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PRIÈRE. ESPÈCES


culte ; adhérence, soumission, résolution ; amour, action de grâces ; componction ou contrition ; espérance du pardon et des biens divins, désir d’union ; demande du pardon ou du secours de Dieu, etc. Nous voilà loin de compte avec les trois ou quatre espèces de prières généralement admises par les théologiens. Pourtant, il est bien évident, même à première vue, que tous ces sentiments ne sont pas à mettre sur le même plan, qu’un certain nombre d’entre eux sont secondaires par rapport à d’autres, dont ils découlent ou dont ils ne sont que des nuances ; en deux mots, un classement, une réduction, s’imposent. Essayons-les.

1. L’adoration est la reconnaissance de notre qualité de créatures, donc de notre absolue dépendance à l’égard de Dieu ; reconnaissance qui n’est pas seulement un aveu mélancolique, mais une acceptation, résignée ou joyeuse, de notre condition et de toutes ses conséquences. La prière d’adoration est donc essentiellement une prière de soumission ou d’adhérence à la volonté divine, qu’il s’agisse de la volonté divine signifiée par les événements qui nous atteignent, ou exprimée par les commandements qu’elle nous impose ; soumission, répétonsle, qui peut être en quelque sorte forcée, arrachée à l’âme par la crainte du Maître, ou, au contraire, libre, spontanée, quand elle se teinte d’amour ; tous les Fiat sont des prières d’adoration. De cette prière de soumission ou d’adhérence, c’est à peine si l’on peut distinguer la prière de résolution, dont parle Nicole, ou la prière d’offrande du P. Baker : « La prière que j’ai en vue en ce moment est plutôt l’offrande et le don fait à Dieu de tout ce qu’il peut légitimement nous demander, c’est-à-dire l’offrande de tous nos devoirs, de tout notre amour, de notre entière soumission », etc., cité par Devine, op. cit., p. 202 ; prière dont le ps. xxxix nous présente un exemple mémorable : Tune dixi : ecce venio, ut faciam voluntatem tuam ; cf. Hebr., x, 5-7. Par où l’on voit que l’adoration mène à l’amour, c’est-à-dire au don de soi, si tant est qu’on l’en puisse distinguer.

2. La louange divine (laudamus te, benedicimus te, glorificamus te) nous paraît, au contraire, nettement distincte de l’adoration proprement dite, telle que nous venons de l’envisager. Elle procède de Vadmiralion qui saisit l’âme mise en face des perfections divines : Domine, Dominus noster, quam admirabile est nomen luum in universa terra ! Ps., vin. Il y a loin de cette exaltation ou de cette exultation de l’âme au Fiat de Gethsémani. Remarquons ici que les hymnes de louange peuvent revêtir des formes différentes : tantôt ils s’adressent directement à Dieu, tantôt ils s’adressent aux créatures qu’ils invitent à célébrer les grandeurs du Créateur (Bcnedicite, omnia opéra Domini, Domino), tantôt enfin ils ne s’adressent à personne et chantent simplement les grandeurs divines (Magnus Dominus et laudabilis nimis).

3. L’action de grâces se mêlera facilement à la louange divine : la bonté n’est-elle pas l’attribut essentiel de la divinité, et n’est-ce pas pour nous, en définitive, que le Créateur a semé tant de merveilles dans la création ? Et pourtant, l’action de grâces est un sentiment nettement distinct de la simple louange : tout le monde en convient.

4. Mais voici le péché, qui va introduire toute une catégorie de sentiments nouveaux dans le cœur de l’homme et donc dans sa prière. L’homme a conscience d’avoir déplu à Dieu par son péché et de s’être attiré sa colère : il cherchera à l’apaiser par la contrition ou componction, par l’expiation ou la réparation. Avons-nous déjà affaire, dans de telles prières, à la prière de demande ? Implicitement peut-être. Mais il est des cas où l’expression de tels sentiments dans la prière ne procédera pas d’un motif intéressé et par conséquent ne pourra pas être considérée comme

l’équivalent d’une demande de pardon : supposons une âme entièrement convaincue d’avoir reçu de Dieu le pardon de ses fautes et même d’être l’objet de ses complaisances particulières ; pourtant, au souvenir de ses péchés passés, elle ne cesse de redire à Dieu le regret qu’elle a de l’avoir offensé, elle ne cesse dechercher de toutes manières à expier et à réparer ; de même que la pensée des bontés divines à son égard la transporte d’admiration et de reconnaissance, la pensée de son ingratitude, de son indignité, la remplit de confusion, de douleur ; nous avons bien ici affaire à une forme particulière de prière.

