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RADBERT (PASCHASE)


Cette réalité frcs, verilas) cachée sous les apparences du pain et du viii, c’est le Christ en personne, ce corps toujours vivant qui est né de la vierge Marie, qui a été crucifié et qui est ressuscité. Radbert apporte ici pour appuyer son affirmation un texte de saint Ambroise : « Vera ulique Christi caro, quæ cruci/ixa est et sepulla, vere illius carnis sacranientum : Vraie était la chair du Christ qui fut crucifiée et ensevelie, vraiment de cette chair-là nous avons ici le sacrement. » C’est la même ; le Christ n’a-t-il pas dit : « ceci est mon corps » ? Il n’y a pas lieu d’en être surpris : Si carnem Main vere credis de Maria virgine in utero, sine semine, potestate Spiritus Sancli creatam, ut Verbum caro fieret, vere crede et hoc quod conpcitur in verbo Christi per Spiritum Sanclam corpus ipsius esse ex virgine. Col. 1279 B. Si l’on croit que cette chair du Christ crucifiée et ensevelie fut créée miraculeusement par l’Esprit-Saint dans le sein de la Vierge, on peut croire aussi en toute vérité que ce qui est produit sur l’autel par le même Esprit-Saint, d’après la parole du Christ, est le corps même du Christ né de la Vierge. Ratramne contestera l’interprétation que Radbert donne de la pensée de saint Ambroise, mais ce qui nous intéresse ici, c’est l’opinion de Radbert, laquelle n’est pas douteuse ; au surplus il semble bien que son interprétation soit la bonne.

Au c. vii, Radbert répond à la question suivante : Qui bus modis dicitur corpus Christi ? L’expression « corps du Christ », répond-il, désigne dans le langage des fidèles trois choses fort différentes : d’abord, il signifie l'Église : Corpus Christi, sponsa videlicet Dei Ecclesia jure dicitur, conformément à la théologie de saint Paul. Ensuite, le mot désigne « le corps eucharistique » et Radbert constate qu’il n’est pas permis à celui qui n’appartient pas au corps du Christ qu’est ['Église de manger cet autre corps mystérieux du Christ qu’est l’eucharistie. Col. 1284 D ; 1285 A. Enfin le mot désigne le corps du Christ historique, né de Marie par l’opération de l’Esprit-Saint. C’est le corps sacré qui fut cloué sur la croix, qui fut mis au tombeau et qui ressuscita le troisième jour. Actuellement il est au ciel, devenu prêtre pour toujours et intercédant pour nous chaque jour. C’est à lui que se rattache, que s’unit ce » corps » qui est l'Église, in quod islud transfertur. C’est vers lui que nous dirigeons notre pensée, que nous tournons notre àme, de telle sorte que, de lui, par lui, nous qui sommes son « corps », nous recevions en nourriture sa propre chair, sans qu’il en soit, lui, modifié : …ut ex ipso et ab ipso, nos corpus ejus, carnem ipsius, Mo manenle integro, sumamus. Col. 1285 R. Reprenant l’antique figure de l’arbre de vie, on peut dire que le Christ est à la fois l’arbre et le fruit : quaz nimirum caro ipse (plutôt que ipsa) est et fruclus ipsius carnis, ut idem semper maneat et universos qui sunt in eorpore posait… Arbor quidem ligni vitse Christus mine in Ecclesia est. Le Christ uni à l'Église s’incorpore véritablement tous ces membres de l'Église qu’il nourrit de sa propre chair. Et rrunt duo in corne una : le Christ et l'Église, chacun des membres de l'Église et le Christ. C’est donc la personne même du Christ toujours vivant que nous atteignons directement, à qui nous nous unissons dans l’eucharistie et non pas quelque chose du Christ : une vertu, une puissance émanée du Christ.

Mais une question se pose à présent que Radbert ne. pouvait passer sous silence : comment le Christ peut-il être présent, en personne, avec sa vraie chair et son vrai sang, dans le sacrement ?

