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PUKOATOl HK. CONCLUSION

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d’un feu matériel : le crucior in liac flamma doit, en bonne théologie, supporter une interprétation analogiquc. Que ne devrons-nous pas penser des « flammes du purgatoire » ? S’il est certain que les saintes aines du purgatoire souffrent un tourment positif, nous ne pouvons affirmer rien de précis sur la nature même de ce tourment. L’Église n’a vu dans la doctrine du l’eu réel du purgatoire qu’une opinion, très respectable sans doute, mais qu’il est loisible de ne pas accepter sans blesser la foi. In omni modo, déclare nettement Billot, animadvertes sepewalam esse causant ignis purgatorii et ignis in/erni. De novissimis, p. 102. Dans quelle mesure les prédicateurs peuvent-ils utiliser l’ « opinion « latine du feu réel du purgatoire ? C’est affaire de tact, de nuances et de précision théologique, peut-être d’auditoire. Toujours faudra-t-il, si l’on estime devoir en parler : a) éviter les descriptions purement imaginaires ; b) marquer très nettement le degré de simple opinion à accorder à cette peine positive ; c) insister surtout sur le caractère spirituel de cette peine infligéeàdes esprits. Mgr dTlulst a donné ici une excellente indication en affirmant que les flammes du purgatoire sont, avant tout, « le feu de l’amour jaloux. L’amour se venge comme il convient à l’amour ; sa vengeance détruit non l’objet aimé qui a été infidèle, mais son infidélité même et ainsi, en le punissant, elle le purifie et le fait digne de l’amour. » Lettres de direction, cvn. On ne saurait trop relire l’admirable conférence du P. Monsabré sur le purgatoire, Carême 1889, modèle parfait des convenances doctrinales que doivent respecter les prédicateurs.

3. Enfin on évitera d’avoir recours aux révélations privées pour étayer les enseignements de la chaire. « L’Église, dit le P. Monsabré, nous invite, par l’organe du concile de Trente, à nous abstenir de toute curiosité et vaine recherche dans les questions d’outre-tombe. Les révélations sur ce sujet doivent être acceptées avec la plus grande discrétion. » Op. cit., notes sur la 97e conférence. En tout cas, une révélation privée ne doit pas être apportée en confirmation de la vérité d’un enseignement discuté.


VIII. Conclusion.

Notre conclusion générale doit comporter une triple indication sommaire concernant :
1° l’évolution de la croyance au purgatoire dans l’Église catholique ;
2° l’évolution de l’attitude des orthodoxes après le concile de Florence ;
3° l’évolution de la pensée protestante après le concile de Trente.

Évolution dogmatique de la croyance au purgatoire dans l’Église catholique.

Nous avons dû, pour suivre le canevas classique des traités sur le purgatoire, commencer par l’exposé des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, dans lesquels les théologiens ont cru trouver une révélation explicite du purgatoire. Le lecteur attentif a pu se demander — et nos réflexions ne l’en ont pas dissuadé — si le point de départ était aussi net qu’on veut bien le dire parfois. Il a pu constater que, si l’Écriture fournit un excellent point de départ à la croyance à une expiation dans l’au-delà, c’est beaucoup plus en rappelant la nécessité de l’expiation personnelle, nonobstant la rédemption du Christ, qu’en affirmant d’une façon directe l’existence de peines purificatrices dans l’autre vie. Dans son Sermon sur le culte dû à Dieu, Bossuet rappelle opportunément que, « pour connaître la justice [de Dieu], il faut la connaître dans tous les états où elle s’exerce et ne croire pas plutôt la punition des crimes capitaux dans l’enfer que l’expiation des moindres péchés dans le purgatoire. » Carême de SaintGermain, 2 avril 1666, éd. Lebarq, t. v, p. 117. Or, touchant cette connaissance de la justice divine même à l’égard de l’expiation des moindres péchés, l’Écriture fournit de précieuses et irréfutables indications. D’autre part, la prière pour les défunts pécheurs, si nettement enseignée dans le IIe livre des Machabées, et déjà passée dans la pratique de la primitive Église, est une de ces vérités générales qui Impliquent l’idée particulière de l’expiation d’outre-tombe.

