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PURG AïiMRE. EXIS’I ENCE


allirmer un principe dont on pourrait déduire le purgatoire, et c’est encore bien obscur : Act., ii, 21 ; Mail h., v, 22. C’est I Cor., iii, 11-15, qui retient toute l’attention de Suarez. Il est hésitant sur le mus à donner a la métaphore du bois, de la paille, du foin : péchés véniels ou péchés mortels ? Mais saluus erit indique à coup sur non la persistance dans l’existence, mais le salut éternel. N. 14-18. Incertitude également quant à la personnalité des constructeurs de l'édifice : n’importe quel juste ou simplement les prédicateurs de la foi ? Hésitation pareillement sur le feu dont il est question comme instrument de l'épreuve à laquelle seront soumises les œuvres de chacun. N. 22-28. Mais finalement Suarez s’arrête à cette solution : « Tous seront examinés par le feu parce que tous seront jugés pour savoir si le feu purificateur doit leur être appliqué. » N. 28.

On le voit, à part le texte de II Mac, grandes hésitations partout, même dans l’interprétation de I Cor., m, 11-15. Ce texte cependant a été si universellement invoqué dans l'Église latine que presque tous les théologiens modernes l’ont retenu, unanimes à s’appuyer sur II Mac, xii, 42 ; Matth., xii, 32, et I Cor., iii, 11-15. Ainsi D. Palmieri, De novissimis, § 20, n. 5-11 (il ajoute un quatrième texte, Luc, xii, 58) ; C. Mazzella, De Deo créante, n. 1331-1333 ; Ch. Pesch. Prælectiones dogmaticæ, t. ix, n. 589-591 ; Billot, De novissimis, th. v (certains textes de l’Ancien Testament cependant cités comme illustrant, par l’usage antique de la Synagogue, le geste de Judas Machabée) ; Lépicier, De novissimis, q. v, a. 1, n. 3 (p. 251-254) (en plus, Matth., iii, 11) ; Sanda, Synopsis, t. i, § 350, n. 4-5 ; Hugon, Traclalus dogmatici, t. iv, De novissimis, q. iv, a. 2 (en plus, Matth., v, 26) ; Tanquerey, Synopsis, t. iii, n. 1126, etc. Plus strict, Perrone n’admet, avec raison, nous semble-t-il, que II Mac, xii, 42, et Matth., xii, 32, Prælectiones theologicæ, éd. Migne, Paris, 1856, 1. 1, col. 836. Diekamp s’appuie sur II Mac, xii, 42, I Cor., iii, 10-15 et II Tim., i, 16-18, Theologiæ dogmatiæ manuale, t. iv, Tournai, 1934, p. 516517. Labauche passe sous silence l’argument scripturaire, Leçons de théologie dogmatique, t. ii, Paris, 1911, p. 411.

On peut s'étonner, en revanche, de trouver encore des auteurs qui accordent une importance exagérée à certains textes de l’Ancien Testament. G. Atzberger n’a pas su éviter ce défaut dans son volume, Die christliche Eschatologie inden Stadien ihrer Ofjenbarung, Fribourg-en-B., 1890. Et nous le rencontrons, plus accentué encore, dans J. Bautz, Das Fegfeuer, Mayence, 1883, et Fr. Schmid, Das Fegfeuer, Brixen, 1904.

L’argument de tradition.

L’argument de tradition est développé avec complaisance par Bellarmin.

Ce théologien montre d’anciens conciles des diverses Églises reconnaissant expressément le purgatoire, ou l’admettant équivalemment lorsqu’ils recommandent la prière pour les morts. Il signale cette prière dans toutes les liturgies connues ; il montre que cette prière n’a pas seulement pour but, comme le disaient Pierre Martyr, Loci communes, Londres, 1576, p. 768, ou Calvin, Institution chrétienne, (ci-dessus, col. 1270) de rappeler aux vivants la pensée de la mort ou d’empêcher que le souvenir des défunts ne périsse de la communauté chrétienne ; mais les textes liturgiques et les interprétations qu’en donnent les Pères montrent bien que l’objet de la prière est le soulagement, la délivrance des âmes souffrantes. Bellarmin, op. cit., c. vi, p. 76. Enfin il est possible d’apporter des textes positifs dans lesquels les Pères ou recommandent la prière pour le soulagement des défunts, ou exposent clairement la doctrine catholique sur la matière. Ibid., c. x, p. 79-82. Bellarmin n’apporte aucun texte clair antérieur au ive siècle ; mais sa démonstration lui paraît si convaincante qu’il n’hésite pas à conclure : « Quand bien même

les Pères n’auraient jamais nommé le purgatoire, il suffirait de leur enseignement si clair sur le besoin que certaines âmes ont de soulagement, et sur le secours que leur apportent les prières des fidèles, pour être fixé sur leur sentiment. » lbid., p. 81. Cf. J. de La Servièie, op. cit., p. 282-283.

