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1203 PURGATOIRE. LES SUFFRAGES POUR LES MORTS (ORIENT) 1204

la discrimination des œuvres : il n’apparaît pas cependant que la purification même des œuvres moins lionnes soil Faite, comme l’insinue Tixeront, loc, cit., dans le jugement même. Les assertions des Pères doivent être, sur ce point, complétées par leur enseignement touchant l’utilité et l’efficacité des prières pour les défunts.

8° Le nom de Théodoret a été souvent cité comme celui d’un témoin de la croyance au purgatoire dans l'Église grecque. Saint Thomas invoque son autorité dans son opuscule Contra errores Grœcorum ; Gagnée cite un autre texte dans ses scolies des Pères grecs. Les deux textes sont reproduits par Nicolaï dans ses annotations à la Somme théologique. Mais il semble bien que ces deux textes soient apocryphes. Voir la note dans la P. G., t. lxxxiv, col. 445. Les Grecs ne les ont pas reconnus au concile de Florence.

La vraie pensée de Théodoret se trouve exprimée dans son commentaire sur I Cor., iii, f5. Elle mérite d'être rapportée, car elle contient deux interprétations dont la seconde au moins pourrait présenter un sens favorable au dogme de la purification dans l’au-delà. Dans la première interprétation, Théodoret distingue le prédicateur de la foi de son œuvre, qui est l’auditeur agissant à sa guise. Au jour du Seigneur, ceux qui auront bien agi et pourront présenter des œuvres, or et argent, ne recevront de l'épreuve du feu qu’une splendeur plus grande : ceux qui auront mal agi et auront fait l’iniquité seront brûlés comme foin, bois et paille, tandis que lui, le prédicateur de la bonne doctrine, ne sera jugé digne d’aucune peine et il obtiendra le salut. Le prédicateur sera sauvé, car il ne saurait être tenu responsable du mauvais usage que ses auditeurs auront fait de la bonne doctrine. Mais, « si l’on veut rapporter l’expression tanquam per ignem non à l'œuvre, mais au prédicateur, on devra la comprendre ainsi : le prédicateur n’aura aucune peine à subir pour ses œuvres, mais il sera lui-même conservé, tout en subissant l'épreuve du feu, puisque sa vie est conforme à sa doctrine. » P. G., t. lxxxii, col. 249-252.

9° Dans la deuxième moitié du ve siècle, Basile de Séleucie exhorte les pécheurs à détester leurs fautes, à l’exemple de David pénitent, afin de ne pas être laissés pour la purification du feu (o.yi o.£lvo>[xsv 0epa7T£u6^vai jrupî). Orat., xviii, in Davidem, P. G., t. lxxxv, col. 225. L’expression 6epa7reu0YJvoa enlève toute probabilité à l’interprétation visant le feu de l’enfer.

10° A la fin du siècle suivant ou au début du vu", la question du purgatoire est plus nettement posée par Maxime le Confesseur († 662), dans ses Quæstiones et dubia, interrog. x. Il s’agit d’expliquer l’expression suivante : « Dans le siècle futur, certains devront être jugés et purifiés par le feu. » « Cette purification, répond Maxime, ne concerne pas ceux qui sont parvenus à un amour parfait de Dieu, mais ceux qui ne sont pas arrivés à la complète perfection et qui ont leurs vertus mélangées de péchés. Ceux-ci comparaîtront au tribunal du jugement et, suivant l’examen comparatif de leurs bonnes et de leurs mauvaises actions, seront éprouvés comme par le feu. Si, dans la balance, le plateau des bonnes œuvres l’emporte, les mauvaises seront expiées dans une juste crainte et peine. » P. G., t. xc, col. 792-793. Encore une fois, il n’est pas dit que cette expiation sera dans et par le feu.

11° Dans l’opuscule De iis qui in fïde dormierunt, attribué (faussement d’ailleurs) à saint Jean Damascène, l’auteur narre l’histoire d’un disciple très négligent qui, malgré son peu de préparai ion au moment de la mort, fut pris en pitié par Dieu, touché des larmes et des prières de son vieux maître. Ce dernier vit son malheureux disciple tout d’abord plongé dans le feu jusqu’au cou, puis, une autre fois, émergeant jusqu'à la ceinture, enfin totalement libéré. N. 11, P. G., t. xcv,

col. 256. C’est un peu plus loin qu’on trouve l’histoire de Trajan libéré de l’enfer par les prières de saint Grégoire. Quoi qu’il en soit de ces historiettes, le seul fait qu’elles soient rapportées montre bien la croyance de l'Église d’Orient à une expiation ultra-terrestre.

