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PURGATOIRK. KGI.. GRÉCO-RUSSE, LES PARTISANS


4. Quoiqu’il juge la question tout à fait secondaire, Gennade maintient la position des anciens polémistes et de Marc d'Éphèse au concile de Florence sur le

feu purificateur, 71ùp xaOaprr.piov. Il résume les arguments des Latins pour établir l’existence de ce feu et

ne les trouve pas apodictiques. Sur le fameux passage de saint Paul, I Cor., ni, 12-15, il s’en tient à l’exégèse de saint Jean Chrysostome. Quant aux visions et aux révélations invoquées par les Latins et aux récits contenus dans les Dialogues de saint Grégoire le Grand, on n’est pas obligé de les prendre à la lettre, d’autant plus que certaines de ces révélations parlent, au lieu de feu, d’eau chaude et d’autres choses semblables. Ce sont là industries de la Providence, olxovo[xîai, pour amener les vivants à se convertir et à se réformer. Par ailleurs, il paraît peu équitable de soumettre au même châtiment du feu les âmes des damnés souillées de péchés mortels et les (iicoi, qui n’ont à expier que des fautes légères. Nous ne connaissons, dit-il, qu’un seul feu, le feu inextinguible de l’enfer, et, au lieu de parler, à propos des [iiaoi, de purification par le feu, nous préférons dire : délivrance d’un lien ou d’un empêchement : 'H (jlèv ttjç 'ExxXrjslaç y)jj.wv aûr/j Géinç, <I)Ç eïprjTai GU|i.ça>veï 7rcùç if) ' PiDjjiaïxfj, 71Xy)v toû Sià Tuupàç tï)v xàOapaiv ylvacÔai xal ôXwç xâOapaiv yîveaGai. Où yàp p<J7rou xà6apat.v, àXXà Seajxoû tovoç |i.àXXov xal xtoXùji.aToç àvaîpecav, Op. cit., t. i, p. 536. Cf. tout le traité sur l'État des âmes intermédiaires, ibid., p. 531-539.

5. S’il rejette le feu du purgatoire, Scholarios blâme les polémistes qui attribuent aux Latins l’erreur d’Origène sur l’apocatastase finale. Il déclare, à plusieurs reprises, que c’est là une grossière méprise : les Latins sont orthodoxes et s’accordent avec l'Église orientale sur tous les points essentiels. Cf. op. cit., t. i, p. 512-513, 531-533, 537.

6. Ajoutons enfin que notre théologien est un partisan résolu d’une certaine mitigation des peines des damnés par les prières de l'Église. Il en trouve la preuve dans le fait que l'Église prie pour tous les défunts en général. Il admet aussi, mais d’une manière tout à fait exceptionnelle, la délivrance de quelques damnés par l’intervention de quelque grand serviteur de Dieu. Il appuie cette opinion sur les légendes bien connues de la délivrance de l’empereur Trajan par les prières de saint Grégoire et de celle de la païenne Falconilla par l’intercession de sainte Thècle. Il fait aussi allusion au cas de l’empereur Théophile rapporté plus haut, col. 1246. Cf. loc. cit., p. 511, 525, 533-535.

2° Au XVIe siècle. — Plusieurs théologiens enseignent une doctrine équivalente à celle de Scholarios.

C’est d’abord Manuel le Rhéteur, dit le Corinthien († 1551), dans sa Réfutation des chapitres du frère François, de l’ordre des prêcheurs. Il admet une troisième catégorie de défunts, ceux qui meurent chargés seulement de péchés véniels. A ceux-là il assigne un temps d’arrêt dans la région des félonies avant d’arriver à la béatitude. Les prières de l'Église les aident à se libérer des « douaniers » d 'outre-tombe. Mais Manuel persiste à voir dans le feu du purgatoire latin un rejeton de l’hérésie origéniste : ToGto tîjç toù 'flpiysvouç ocEpécEwe scjtiv a7ToxÙ7)fia. Cod. Vatic. Pal. grœcus 1447, p. 277. Cf. Valentin Loch, Das Dogma der griechischen Kirche vom Purgalorium, Ratisbonne, 1842, p. 118. Des extraits de l’opuscule de Manuel : 'A7roXoyla xal àvaTpo7tr ( tûv xeçaXalwv toG <Ppà OpavrÇsaxou, publiés par Etienne Le Moyne, Leyde, 1685, sont reproduits dans la P. G., t. cxi, . col. 171482.

