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PURGATOIRE LA TRADITION PRIMITIVE

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la canonicité de l'épître de Jacques. Ainsi la condamnation portée par Léon X isait non seulemeni à proclamer le fondement script uraire <ln dogme <ln purgatoire niais encore à restaurer la canonicité <ln II « livre des Machabées niée par Luther à l’occasion de ce fondement.

L’analyse des textes du Nouveau Testament invoqués en faveur de l’existence <ln purgatoire montre qu’ici l’argument dém instratif est moins direct, moins efficace, on doit même convenir que plusieurs de ces textes ne sont pas ml rem ou qu’il faut employer un véritable raisonnement théologique pour en tirer une indication en faveur du purgatoire. Quelques-uns néanmoins, notamment Matth., xii, 31-32, et I Cor., m, 10, d’une façon plus nette, Matth., v, 25, et peutêtre I Cor., xv, 29, d’une façon plus lointaine, suffisent à contrecarrer les prétentions de Luther. « Sans avoir par eux-mêmes rien de démonstratif, [ces textes | s’opposent néanmoins à son principe fondamental de la justification par la foi, qui soustrait le pécheur à toute pénalité, à toute expiation ultérieure ». Bernard, art. Purgatoire, dans Dict. apol., t. iv, col. 504.

C’est, semble-t-il, sur cet aspect de l’argument scripturaire qu’il aurait fallu insister davantage dans la polémique contre les protestants, lit c’est peut-être le meilleur point de départ pour défendre, contre des négations radicales, le développement de la croyance à l’expiation d’outre-tombe. D’ailleurs, le théologien catholique sait que l’assertion scripturaire explicite n’est pas nécessaire pour appuyer la révélation : l’enseignement oral d’une tradition divine ou apostolique sullit. De plus, le purgatoire n'étant pas un dogme dont la connaissance explicite est requise pour le salut, on peut concevoir que sa révélation a tout d’abord été plus ou moins implicitement renfermée dans le dogme général de l’expiation personnelle exigée par la justice divine, sous l'économie présente de la rédemption, pour nos fautes personnelles. C’est là, estimons-nous, le meilleur argument dans la polémique antiprotestante. Aussi, sans négliger la valeur implicite des arguments scripturaires rappelés ci-dessus, devons-nous maintenant envisager, dans le dogme général de l’expiation chrétienne, les premières manifestations de la croyance implicite au purgatoire.

II. La tradition orientale jusqu'à la fin du me siècle. — i. fondements. — 1° L’expiation personnelle dans l'économie de la rédemption. — 1. L’héritage de la théologie juive. — L’Ancien Testament, avons-nous dit, tout au moins jusqu'à l'époque d’Lsdras, est orienté vers les rétributions collectives de ce monde : la Loi a pour but de rappeler au peuple élu de Dieu le rôle qu’il doit jouer ici-bas, pour y conserver et propager le culte du vrai Dieu. Les fautes contre la Loi ont pour compensation des expiations d’ordre légal, expiations purement rituelles par le sacrifice extérieur, indépendant, semble-t-il, des sentiments de pénitence intérieure qui devraient les commander.

Toutefois, à côté de l’expiation rituelle par le sacrifice extérieur, moyen officiel d’expiation, on devine souvent, on saisit parfois un autre moyen d’expiation, celui-là d’ordre intérieur : l’expiation du péché par la prière et la pénitence et souvent par l’intermédiaire du juste en faveur du pécheur. La Bible offre ainsi des exemples de pardon accordé en considération des mérites des justes : voir l’intercession d’Abraham en faveur des villes coupables, Gen., xviii, 17 ; l'épisode d’Abimélech, Gen., xx ; la médiation de.Moïse en faveur du peuple rebelle Num., xiv, 13-19 ; Samuel priant pour le peuple d’Israël, I Beg., xii, 19 sq. D’autres fois, c’est le coupable lui-même qui expie par la prière et la souffrance sa propre faute : le livre des Juges et les livres des Bois contiennent maints exemples de ces expiations salutaires, soit collectives,