Conclusion. — Nous arrêtons ici cette première partie de notre enquête concernant l’expiation ultra-terrestre. Désormais, la théologie orientale ira s’obscurcissant de plus en plus par l’apport de considérations plus ou moins erronées. Elle était pourtant déjà loin d'être claire ! On l’a constaté par tous les textes qui précèdent : l’influence de I Cor., ni, 15, sur la purification des fautes dans l’au-delà est prépondérante. L’influence de l’exégèse d’Origène ne l’est peut-être pas moins et, sauf quelques rares indications concernant un feu métaphorique (voir saint Cyrille d’Alexandrie, In Genesim, t. IV, n. 1, P. G., t. lix, col. 177 BC), la plupart de nos théologiens n’envisagent que le feu réel de la conflagration générale. Il ne saurait être question pour eux d’un feu spécial préparé, dans un lieu spécial. Cette interprétation doit être d’autant plus fermement écartée que, jusqu’au ve siècle, les Pères sont encore la plupart du temps confinés dans la formule archaïque de l'âme vraisemblablement déjà jugée tout aussitôt après la mort, mais placée dans un état d’attente du jugement définitif, lequel ne se produira qu'à la fin du monde. Voir Feu du purgatoire, t. v, col. 2252. Sans doute, à partir du ive siècle, bon nombre de Pères entrevoient déjà la rétribution immédiate, au moins pour les récompenses (voir Jugement, t. viii, col. 1786. sq.) ; mais beaucoup retiennent encore les formules archaïques de l'état d’attente. Ces formules trahissent l’embarras du théologien qui ne peut encore adapter complètement ses formules explicatives aux données positives de sa foi. Voir art. cit., col. 1787-1788. Elles nous permettent du moins de constater que les Pères des IVe et ve siècles, et spécialement saint Cyrille d’Alexandrie et Maxime le Confesseur, auraient facilement adapté leur conception d’une purification dans l’au-delà à notre croyance actuelle au purgatoire.

Pour arriver à une conception plus nette, il aurait fallu que la théologie orientale se dégageât complètement des formules archaïques et notamment de celles qui ont trait à la dilation des châtiments. Mais c’est le contraire qui peu à peu se produira et, lors du schisme du ixe siècle, Photius ne contribuera pas peu à faire accepter cette erreur par tous, creusant ainsi entrela théologie orientale et l’enseignement de l'Église romaine un fossé bien difficile à combler. Cf. Jugie, Theologia dogmatica christianorum orientalium, t. iv, p. 63 sq. Toutefois, en se dégageant des formules accessoires et que le progrès du dogme eût dû rendre caduques, on constate que le fond de la théologie orientale des IVe et ve siècles admet la doctrine d’une expiation dans l’audelà, réservée et proportionnée à certaines fautes qui ne séparent pas définitivement l'âme de Dieu ; or, c’est là l’essence même du purgatoire.

Il convient — et ceci renforce encore cette dernière constatation — d’y ajouter l’autre élément du dogme : la prière pour les défunts. Sur ce point, les témoignages de l'Église orientale des IVe et v° siècles sont pleinement concordants.

II. LES SUFFRAGES POUR LES DÉFVXTS.

A partir du IVe siècle, nombreux sont les témoignages qui se rapportent à la prière faite par les vivants pour les défunts en vue de leur soulagement. Nous interrogerons les Pères, les liturgies et l'épigraphie.

Les Pères.

Eusèbe de Césarée rapporte qu’en

337 le corps de Constantin le Grand fut déposé devant l’autel où prêtres et fidèles offrirent à Dieu des prières pour l’empereur défunt. Vzfa Constanlini. t. IV, c. lxxi, P. G., t. xx, col. 1225.

En 348, saint Cyrille de Jérusalem nous montre quelle