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RABBOULA


prêtre païen, qui, dit-on, aurait offert un sacrifice à la demande de Julien l’Apostat, quand celui-ci traversa la région pour aller combattre les Perses en 363. Sa mère était au contraire une chrétienne accomplie. L’enfant fit de très bonnes études, soit en grec, soit en syriaque (le syriaque était sa langue maternelle). Ces études lui permettront un jour de prendre la parole en grec devant l’empereur à Constantinople ; en attendant elles lui ouvrirent l’accès des fonctions publiques ; il finit par devenir préfet. Cependant son père et sa mère s’efforçaient, chacun de son côté, d’amener le jeune homme à leur foi : sa mère crut réussir en lui faisant épouser une chrétienne. La mère, la femme et surtout la grâce divine travaillèrent à amener Rabboula à la foi du Christ. On l’adressa d’abord à l’évêque de KenneSrin, Kusèbe, qui, désespérant de le faire céder, l’amena au vieil Acace, évêque de liérée (Alep). Cf. Bedjan, Acla marlyrum et sanctorum, t. i, p. 1020 sq. ; t. v, p. 628 sq. ; J.-J. Overbeck, S. Ephrœmi syri, liabulæ episcopi Edesseni, Balsei aliorumque opéra selecla, Oxford, 1865, p. 159-162. Ces deux évêques l’éclairèrent et le guidèrent dans la recherche de la vraie religion. Ce qui contribua beaucoup à l’y amener ce furent les miracles opérés par un saint reclus du nom d’Abraham, au monastère de Markianos à Kennesrin même. Enfin il trouva définitivement la foi alors qu’il priait dans le sanctuaire des saints Cosme et Damien, et après y avoir été témoin d’un grand prodige.

Vers l’an 400, ce prosélyte fit partie d’un pèlerinage en Terre sainte et profita de la circonstance pour se faire baptiser dans le Jourdain. Ame ardente et cœur généreux, dès son retour dans son pays, il vendit ses biens, les distribua aux pauvres, quitta sa mère, sa femme, ses enfants et se retira au couvent de Markianos sous la direction du moine Abraham. A son exemple sa mère et son épouse en firent autant et entrèrent dans un monastère de religieuses. Trouvant la vie cénobitique trop facile et avide de perfection, Rabboula se fit ermite et pénétra dans le désert avec son ami Eusèbe pour mener une vie d’ascétisme plus intense. Héliopolis (Baalbeck), la ville païenne, le tenta ; il y vint avec son compagnon pour y briser les idoles et v recevoir la couronne du martyre ; mais sa tentative échoua. Cf. M.-J. Lagrange, Mélanges d’histoire religieuse : Un évéque syrien du Ve siècle, Rabulas d’Edesse, Paris, 1915, p. 195. L’authenticité de l’épisode est suspectée, à bon droit, par le P. Peeters. La Vie d’Alexandre l’Acémète attribue, au contraire, la conversion de Rabboula, qui était prêtre païen dans sa ville natale, à l’action d’Alexandre. Ses argumentations, ses miracles surtout, arrivent, non sans peine, à convertir Rabboula.

En 4Il ou 412, 1e siège d’Edesse étant devenu vacant par la mort de Diogène, les évêques d’Orient, réunis à Antioche, choisirent pour l’occuper le moine Rabboula ; Acace de Bérée alla l’arracher à sa retraite pour l’élever au siège d’Edesse. Dieu l’avait ainsi préparé pour une mission délicate. Humble, zélé, dévoué, charitable et austère, tel fut ce saint évêque. Sa mort, d’après son biographe, eut lieu le 7 août 435. Le quantième du mois est exact ; pour l’année, il vaudrait mieux au dire du P. Peeters s’arrêter a 436.

