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1. Avec Pierre Lombard nous arrivons aux formules qui ont servi de thème aux variations des théologiens sur le purgatoire. Dist. XXI. I.e Maître des Sentences se demande tout d’abord si certains péchés sont remis après cette vie. lit, invoquant Malt h-, XII, 32, et I Cor.. m, 15, il rappelle l’interprétât ion encore hésitante de saint Augustin sur ce dernier texte (De civ. Dei, t. XXI, c. xxvi, n. 4 ; voir ci-dessus, col. 1222) et conclut que le texte de l'épître aux Corinthiens « insinue ouvertement que ceux qui édifient le bois, etc., emportent avec eux des constructions combustibles, c’est-à-dire des péchés véniels, lesquels devront être consumés dans le feu purificateur ». Il y a donc des péchés remis après cette vie.

La peine du purgatoire ne sera pas égale pour tous. Le texte de saint Paul l’indique également. Les péchés véniels sont représentés par le bois, le. foin, la ppille. Mais le bois, ce sont des péchés plus sérieux ; le foin, des péchés moins importants ; enfin la paille, des fautes minimes. D’où il suit que, selon l’importance dos fautes, les âmes seront délivrées les unes plus vite, les autres moins rapidement. Parallèlement, l’or, l’argent, les pierres précieuses, ont des significations différentes : l’or, c’est la contemplation divine ; l’argent, c’est l’amour du prochain ; les pierres précieuses, ce sont, les bonnes œuvres en général. C’est là l’interprétation de la Glose ordinaire, qui s’inspire de saint Augustin, Enchir., c. lxviii.

Une dernière question se pose à Pierre Lombard : le < bois » qui sera consumé par le feu doit-il être entendu du péché lui-même ou de la peine due au péché? Pierre opine que c’est du péché lui-même qu’il fautl’entendre, car on peut être surpris par la mort sans avoir eu le temps de se repentir du péché véniel.

La question du purgatoire appelle nécessairement celle des suffrages pour les défunts. Pierre Lombard l’aborde dans la dist. XLV. Après l'énumération des réceptacles dans lesquels sont accueillies les âmes avant le jugement, le Maître des Sentences expose, c. ii, le problème théologique des suffrages. Le texte de 'Enchiridion sur les différentes catégories de défunts lui sert de thème. Voir col. 1221. Et il en tire une leçon touchant quatre catégories de défunts : les valde boni, les mediocriter boni, les mediocriter medi, les valde mali. Mediocriter malis suffranantur ad pœnæ mitigalionem ; mediocriter bonis ad plénum absolulionem. On sait qu’au Moyen Age nombre de théologiens ont admis une certaine mitigation des peines pour des damnés moins coupables. Voir Mitigation, t. x, col. 2000. Mais, à coup sûr, les mediocriter boni sont les âmes du purgatoire auxquelles nos suffrages apportent soulagement et entière délivrance. Dans quelle mesure nos suffrages sont-ils appliqués ? Les prières des obsèques sont -cl les utiles ? Autant de questions proposées par Pierre Lombard et auxquelles les commentateurs apporteront leurs solutions.

Les senteniiaires.

Les sententiaires étudient à

la suite de Pierre Lombard la question de la purification des péchés dans l’autre vie et celle des suffrages.