Suarez n’apporte rien de nouveau aux textes invoqués par Bellarmin. Il fait simplement remarquer que beaucoup d’assertions relatives au purgatoire sont formulées par les Pères dans leur commentaire des textes de l’Ancien et du Nouveau Testament qu’on a coutume d’invoquer, surtout de I Cor., ni, 11-15. Plusieurs autorités citées par Suarez doivent être aujourd’hui éliminées comme inauthentiques. Op. cit., n. 3033.

Les théologiens postérieurs n’ont pas ajouté grand' chose à ces essais encore informes de théologie positive. Il convient cependant de rappeler l’opuscule d’Arcudius, De purgatorio igné adversus Barlaam, Borne, 1637 (on sait que l'étude attribuée ici à Barlaam est en réalité le discours de Bessarion au concile de Florence, voir col. 1252) ; l’ouvrage d' Allât ius, De utriusque Ecclesise occidentalis alque orientalis perpétua in dogmate de purgatorio consensione, dans Migne, Theologise cursus, t. xviii (cet ouvrage, paru à Borne, en 1655, s’efforce de supprimer toute divergence entre l'Église grecque et l'Église romaine : la critique y perd parfois ses droits) ; Arnauld, Perpétuité de la foi, éd. Aligne, t. iii, t. VIII, c. vi-x, p. 1123 sq. Les deux dernières études ont contribué dans une large mesure à attirer l’attention des théologiens sur les points de contact et de dissemblance qui régnent entre les deux Églises. Le travail a été repris, au xixe siècle, d’une manière encore assez peu critique par Valentin Loch, Das Djgma der griechischen Kirche vom Purgalorium, Batisbonne, 1842. Des deux ouvrages déjà cités de Bautz et de Schmid la critique est totalement absente. Bartmann. Das Fegfeuer, Paderborn, 1928, est plus au point. L’ouvrage d’Atzberger, Geschichte der christlichen Eschatologie innerhalb der vornicànischen Zeit, Fribourgen-B., 1896, s’efforce d'élucider, pour les trois premiers siècles, plus d’un point obscur.

Les théologiens récents insistent tous sur le fait que, dès les débuts, l'Église a prié pour les m jrts. Quant aux textes positifs concernant le purgatoire, ils se contentent le plus souvent de faire un choix parmi ceux qui leur paraissent le plus convaincants. Le manuel de Tanquerey, op. cit., t. iii, n. 1127, nous semble avoir fourni la meilleure indication relativement à la façon d’envisager l’argument de tradition : il marque trois stades dans l’affirmation du dogme du purgatoire : pendant les quatre premiers siècles, l’existence du purgatoire est confessée dans l’universelle pratique d’offrir des prières et des sacrifices pour les défunts, et même déjà quelques Pères parlent explicitement du purgatoire ; à partir de saint Augustin les témoignages en faveur du purgatoire commencent à se multiplier et à se préciser, et les Pères postérieurs à Augustin précisent encore cette doctrine ; enfin la pleine possession de la vérité se manifeste au Moyen Age avec les scolastiques et s’affirme à Lyon et à Florence. On remarquera que c’est le cadre même de notre article. Ch. Pesch est peut-être l’auteur qui a le mieux utilisé les documents de la tradition, op. cit., t. ix, n. 592-596 ; mais aucune étude d’ensemble n’a encore été faite.

L’argument de tradition doit se compléter par l'étude des conciles. Bellarmin et Suarez ont rappelé opportunément certaines décisions de conciles particuliers concernant les suffrages accordés aux défunts. Bautz a assez bien colligé ces décisions. Op. cit., part. I. § '.>. p. 105-108. Mais le concile de Florence n’a pas été suffisamment étudié sur la question du purgatoire. Les théologiens sont d’ailleurs excusables, les Actes con-