L’Église syriaque le considère comme l’un de ses grands saints et célèbre sa fête le 17 décembre. Peu après sa mort, un de ses familiers entreprit d’écrire la biographie que nous avons signalée : elle a passé pour l’un des meilleurs morceaux du genre, dans la littérature syriaque. Publiée par Overbeck, op. cit.. p. 160 sq., elle a été reproduite par Bedjan, Acla n.artyrum et sanctorum t. iv, p. 396 sq, et traduite en allemand par Bickell, Bibliothek der Kirchenvaler de Tallhofer. n. 1 02104. D’après Rubens Duval. « l’ascétisme rigoureux

DICT. DE TllÉOL. CATHOL.

dont Rabboula fut le modèle à Édesse, semble avoir été personnifié sous une forme vivante par la légende syriaque de L’homme de Dieu, légende qui eut un grand retentissement aussi bien en Occident (elle y est devenue la légende de saint Alexis) qn’en Orient ». La littér. syriaque, p. 161.

II. OiuviŒS et doctrine. — L’œuvre écrite de Rabboula est assez mince. Telle qu’elle a été publiée par Overbeck, op. cit., p. 210-250 ; p. 362-380, elle peut se répartir de la façon suivante : 1. Un groupe de textes canoniques. 2. Des lettres. 3. Un discours prononcé à Constantinople. 4. Enfin quelques hymnes. Mais l’action de l’évêque d’Edesse n’a pas laissé d’être considérable. Nous étudierons cette action dans le domaine de la théologie’, dans le domaine scripturaire, enfin dans le domaine canonique, en signalant au fur et à mesure les ouvrages qui entrent en ligne de compte.

Action théologique.

Pour en bien comprendre

l’importance, il faut se souvenir qu’Édesse était le siège, au moment où Rabboula en était évêque, île la célèbre « école des Perses », inféodée dès cette époque à la théologie antiochienne, dont Théodore de Mopsueste était le représentant le plus brillant et le plus autorisé. Peu après la mort de Théodore, cette théologie trouvait en Nestorius, devenu archevêque de Constantinople en 428, un interprète qui allait très vite la discréditer. La lutte ne tardait pas à éclater entre lui et le patriarche d’Alexandrie, saint Cyrille. Voir art. Nestorius, t. xi. col. 9 1 sq. A la sommation adressée a Nestorius par le pape saint Célestin d’avoir à se régler sur l’enseignement traditionnel de Rome et d’Alexandrie, Cyrille ajoutait, de son chef, à l’hiver de 430, les « douze anathématismes « dont la publication, au moins intempestive, allait liguer contre la théologie alexandrine les représentants les plus en vue de la théologie antiochienne. Quelle fut dans ces conjonctures l’attitude de Rabboula ?

S’il faut en croire son biographe — ou plutôt son panégyriste, — il aurait pris parti, dès le principe, contre Nestorius. On aimerait d’ailleurs avoir d’autre garant que cet auteur, qui manque totalement de doc trine, au sujet d’une intervention que Rabboula aurait faite à Constantinople même en faveur de la doctrine de la maternité divine de Marie, menacée, pensait-il, par les incartades de l’archevêque. Le biographe raconte, en effet, qu’avant eu l’occasion d’aller à la capitale, Rabboula y prêcha dans la Grande-Église, en présence même de Nestorius (le tyran, comme il l’appelle), alors protégé par le souverain, et qu’il prévint le peuple et tes souverains (Théodosc II et sa sœur Pulchérie ?) contre les cireurs de l’archevêque. Un fragment s’est conservé, de lait, d’un sermon de Rabboula (Overbeck, op. cit., p. 233-244), qui pourrait avoir été tenu dans la capitale, et qui contient une affirmation explicite de l’unité de personne dans le. Christ, et de la légitimité du terme théotocos appliqué à la Vierge. Peut-être quelques expressions donnent-elles à penser que l’orateur est moins ferme sur la dualité des natures, et il y a un passage assez dangereux sur « Celui qui, impassible par nature, a souffert dans son corps selon qu’il le voulait ». Somme toute, la Uni m du sermon correspond assez bien a la situation qui existait à Constantinople en 429-130 ; un voyage de Rabboula dans la capitale n’a rien d’absolument invraisemblable. On remarquera d’ailleurs qu’aux dires mêmes du biographe, l’évêque d’Edesse n’a pas lait ce voyage pour aller combattre Nestorius, ce qui, à cette date, n’aurait aucun sens, mais pour des raisons d’ordre surtout financier. Il n’est pas étonnant que, venu à Constantinople, il ait été invité à prêcher ; son sermon a d’ailleurs la modération qui convient à un étranger parlant dans une des églises de la.

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