2° Comment le Christ est-il présent ? - Par sa divinité, par son àme humaine elle-même, le Christ peut être présent « spirituellement » en tout lieu à la fois : il est dans l'Église et l'Église est son » corps » ; mais ce qu’il faut expliquer, c’est la présence réelle de sa chair et de

son sang dans l’eucharistie, de telle façon que le corps eucharistique soit vraiment sa personne humaine, selon les mots qu’il a employés : « ceci est mon corps, ceci est mon sang ». Lumineuses sont à ce propos, constate Radbert, les « multiplications » racontées dans les Livres saints : si enim hydria farinse vel lecylus olei seu panes secundo (ou mieux edendo, ou encore eundo) crescunl, el non minuuntur dum satianl, quid pulas facit caro Christi ? Col. 1285 R. La difficulté existe donc seulement pour la « chair » du Christ, mais si nous savons que Dieu peut, par miracle, multiplier les substances matérielles, pourquoi ne ferait-il pas ce miracle pour la chair du Christ, de telle façon qu’elle soit présente partout où l’appelle la prière de l'Église, se servant de ses propres paroles ?

Présence réelle, présence personnelle du Christ historique, donc présence corporelle, puisque — et Radbert ne cesse de le répéter — c’est son vrai corps et son vrai sang que nous donne l’eucharistie ; mais ce corps et ce sang sont l’objet d’un double miracle : ils sont « multipliés » comme autrefois Jésus multiplia les pains, et, surtout, ils sont « spiritualisés ».

Radbert qui a le souci de ne pas atténuer la portée des paroles de Jésus, en tombant dans le symbolisme, a aussi celui d'éviter un réalisme grossier. Au c. viii, nous rencontrons des textes importants. Les paroles du prêtre à la messe : jubé hsec perferri per manus sancti angeli lui in sublime allure tuum, in conspeclu divinie majestatis luæ lui fournissent l’occasion de s’expliquer. Radbert souligne avec soin que la « translation » est seulement métaphorique : il n’y a pas translation réelle pour cette raison que, dans tout ce mystère eucharistique, il n’y a rien de matériel : Disce quia Deus spiritus illocaliter u bique est. Intellige quia spiritalia hsec, sicut nec localiler, sic ulique nec carnaliter ante conspeelum divinæ majestatis, in sublime /eruntur. Col. 1287 C. La chair et le sang du Christ sont donc présents mais d’une manière spirituelle : spiritalia hxc. Ailleurs il dit : ce que nous recevons est tout entier spirituel : lalum spiritale est et divinum in eo quod percipit homo. Col. 1280 C. Et un peu plus loin : Dibimus… spirilaliler ac comedimus spirilalem (ou : spiritualiter) Christi carnem. Col. 1281 C. Au c. xx, le. « stercoranistes » sont attaqués directement. Radbert pose la question : pourquoi faut-il être à jeun pour communier ? Les hérétiques disent que c’est afin que le corps et le sang de Christ ne subissent pas avec les autres aliments le cours ordinaire de la digestion. Or, ceci n’est pas à craindre, en effet, la chair et le sang du Christ ne nourrissent en nous que ce qui est né de Dieu et non de la chair : hoc sane nutriunt in nobis, quod ex Deo natum est et non quod ex carne et sanguine… hxc mysteria non carnalia, licet caro et sanguis sint, sed spiritalia jure intelliguntur. Col. 1330 C.

Mais comment celle spiril ualisation » se réalise-telle ? Il ne semble pas que sur ce point la pensée de Radbert se soit précisée, à mesure qu’il avançait en âge et réfléchissait sur le problème. Au contraire, la dernière édition de sou traité, qu’il donna vers la fin de sa vie, si elle témoigne de la vigueur de sa foi en la présence personnelle du Christ dans l’eucharistie, montre aussi une confusion plus grande dans l’essai d’explication qu’il tente. Pour illustrer sa thèse, il multiplie exemples et anecdotes, or ces exemples, ;  ! vrai dire, ne sont pas très heureux.

Le Christ, dil Radbert, parfois a voulu se montrer lui même dans l’eucharistie pour fortifier la foi des fidèles. (Voir c. vi, 3, col. 1283 ; rx, 7-12, col. 1298 sq.j xiv, 1-5. col. 1316 sq.). I’orl bien, mais, telles quelles, ces anecdotes présentent le liés grave inconvénient de laisser croire à une présence matérielle : le vrai corps el le vrai sang du Christ étanl là, comme eu miniature, réduits aux dimensions de l’hostie, les membres pou-