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    1. PURGATOIRE##


PURGATOIRE. LE NOUVKAU TESTAMENT

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sente. Cf. Mattb., xiii, 22, 39 ; xxiv. 3 ; Marc, iv, 19 ; Luc, xvi, 8 ; xx, 34, etc. ; tandis que l’expression alwv (jiéXXwv, identique à atûv èp/ôu-evoç, se rapporte non au temps à venir sur la terre, niais au temps qui suit la mort, celui dans lequel on obtient la vie éternelle. Cf. Marc, x, 30 ; Luc, xviii, 30. Jésus affirme donc ici qu’il y a des péchés qui, n'étant |>as remis en ce monde, le seront dans l’autre. Toutefois, le Sauveur ne parle pas de peines à subir en vue d’obtenir cette rémission. Il pourrait donc rester un léger doute sur la valeur pleinement démonstrative de ce texte en faveur du purgatoire, le péché pouvant être remis dans l’autre vie au moment même du jugement de l'âme, grâce à son repentir et à la miséricorde de Dieu. Toutefois, étant donné le dogme du purgatoire, le sens le plus obvie de ce texte paraît être l’expiation dans l’autre vie de certains péchés légers ou incomplètement remis. On peut raisonner ainsi : « Pour que cette formule déclarative s’explique adéquatement, il est juste d’entendre que certains péchés sont rémissibles en l’autre monde, ce qui implique une pénalité encourue, à tout le moins la privation temporaire de la vision de Dieu, et par le fait, une expiation. » Bernard, ait. Purgatoire, dans Dict. apol., t. iv, col. 505. D’ailleurs, le fait que la rémission pourrait être conçue comme se réalisant dans le jugement même n’infirmerait pas la valeur de la preuve scripturaire du purgatoire, une des formes primitives de la croyance au purgatoire étant précisément la croyance à une purification d’outre-tombe par le feu du jugement. Voir Feu du jugement, t. v, col. 2242-2243 ; voir aussi ci-dessous.

2° Matth., v, 25-26. — « Sois facile avec ton adversaire au plus tôt, tandis que tu es en chemin avec lui, de peur que ton adversaire ne te livre au juge et le juge à l’appariteur, et que tu ne sois jeté en prison ; en vérité, je te le dis, tu ne sortiras pas de là que tu n’aies payé la dernière obole. » Ce texte de Matthieu est éclairé par le texte parallèle de Luc, xii, 58-59. Notre-Seigneur use de paraboles pour enseigner aux Juifs la conduite à tenir en face du jugement futur de Dieu. Les destinataires de la parabole sont encore « en chemin », c’est-àdire en cette vie. Mais celui à qui s’adresse la recommandation : « Sois facile avec ton adversaire » est un accusé débiteur. Le châtiment divin n’est pas envisagé comme une coercition temporaire : le thème n’est donc pas la réconciliation, mais la nécessité de la pénitence pour éviter le châtiment. Ce qui ressort de la parabole, c’est donc qu’il faut être en paix avec son prochain, en règle avec Dieu, pour éviter un châtiment redoutable. Faut-il pousser plus loin l’allégorie et reconnaître dans la « prison » dont est menacé le débiteur soit l’enfer, comme le pensent les Pères latins en général, soit le purgatoire, comme opinent quelques exégètes à la suite de saint Cyprien, Epist., lv, ad Anton., n. 20, Hartel, p. 638? Il' est difficile de le dire, encore qu’il soit certain que Jésus ne nie pas que la dernière obole puisse être payée. Tout ce qu’il est permis d’affirmer en s’en tenant au texte lui-même, c’est qu’il n’est pas impossible d’y voir une allusion au purgatoire. Mais cette interprétation ne s’impose pas exclusivement et n’a pas de valeur dogmatique absolue. Cf. Knabenbauer, Evang. sec. Matthseum, t. i. Paris, 1892, p. 221> ; Lagrange, Evang selon saint Luc, Paris, 1921, p. 370 ; Evangile selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 100-101. Bellarmin dépasse donc la portée du sens littéral lorsqu’il voit dans ce texte l’indication claire du purgatoire. Ce texte, dit-il en substance, ne peut s’interpréter de l’enfer, comme le voulait saint Augustin, De sermone Domini in monte, t. I, c. xi, P. L., t. xxxiv, col. 1243, ni même de l’ensemble des peines de l’enfer et du purgatoire, comme le voulaient Albert le Grand, Optra, éd. Vives, t. xx, p. 184-195, et Cajétan, In Matthœum, v, 22, puisque le