Ce fut vraisemblablement un excès de zèle des apologistes catholiques voulant suivre et battre Luther sur son propre terrain qui les engagea dans la voie d’une démonstration purement scripturaire du purgatoire et leur suggéra de chercher, dans l’Écriture, une révélation explicite du dogme.

En réalité, on a pu le constater, le point de départ scripturaire n’est pas aussi net que l’ont affirmé Priérias et Eck, Hellarmin et Suarez. Sans doute on peut démontrer l’existence du purgatoire à l’aide de l’Écriture, mais il faut avouer l’insuffisance d’un certain nombre de textes classiques, et il serait préférable de n’employer les autres que dans un cadre de démonstration plus générale.

On ne s’est pas assez rendu compte que le dogme du purgatoire, vérité dont la connaissance n’est pas nécessaire au salut, ni de nécessité de moyen, ni même de nécessité de précepte, pouvait parfaitement, dans les débuts de l’Église, être simplement cru d’une manière plus sommaire et en quelque sorte implicite dans le dogme plus général de la justice divine exigeant du pécheur pardonné une expiation pour ses fautes, tout comme le dogme de l’infaillibilité du pape était cru dans la vérité plus générale du magistère de l’Église, tout comme le dogme de l’immaculée conception était cru dans la vérité plus générale de la sainteté parfaite de Marie. On ne s’est pas assez rendu compte également qu’un dogme ne tient pas nécessairement sa valeur de vérité révélée du fait qu’il est contenu dans l’Écriture et que la Tradition, c’est-à-dire l’enseignement de l’Église, s’exprimant souvent par des pratiques dont l’Écriture ne fait pas même mention, suffit à elle seule à authentiquer une vérité révélée.

Le dogme du purgatoire plonge des racines profondes et dans l’Écriture et dans la Tradition, et cette double et solide assise lui confère un caractère authentique de vérité divinement révélée. Mais c’est précisément peut-être en raison de cette double assise que le développement de ce dogme s’est réalisé d’une façon qu’il est peut-être audacieux (bien que cette expression nous semble assez exacte) de qualifier d’anormale.

En effet, en ce qui concerne la révélation par la tradition chrétienne, la croyance au purgatoire nous apparaît dès l’origine sous une forme à peu près définitive, dont les époques postérieures ne mettront en relief que des aspects très secondaires : la prière pour les défunts. C’est la forme à laquelle s’est attachée l’Église grecque, ce qui lui permettra d’ailleurs, aux époques d’entente avec l’Église latine, de trouver assez facilement une voie de réconciliation. Le protestantisme, qui rejettera la pratique traditionnelle de la prière pour les défunts, ne saura opposer à l’Église romaine que des négations stériles.

Mais, en ce qui concerne l’Écriture qui atteste la purification nécessaire de toute faute, le progrès a été difficile, et, la systématisation théologique étant survenue dans l’Église latine avant la précision dogmatique, les théologiens ont dépassé du premier coup le but à atteindre et, quand l’heure sonna des définitions garanties par l’infaillibilité, l’on s’est vu obligé de revenir pour ainsi dire en arrière. La nécessité d’une expiation d’outre-tombe est à la base de l’enseignement scripturaire ; mais quand sera cette expiation ? où se fera-t-elle ? par quels moyens ? Autant de questions sur lesquelles l’Écriture est en réalité absolument muette. On a cru trouver la solution de toutes difficultés dans le texte de saint Paul, I Cor., iii, 11-15. Et c’est ainsi qu’en Orient comme en Occident le feu de la conflagration générale, que beaucoup identifiaient avec le