5. Adorer, louer, remercier, regretter, avons-nous, avec ces quatre premiers objets de la prière, épuisé tous les sujets d’entretien de l’homme avec Dieu ? Nous avons dit que l’adoration menait à l’amour, c’est-à-dire au don de soi, si tant est qu’on l’en pouvait distinguer ; nous avions en vue l’amour effectif, l’amour de volonté, qui peut être commandé : Diliges Dominum. .. Mais l’amour alîectif, cette attraction, cette complaisance, cette « passion >, que l’on ressent, que l’on éprouve à l’égard de l’objet aimé, qui nous porte vers lui, pour jouir de lui, pour nous « unir » à lui : voilà bien un sentiment lout différent de l’adoration et qui peut aussi être le « sujet » de notre prière. » C’est l’amour, ou du moins le désir de l’amour, qui doit porter le chrétien à prier ; l’amour doit être l’objet final ou même le sujet de sa prière ; et l’augmentation de l’amour en doit être le fruit. » Grou, L’école de Jésus-Christ, t- ii, 1923, p 29. Dans la « contemplation », qui est bien aussi une prière, l’âme n’a plus d’autre occupation que d’aimer ; cf. saint François de Sales, Traité de l’amour de Dieu, t. VI, c. m.

G. Il est une prière que l’on pourrait appeler la prière d’ « abandonnement à Dieu » ; ce fut la dernière prière de Jésus sur la croix : In manus tuas commendo spiritum meum. Peut-elle se ramener à l’adoration, à la soumission aveugle aux volontés divines ? Oui, sans doute, quand elle est pure résignation à l’inévitable, quel qu’il soit : Dominus est, quod bonum est in oculis suis facial. I Reg., iii, 18. Non, semble-t-il, quand elle se teinte de confiance, d’espérance : In te, Domine, speravi, non confundar in œternum. Sans être encore une prière de demande formelle, particulière, elle est tout de même un recours à Dieu : dans la suprême détresse, quand tout nous abandonne, quand Dieu même paraît nous délaisser, nous espérons encore en lui ; nous remettons, nous confions à ses mains notre sort et celui de notre cause : Eliam si occideril m.’, in ipso sperabo. Job, iii, 15.

7. Enfin, nous arrivons à la prière de demande, quel qu’en soit l’objet, qu’il s’agisse d’obtenir le pardon du péché, la remise de la coulpe ou de la peine, de la peine présente ou de la peine à venir ; ou qu’il s’agisse d’obtenir tout ce que nous désirons pour nous, pour autrui, pour Dieu lui-même.

Nous sommes ainsi amenés à reconnaître sept espèces de prières, distinguées d’après leur objet : l’adoration, la louange, l’action de grâces, la contrition, l’amour. l’abandon, la demande. Peut-être, en cherchant bien, en trouverait-on davantage. En revanche, nous ne nous attarderons pas à montrer que toute prière ne renferme pas formellement ou implicitement une demande, comme le pense Vermeersch, op. cit.. p. S ; cf. Bremond, Hist. litl, t. vu. p. 7 sq.

Les différents modes de la prière.

1. Prière mentale

cl prière vocale. — Commençons par bien préciser ce qu’il faut entendre, ce que nous entendons par là. Il ne s’agit pas d’opposer la prière du cœur et la prière des lèvres, celle qui serait dans le cœur et celle qui n’existerait que sur les lèvres, en définitive la vraie et la fausse prière : cf. Bremond. Hist. lit !., t. x, p. 2. Il n’y a pas d’apparence qu’aucun théologien ait jamais