| soit individuelles. Voir II Beg., xi-xii : péché et confession de David ; III l'.eg., xxi, 27-29 : crime et repentir d’Achab ; IV Beg., xx, 12-19 : faute d'Ézéchias, qui s’humilie sous le châtiment divin ; II Par., xxxiii, 11-13 : repentir de Manassé. Deux idées se trouvent ainsi fréquemment juxtaposées : la nécessité d’une expiation pour le péché, la loi de solidarité qui permet au juste de se substituer au pécheur. A vrai dire, cette seconde idée apparaît assez tard dansla théologiejuive. Dans le livre de Job, la soulfrance du juste demeure encore un mystère. C’est surtout dans la prophétie messianique du « serviteur de Jahvé », Is., lui, que la substitution du juste au pécheur est affirmée nettement. Ici, en effet, le serviteur de Jahvé désigne non l’Israël réel, ni l’Israël idéal, ni aucune collectivité, ni aucun personnage de l’Ancien Testament ; il désigne le Messie : le Sauveur innocent souffre pour les coupables et à leur place ; sa substitution présente un caractère pénal, et son expiation, de la part de Dieu comme de sa part, est une œuvre d’amour.

Au I er siècle de notre ère, la théologie juive recueille cette idée de solidarité en vue de l’expiation. Elle insiste sur les mérites des pères, les bonnes œuvres des justes, l’efficacité de leurs suffrages. Voir surtout dans le IIe et le IVe livre des Machabées les jeunes martyrs sauvant Israël par leur sacrifice expiatoire. Sur tous ces points, on consultera A. Médebielle, L' expiation dans l’Ancien et le Nouveau Testament, i, l’Ancien Testament, Borne, 1925 ; art. Expiation, dans Suppl. du Dict. de la Bible, t. iii, col. 97 sq.

Pour faire sortir de cette double idée générale : l’expiation nécessaire à foute faute et l’efficacité de l’intervention des justes en faveur des pécheurs, l’essentiel de notre dogme du purgatoire, il aurait suffi de projeter cette doctrine dans la vie de l’au-delà. A part la brève indication relevée, dans II Mac, il ne paraît pas qu’une doctrine juive se soit formée à cet égard. Du moins allons-nous trouver dans le Nouveau Testament une indication en ce genre ?

2. L’expiation personnelle en face du mystère de la rédemption. — La rédemption par le Christ est une expiation du juste pour les pécheurs : cette conception n'était pas, nous l’avons vii, inaccessible aux Juifs, puisqu’elle s'était déjà affirmée dans le Serviteur de Jahvé annoncé par Isaïe et dans les sacrifices expiatoires offerts par les jeunes martyrs des livres des Machabées. A plus forte raison faut-il accorder au Christ de s'être, dans son sacrifice, substitué aux hommes pour leur obtenir de Dieu le pardon de leurs fautes et la réconciliation de leurs âmes.

Toute la question est de savoir si l’expiation offerte par Jésus-Christ est exclusive ou non d’une expiation personnelle, à laquelle les pécheurs seraient encore tenus à l'égard de Dieu. Élucider ce point de départ est absolument nécessaire à la théologie du purgatoire.

a) Les péchés remis par le baptême ne comportent pas cette expiation personnelle du pécheur. — La voie normale du baptême, par laquelle se fait à l’homme pécheur l’application première des mérites satisfactoires du Christ, dégage l’homme régénéré de toute obligation de satisfaire à Dieu pour ses péchés effacés. Non seulement la réparation est complète, mais le fruit de la rédemption est, pour l'âme régénérée, une élévation à la vie surnaturelle. Jésus est sauveur par la croix et il ne nous sauve qu’en nous associant à sa mort. Pour devenir salutaire, cette participation à la mort du Christ se réalise en chaque homme par le baptême :

Ignorez-vous que nous tous qui avons clé baptisés en le Christ Jésus, nous avons été baptisés en sa mort ? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême (pour nous unir) à sa mort, a fin que, comme le Christ a été ressuscité des morts par la gloire de son Père, nous marchions aussi dans la nouveauté de la vie. Si, en effet, nous avons été unis