1. La purification des péchés dans l’autre vie.

Conformément à l’ordre observé par Pierre Lombard, la question de la rémission des péchés véniels vient en premier lieu. Alexandre de Halès se demande si les péchés véniels sont remis au purgatoire quant à lu coulpe. Summa, part. IV. q. xiv, membr. III, a. 3, § 5. La réponse est négative, le libre arbitre, après la mort, étant immobile, et le mérite impossible. C’est donc simplement la peine qui est remise au purgatoire. La coulpe est remise à l’instant même de la mort, par la grâce de la persévérance finale. Même opinion chez Albert le Grand. 7/ï / Vum Sent., dist. XXI, a. 1, et, plus tard, chez Major, ibid., q. m. Chez saint Thomas, une évolution s’accuse dans la pensée. Au début, en confor mité avec Pierre Lombard, il enseigne que « dans l’autre vie, le péché véniel est remis (quant à la coulpe même) par le feu du purgatoire à celui qui meurt en état de grâce, parce que cette peine, étant d’une certaine manière volontaire, a la vertu d’expier toute faute compatible avec la grâce sanctifiante ». In I V ara Sent., dist. XXI, q. i, a. 1, qu. 1. Mais plus tard saint Thomas modifie sa pensée : 1e péché véniel n’existe plus au purgatoire quant à la coulpe ; sitôt l'âme juste affranchie des liens du corps, un acte de charité parfaite efface sa faute, dont il ne restera que la peine à expier, l'âme étant dans un état où il lui estimpossible de mériter une diminution ou une remise de cette peine. Demalo, q. vii, a. 11. L’opinion de saint Thomas a conquis de nombreux suffrages chez les sententiaires : Richard de Médiavilla.PicrredelaPalu. Durand de Saint -Pourçain et même des nominal is tes comme Almain l’ont accueillie dans leurs commentaires sur la dist. XXI.

Avec saint Bonaventure, nous trouvons une opinion moyenne. L’art. 1, q. i. de la dist. XXI pose comme base de raisonnement que « le péché véniel ne saurait être remis sans la grâce sanctifiante ». Dans l’art. 2, q. i, Bonaventure reprend l’opinion de Pierre Lombard ; après cette vie, le feu purifie l'âme non seulement de la peine, mais de la coulpe du péché véniel : les âmes souffrantes sont en état de grâce, et, pour produire son effet de purification, la charité est aidée, au purgatoire, par la souifrance. Denys le Chartreux a repris cette solution, ibid., q. i, ainsi que plus tard Dominique Soto, dist. XV, q. ii, a. 2. Sur la doctrine en général de saint Bonaventure, on consultera avec profit Thomas Gerster de Zeil, Purgatorium juxta doclrinam seraphici doctoris S. Bonavenluræ, Turin. 1932.

Contrairement à l’opinion émise en dernier lieu par saint Thomas, Duns Scot revient à l’idée d’une faute remise postérieurement à l’accomplissement de la peine. In IV" m Sent., dist. XXI, q. i. Toutefois, dans iesReportata Paris., il semble beaucoup se rapprocher du Docteur angélique. Voir Duns Scot, t. iv, col. 1932.

Quel sentiment animera donc l'âme souffrante relativement à ses péchés ? Pas de contrition véritable, telle qu’on la trouve dans la pénitence sacramentelle ou dans l’acte méritoire de pénitence ; le regret du péché équivaut chez l'âme du purgatoire au désir d'être délivrée : animée purgalorii sacramentaliler vel merilorie conteri nequeunt, sed tantum solutorie, ideoque ob repugnantiam sui status. Alexandre de Halès, op. cit.. q. xvii, membr. ii, a. 2, § 3. Albert le Grand rappelle, lui aussi, cette incapacité des âmes souffrantes. Leurs peines ne sont volontaires que secundum quid. La peine volontaire, en effet, est celle que la volonté librement recherche et s’impose. Or les âmes subissent leur peine parce que cette peine leur permet d’arriver au ciel. C’est la différence qui existe entre la satisfaction de la vie présente et la satispassion du purgatoire. A. 7. Saint Thomas dira pareillement que les âmes souffrent d’une volonté conditionnée, en tant qu’elles savent que leurs souffrances les conduiront au ciel. I.oc. cit., qu. 1. Bonaventure admet pareillement que la peine du purgatoire n’est qu'à demi volontaire : la volonté la subit, la tolère, mais tout en désirant sa cessation ; elle n’est pas méritoire. Ibid., q. iv.

Cette constatation amène les deux grands théologiens à déclarer, eux aussi, que la moindre peine du purgatoire est supérieure à la plus grande souffrance d’icibas. Mais, alors que saint Thomas se contente de reproduire l’assertion telle que nous l’avons déjà rencontrée chez maint auteur, Bonaventure lui adjoint une explication opportune : - Dans l’autre vie, en raison de l'état des âmes, la peine purificatrice sera, en son genre, plus grave que la plus forte épreuve d’icibas. En ajoutant dans son genre ». Bonaventure établit une proportion qui dissipe les malentendus pos-