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PURGATOIRE. LES SUFFRAGES POUR LES Moins (OCCIDENT)


sentiel, en interrogeant successivement les Pères, les conciles, la liturgie, l'épigraphie.

Les Pères.

1. Avant saint Augustin. — Nous

avons signalé la célèbre Passion de Perpétue, qui nous montre la martyre implorant Dieu en faveur de l'âme de son petit frère Dinocrate et lui obtenant de passer du lieu de misère où il était retenu « tans un lieu de rafraîchissement, de rassasiement et de joie. Passio S. Perpétua, vii-viii, éd. Arm. Robinson, dans Texts and studies, t. i, fasc. 2, p. 72 ; cf. P. L., t. iii, col. 34.

Ce texte nous reporte à Cartilage et c’est aussi dans l'Église d’Afrique que l’on trouve les premiers témoignages explicites sur l’efficacité des suffrages pour les défunts. Tertullien écrit, à propos d’un défunt, que, dans l’intervalle écoulé entre sa mort et sa sépulture, il fut accompagné de la prière du prêtre : eum in pace dormisset et morante adliuc sepullura, intérim oratione presbijteri componcretur. De anima, c. LI, P. L., 1860, t. ii, col. 782 B. On ne sait si cette prière du prêtre est déjà un acte liturgique, mais du moins on sait que déjà l’on priait pour les morts. Dans le De exhortatiune eastitatis, Tertullien tire argument, contre les secondes noces, de l’embarras où se trouverait un veuf remarié et tenu par l’usage à faire les prières et les oblations annuelles pour l'âme de sa femme défunte. C. xi, P.L., t. ii, col. 975 C. Même embarras pour la veuve remariée, qui « pour l'âme de son mari (défunt) prie et demande pour lui le rafraîchissement et la réunion dans la première résurrection, et fait des offrandes au jour anniversaire de sa mort ». De monogamia, c. x, P. L., t. ii, col. 992 C. C’est encore à Tertullien qu’on doit le renseignement relatif à la coutume d’offrir l’eucharistie pour les défunts le jour de leur enterrement et le jour anniversaire de leur mort. De eorona, c. iii, P. L., t. ii, col. 99 A.

Saint Cyprien relate que les évêques ses prédécesseurs ont porté une loi interdisant à un mourant de constituer un clerc son exécuteur testamentaire, ac si quis hoc fecisset, non ofjerretur pro eo, nec sacrificium pro dormitione ejus celebraretur ; neque enim apud altare Dei meretur nominari in sacerdolum prece, qui ab altari sacerdotes et ministros voluit avocare. Epist., i, n. 2, Hartel, p. 466. Ce texte nous apprend deux faits intéressants. Tout d’abord que l’habitude d’offrir le sacrifice eucharistique pour les défunts était une tradition reçue à l'époque de Cyprien dans l'Église de Carthage ; ensuite qu'être nommé au Mémento de la liturgie était un privilège hautement apprécié. La discipline qui privait de cette faveur certains coupables était déjà une arme redoutable entre les mains des évêques. Les anniversaires des martyrs étaient également commémorés par l’offrande du sacrifice eucharistique, mais avec une intention toute différente, comme il ressort des expressions différentes de Cyprien, qui ne donne pas à entendre que les martyrs puissent avoir besoin des prières des vivants. Epist., xii, n. 2, Hartel, p. 503 ; xxxix, n. 3, p. 583. Au contraire, les vivants peuvent avec raison se recommander aux prières des trépassés. De habitu virginum, n. 24 ; Epist. lx, n. 5, Hartel, p. 205 et ( 95.

Arnobe, aux environs de 300, présente un curieux témoignage. Il proteste contre la destruction des églises parce qu’on y prie pour les vivants et pour les morts : Cur immaniter convenlicula dirui ? in quibus summus oratur Deus, pax cunctis et venia postulatur…, adhuc vitam degenlibus et resolutis corporum vinctione. Adv. Nationes, t. IV, c. xxxvi, P. L., t. v, col. 1076.

