réponse donnée par la Propagande aux missionnaires des Indes et de la Chine le 31 janvier 1796, Collectanea, n. 1268. Cependant, dans une instruction aux évêques d’Albanie, contrée où les rapts étaient fréquents, le Saint-Office, 15 février 1891, ne voulut pas admettre comme règle générale que le mariage fût célébré alors que la femme était encore sous l’influence du ravisseur, même si cette femme affirmait par serment qu’elle consentait librement. Le Saint-Siège se réservait d’accorder des dispenses dans des cas particuliers. Cf. également dans le même sens l’instruction du Saint-Office tu 26 février 1901. WernzVidal, op. cit., p. 376, note 32 ; Gasparri, Tract, can. de malrimonio, 1932, p. 398399.

Aujourd’hui, outre les pouvoirs qui peuvent être obtenus, par concessions générales ou induits particuliers, soit de la Sacrée Congrégation des Sacrements, soit de celle de la Propagande, il n’est pas douteux que les facultés très étendues accordées par les canons 1043-1045 n’excluent pas le pouvoir de dispenser du rapt. Ordinaires, curés ou même simples prêtres pourront donc en user dans les limites prévues par ces mêmes canons, et après avoir acquis la certitude de la liberté du consentement chez la femme.

IV. Le ckime.

Nous avons vii, col. 1666, que le droit romain impérial considérait le rapt d’une femme honnête comme un crime punissable de la peine capitale. Les anciens canons de l'Église recueillis par Gratien dans son Décret, cf. surtout caus. XXXVI, q. ii, c. 1-6, édictaient des peines très sévères au for ecclésiastique : les principales étaient l’excommunica tion, l’infamie, l’inhabilité aux charges et dignités, et, pour les clercs, la déposition. Sanchez, De matr. sucramento, t. VII, disp. XII, n. 1 ; clisp. XIII, n. 3 sq. Après les variations du droit au.Moyen Age, le concile de Trente, qui avait fait du rapt de violence un empêchement dirimant, lui reconnut aussi la qualité de crime ; il frappa en conséquence le ravisseur et tous ses complices de pénalités dont voici la teneur : raptor ipse ac omnes illi consilium, auxilium et favorem pnvbenles, sinl ipso jure excommimicali ac perpétua infâmes omniumque dic/nilatum incapaces ; et, si clerici juerint, de proprio gradu décidant. Sess. xxiv, de réf. matr., c. ni. C'était le retour à la sévérité des anciens canons. L’excommunication était encourue ipso facto, mais n'était pas réservée. Quant à la déchéance des clercs, elle devait être prononcée par la sentence du juge ; l’infamie perpétuelle et l’inhabileté aux dignités étaient lativ sententise. Ces pénalités n’atteignaient que la seule forme de rapt qui avait été spécifiée comme empêchement, c’est-à-dire le rapt de violence inlttitu matrimonii ; ni le rapt de séduction, ni l’enlèvement opéré libidinis causa ne tombaient sous ces peines. Le ravisseur, mais non ses complices, avait en outre l’obligation de doter convenablement sa victime, arbilrio judicis, soit que celle-ci acceptât de devenir son épouse, soit qu’elle s’y refusât.

L’excommunication portée par le concile de Trente fut maintenue par la Constitution p< slolicse Salis. 12 octobre 1869, au nombre des censures nemini réservâtes. Le droit du (Iode a élargi la notion du crime (le rapt ; il l’applique au rapt de séduction comme au rapt de violence, et ne distingue pas entre le rapt perpétré en vue du mariage ou seulement pour satisfaire la passion : qui iniuiiu matrimonii vel explendæ libidinis causa rapucril muliercm nolentem vi aul dolo, vel inuliercm minoris wl<dis consentienlem quidem, sed insciis vel contradicenlibus parenlibus aul lutoribus…, can. 2353. Les peines sont de deux sortes : les unes lalw sententise, à savoir l’exclusion des actes légitimes tels qu’ils sont énumérés au canon 2256, 2°, peine vindicative ; les autres, ferendæ sententise, ne sont pas déterminées, mais doivent être proportionnées à la gravité de la faute. Les lois pénales étant de stricte interprétation, can. PI el 2219. § 1, il est certain que les pé nalités susdites ne devront pas être étendues a la dé tention ou séquestration ; il va de soi également que les peines d’excommunication et d’infamie perpétuelle, portées jadis par le concile de Trente, ne sont plus encourues aujourd’hui, le Code n’en taisant nulle mention, can. 6, 5°.

Et les complices ? Le concile de Trente les ennuierait expressément ; il n’en est pas question dans le canon 2353. Faut-il dire qu’ils sont, dans le droit actuel. exempts de toute pénalité? Gasparri répond oui. sans hésiter : eum de his pœnis tin alios prseter raptorem) Coder taceai omnino, cas suppressas esse dicendum est. Tract, can. de matr., 1932, p. 391, n. 651. Qu’il nous soit permis, salva reverenlia, d'être d’un avis contraire, en nous appuyant sur les principes énoncés au canon 2231 : lorsque plusieurs ont coopéré à la perpétration du délit, encore qu’un seul soit nommé dans la loi pénale, tous ceux qui sont nommés au canon 2209, § 1-3, sont tenus aux mêmes peines, à moins que la loi ne statue expressément le contraire. D’où il suit quc le mandant, ainsi quc tous les coopérateurs principaux et nécessaires, sont englobés dans les peines portées contre le ravisseur. Quant aux complices secondaires, can. 2209, § 4-7, le supérieur devra leur infliger d’autres peines convenables. Le crime de rapt étant déjà puni par les lois de la plupart des nations modernes, cf. Code pénal français, art. 331, 355-357 : — italien, art. 340-344, 349-352 ; — allemand. S 230238 ; autrichien, § 96-97, il y aura lieu, selon les cas.