Gabriel Sévère, métropolite de Philadelphie (15411616), serait irréprochable sur la question du purgatoire, s’il ne rangeait parmi les [iiaot, certains tidèles

surpris à l’improviste par la mort en état de péché grave, sans qu’ils aient été endurcis dans le mal. Au demeurant, sa pensée sur ce point manque de netteté. Il admet la doctrine catholique de la satisfaction, et, s’il répugne au mot purgatoire, xaOopr^ptov, ainsi qu'à un troisième lieu distinct de l’Hadès scripturaire, il ne fait pas difficulté d’accorder que l’Hadès a de nombreux compartiments et plusieurs demeures. Ces demeures, réservées aux âmes de l'état intermédiaire, il les appelle des lieux satisfactoires, -JjT.vjc, îxavo7roioûç, « c’est-à-dire endroits dans lesquels les âmes sont châtiées dans la mesure où elles sont dignes de châtiments et dans la mesure où le voudra la miséricorde de Dieu ». Ilôcrai slalv al yevtxal xal 7rpwTai Siacpopal xal rouai, âç iyei àvafoXixr] 'ExxXijota tj 'Pa>u.a>.7, éd. Nicodème Métaxas, Constantinople, 1627, p. 49, 51. Quant à la nature des peines, Gabriel est un des rares Grecs qui aient admis comme probable un châtiment par le feu : « Elle me sourit, dit-il, cette opinion de quelques docteurs de l'Église occidentale, qui disent que le feu éternel est celui-là même dans lequel vont les âmes qui sont châtiées pour un temps. Sans doute ce feu, tel que Dieu l’a créé, est de sa nature éternel ; mais on le dit temporaire, à cause des âmes qui en sont délivrées, non en vertu de sa nature. Par ailleurs, ce feu est dit éternel et perpétuel à cause des âmes de ceux qui y sont châtiés éternellement. Ainsi le diable est puni là éternellement ; ainsi l'âme du malheureux Judas et celle de Pharaon, et les âmes des impies, des hérétiques et des impénitents. » Op. cit., p. 51 : 'Apsoxei (jloi 7] yvcofxr, tivûv StSaoxâXwv ty ; ç SuTix^ç 'ExxXïjaiaç, oïtwsç Xéyouaiv, oti tô 7rûp tÔ aïamov eïvai èxeîvo etç ib Ô7roîov r^yalvouaiv al <j, ir/al xal TijjLcopoGvTao 7Tpôç xatpôv. Cf. art. Gabriel Sévère, t. vi, col. 983, et M. Jugie, Un théologien grec du XVIe siècle : Gabriel Sévère et les divergences entre les deux Églises, dans Échos d’Orient, t. xvi, 1913, p. 104-106.

On trouve dans la Première réponse de Jérémie II, patriarche de Constantinople, aux théologiens luthériens de Tubingue, c. xii et xxi (cf. la Seconde réponse, c. vi), éd. Gédéon de Chypre, B16Xîov xaXoùu£vov « Kptr/jç TÎjç àXirjGslaç », Sir)p7)ji.évov sic, t6u.ouç 8>jo, Leipzig, 1759, un amalgame assez incohérent emprunté à Joseph Bryennios et à Marc d'Éphèse, mais d’où il ressort que Jérémie II admet une troisième catégorie de défunts pour lesquels intercèdent l'Église militante et l'Église triomphante.

Encore au xvie siècle, les Grecs de Venise, interrogés par le cardinal Claude de Guise sur la question du purgatoire, empruntèrent les éléments de leur réponse à Manuel le Rhéteur pour ce qui regarde le lieu et le feu, et à Marc d'Éphèse pour ce qui regarde l’existence de l'état intermédiaire et les peines qu’on y souffre.

3° Au XVIIe siècle. — Si nous passons au xvir 3 siècle, les témoins de la doctrine catholique abondent, et ils sont de marque. Nous avons pour les Russes : Laurent Zizanii, Pierre Moghila (1596-1646), Adrien, patriarche de Moscou († 1700) ; pour les Grecs : Métrophane Critopoulos († 1639), Georges Coressios († 1641) et son disciple, Grégoire de Chio, Dosithée, patriarche de Jérusalem (1611-1707), dans la première édition de sa Confession de foi (1672), devenue un des livres dits symboliques de l'Église gréco-russe moderne.

Dans son Grand catéchisme, Moscou, 1627, Laurent Zizanii continue sans doute à accuser les Latins d’origénisme à cause du feu du purgatoire. Cela ne l’empêche point de distinguer deux enfers, l’un pour les damnés, l’autre pour ceux qui n’ont pas satisfait suffisamment ici-bas pour leurs péchés. Cf. Hinskii, Le catéchime de Laurent Zizanii (en russe), dans les Troudy de l’Académie de Kiev, t. iii, 1898, p. 273, et le Pravoslavnyi Sobiescidnik, 1855, p. 118, 131-134.