texte « indique clairement » une peine qui doit finir un jour. Bellarmin ajoute que ce texte ne peut s’entendre des jugements et des peines de cette vie, comme le veut si’iut Jean Chrysostome, P. G., t. lvii, col. 251, puisque l’expérience de cette vie montre fréquemment que les prisonniers sont graciés avant l’expiration de leur peine. Seul donc le purgatoire répond à cette prison dont on ne sort qu’après avoir entièrement payé sa dette.

3° Luc, xvi, 9. — « Et moi je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent de l’injustice, afin que, lorsqu’il fera défaut, ils vous reçoivent dans les tentes éternelles. » D’après Bellprmin, le sens de ce texte n’est pas seulement que ceux qui auront fait l’aumône seront sauvés après leur mort à cause de leurs bonnes œuvres, mais qu’après leur mort les prières des saints soulageront leurs âmes. En réalité, une telle interprétation est excessive. Cette conclusion se lit à la fin de la parabole de l’intendant infidèle, qui avait su prendre les débiteurs de son maître par l’intérêt et en avait fait ses complices. De tels procédés, la véritable sagesse ne peut tirer, en les constatant, qu’une intense mélancolie. Mais il y a mieux à faire, et c’est ce qu’indique Jésus-Christ dans la conclusion. La parabole est alors transposée : avec cet argent, le vrai disciple du Christ saura se faire des amis dans l’autre monde, non pas en trafiquant, comme l'économe infidèle, mais en se dépouillant par l’aumône au profit des pauvres. Quand l’argent d’injustice (lisez : qui pourrait facilement devenir occasion d’injustice) fera défaut, en raison de la mort où il faut tout abandonner, l’aumône qu’on aura faite avec lui procurera des amis dans l’autre vie. Cette amitié, sans doute, se traduira d’une façon effective, mais de quelle façon. Sans doute de manière à nous faciliter l’entrée au ciel. Mais l’idée de la délivrance du purgatoire ne saurait être ici que très vague.

A" Matth., v, 22. — « Moi, je vous dis que quiconque se mettra en colère contre son frère sera justiciable du tribunal ; et quiconque dira à son frère : Raca ! sera justiciable du sanhédrin ; et quiconque dira : Fou ! sera justiciable envers la géhenne du feu. » Bellarmin construit sur ce texte un argument dialectique en faveur du purgatoire : quand le Christ menace ainsi de sanctions celui qui s’irrite contre son frère, il parle des peines à souffrir dans l’autre vie ; or, parmi ces peines, la géhenne du feu est indiquée pour l’injure la plus grave ; il existe donc des sanctions moins sévères. Il est incontestable que Jésus oppose ici le jugement divin dans l’ordre spirituel au jugement terrestre, tel qu’il était prévu par la Loi interprétée par la tradition juive. D’après la justice juive, l’homicide est justiciable du simple tribunal de vingt-deux membres pris dans le sanhédrin ; mais, pour une simple colère d’un frère contre son frère (au ꝟ. 47, le Christ laissera entendre qu’il ne s’agit pas seulement d’un frère israélite, mais de tout homme, tous devenant frères par le christianisme), déjà un jugement comparable à celui du simple tribunal est promis. Une injure plus forte sera justiciable du sanhédrin tout entier, c’est-à-dire sera jugée par Dieu plus sévèrement encore. Enfin, la géhenne, punition suprême, est réservée à l’injure suprême. La conclusion que Bellarmin veut tirer de ce passage n’apparaît que fort lointaine : elle est légitime cependant, surtout si l’on se souvient que tout ce passage de Matthieu prépare l’allusion à la prison dont l’accusé ne sortira qu’après avoir payé la dernière obole. Voir cidessus, n. 2.

5° Luc, xxiii, 42. — « Il ajoutait : Jésus, souviens-loi de moi quand tu viendras dans ton règne. » Il s’agit du bon larron, qui « jamais n’aurait ainsi parlé s’il n’avait cru qu’après cette vie les péchés peuvent être remK que les âmes ont besoin de secours et peuvent en être réconfortées ». Si vague et si lointaine que soit ici l’ai-