Au iv p siècle les témoignages de saint Ambroise et de saint Jérôme sont à recueillir. Le premier, écrivant à un ami qui pleure la mort de sa sœur, fait cette recommandation : « Il ne faut pas tant la pleurer que l’assister de vos prières ; ne l’attristez pas par vos larmes, mais recommandez plutôt son âme à Dieu par des oblations. » Epist., xxxix, n. 4 ; voir aussi, dans le

même sens, De obitu Valenliniani, n. 56, 78, P. L.,

t. xvi, col. 1116 H, 1136, 1112 C. Dans l’oraison funèbre de l’empereur Théodose, saint Ambroise rappelle la coutume des Églises de consacrer certains jours

i la prière pour les morts, en certaines Églises, le troisième et le trentième ; en d’autres, le septième et le

quarantième. N. 3, col. 1448 H. Plus loin il s’adresse à Dieu en ces termes : Accorde, Seigneur, le repos à ton serviteur Théodose, ce repos que tu as préparé a tes suints… Je l’aimais, c’est pourquoi je veux l’accompagner au séjour de la vie ; je ne le quitterai pas tant que, par mes prières et mes lamentations, il ne sera pas reçu là-haut, sur la montagne sainte du Seigneur, où ceux qu’il a perdus l’appellent. » De obitu Theodosii, n.36, 37, P. L., t. xvi, col. 1460 AB.

Jérôme, lui, dans sa lettre à Pammachius pour le consoler de la mort de sa femme, fait l'éloge de sa conduite. « D’autres, dit-il, répandent sur les tombeaux de leurs épouses des bouquets de violettes, de roses, de lis, de fleurs empourprées 1 et c’est là toute leur consolation. Notre cher Pammachius verse le parfum de l’aumône sur une cendre sanctifiée, sur des ossements vénérables. Oui, voilà les aromates qu’il répand en leur honneur, se souvenant qu’il est écrit : « Comme l’eau « éteint le feu, ainsi l’aumône efface le péché. » (Eccli., m, 33). » Epist., lxvi, n. 5, P. L., t. xxii, col. 642.

2. Saint Augustin.

Ce maître si ferme dans son enseignement sur l’existence de peines purificatrices dans l’autre vie, est tout aussi affirmatif sur le secours apporté aux défunts par nos prières, nos aumônes, nos offrandes du saint sacrifice. « Nul doute, dit-il, que les prières de la sainte Église et le sacrifice salutaire et les aumônes des fidèles n’aident les défunts à être traités plus doucement que leurs péchés ne mériteraient. En effet, ce que nous avons appris de nos Pères (c’est-àdire de la primitive Église) et ce qu’observe l'Église universelle, c’est de faire mémoire, dans le sacrifice, de ceux qui sont morts dans la communion du corps et du sang de Jésus-Christ et, en même temps, de prier et d’offrir pour eux ce sacrifice. Par ailleurs, qui doute que les œuvres de miséricorde soient profitables aux morts, si toutefois ils ont vécu comme il convenait ? » Serm., clxxii, n. 2, P. L., t. xxxviii, col. 936. Même doctrine dans VEnchiridion, avec la remarque finale plus accentuée : « On doit alfirmer que les âmes des défunts sont soulagées par la piété de leurs (amis) vivants, quand pour elles sont offerts dans l'Église le sacrifice du divin Médiateur ou des aumônes. Mais ces suffrages profitent à ceux qui, pendant leur vie, ont mérité d’en tirer profit après leur mort. Car on peut avoir eu un genre de vie éloigné aussi bien de la perfection, qui après la mort se passe de tels secours, que de l’impiété, qui les rend inutiles… » Loc. cit., c. ex, t. xl, col. 283 ; Cf. De octo Dulcitii quæstionibus, q. ii, n. 3, col. 158.

Saint Augustin est revenu sur cette doctrine dans le petit traité De cura gerenda pro mortuis, écrit vers 421 en réponse à une question de Paulin de Noie sur l’avantage qu’il y a d'être enseveli près des tombeaux des martyrs. Saint Paulin ne pouvait mettre d’accord la dévotion à ce genre de sépulture dans le voisinage d’un corps saint et la parole de saint Paul : Tous les hommes seront jugés suivant ce qu’ils auront fait pendant leur vie. Cf. Rom., ii, 6. Augustin lui répond que les bonnes œuvres des vivants peuvent être utiles aux défunts dont la vie fut édifiante. La sépulture dans le voisinage des corps saints a ce bénéfice indirect de provoquer des prières plus ferventes dont les défunts retirent profit. Qu’importe si les défunts ignorent le soin que nous prenons de leurs tombeaux. L’important est de prier pour eux. Et Augustin d’invoquer l’autorité de II Macta., xii, 32. Mais la tradition seule suffirait à nous inciter à ce devoir, car, « même si la prière pour les morts ne se trouvait pas indiquée dans les Écritures,