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    1. PROVIDENCE##


PROVIDENCE. S. AUGUSTIN, LA NOTION’JU4

parcourt les textes où Augustin nomme la providence, on volt d’abord qu’il entend désigner par là un attribut divin. Il est lies rare qu’il nomme la providence sans y joindre un déterminatil ou un qualificatif qui en montre le caractère divin ; le plus souvent il dit providentiel divina ou providentia Dei, quelquefois aussi l>rovidenlia Creatoris ou providentissimus Deus. Et même cet attribut est une prérogative divine : la providence est exclusivement divine.

2. Si l’on pénètre plus avant, on voit qu’Augustin considère la providence comme s’exerçant sur l’univers. Parcourons ces textes :

C’est la providence, ou Dieu par sa providence, qui crée le monde et le gouverne. De civ. Dei, XII, vi ; XVIII, xli ; XV, xxvii ; De diversis quoeslionibus lxxxiii, q. lui ; De Gen. ad litler., V, xxii, 43.

La providence, s’étendant du plus petit des êtres jusqu’au plus parfait, harmonise dans l’univers cette hiérarchie de beautés qui en fait la splendeur. De civ. Dei, X, xiv, xvii ; XXII, xxiv. C’est elle qui dispose la marche des siècles, ordinare temperum cursum. De civ. Dei, X, xv. C’est encore elle qui constitue les empires, distribue les royaumes, élève ceux-ci au pouvoir et aux honneurs, et abaisse ceux-là dans la sujétion et la servitude. Ibid., V, i, xi, xix ; XVIII, il.

C’est la providence qui trace les lois des générations et des naissances. Epist., cxl, 31 ; De civ. Dei, XXII, xxiv ; VII, xxix. Elle aussi de qui relèvent les faits merveilleux aussi bien que le cours ordinaire de la nature. Ibid., X, xvi. La providence encore qui dote l’homme de tous les organes requis au ministerium animée rationalis, XXII, xxiv ; qui pourvoit aux besoins de chacun : sua cuique distribua. XIV, xxvii. C’est la providence qui a préparé cette regalis via liberandæ animée qu’est la religion du Christ, X, xxxii ; elle qui a donné à l’Écriture son incontestable supériorité sur les autres œuvres de l’esprit humain, XI, i ; elle qui distribue indistinctement les biens et les maux temporels aux justes comme aux impies, I, vin ; elle qui, par la marche des événements qu’elle dirige, corrige le vice et éprouve la vertu. I, i ; II, vu.

C’est la providence encore qui ordonne dans le présent les événements favorables et permet les adversités, XVII, xxin ; qui dispose les joies et les afflictions du juste, qui punit immédiatement certaines fautes et retarde la sanction de certaines autres, elle qui réserve pour le dernier jour la sanction définitive. I, vin.

C’est elle aussi qui exerce et purifie les justes, qui distribue sa grâce selon son bon plaisir et non selon nos mérites. Epist., cxciv ; De civ. Dei, II, xxix.

C’est la providence qui brise notre orgueil et purifie notre foi par l’incompréhensible exécution de ses insondables desseins. Ibid., XI, xxii ; XII, iv ; Cont. Acad., i, xii.

C’est elle qui tire le bien du mal, même du péché, De Gen. contra manich., II, xxviii, 42 ; elle qui rétablit l’ordre de la justice, maintenant en partie, au dernier jour dans sa totalité. De civ. Dei, II, vu ; I, viii ; De divers, quæsi., q. nu, 2 ; elle enfin qui remplit les désirs de la créature raisonnable et la met en possession de sa fin en la conduisant ad perfectionem sapientiee. De civ. Dei, X, xxix.

Action gubernalrice.

Cette action divine sur

l’univers est une action directrice et gubernalrice.

1. Elle se dislingue de l’action créatrice.

On a peut-être remarqué que la création est nommée elle aussi parmi les attributions de la providence : Augustin parle en effet, en plusieurs endroits, de la providentia, per quam (Deus) omnia creavit et régit, De musica, VI, xvii, 56 ; cf. aussi De civ. Dei, I, xxviii ; XII, iv ; en sorte que l’on pourrait croire que le terme de providence désigne l’ensemble de l’action divine sur l’univers, sans distinguer entre création et direction. Cepen dant, un examen plus attentif des textes conduit à une autre conclusion.

a) Il est aisé de voir d’abord que les textes invoqués, bien qu’ils nomment la création, n’excluent jamais de la providence l’action gubernatrice ; au contraire, ils la supposent, même s’ils ne la nomment pas. De civ. Dei, XII, iv.

b) Certains de ces textes, où création et gouvernement sont ensemble attribués a la providence, donnent la prépondérance à l’élément gouvernement, cf. De civ. Dei, I, xxviii, où il s’agit nettement du gouvernement divin (pourquoi la providence a permis les violences exercées sur les chrétiens ; et nullement de la création, qui est seulement nommée.

c) Ailleurs, ces deux prérogatives de la providence semblent n’avoir été rapprochées que pour être mieux distinguées, et l’on y voit que pour Augustin la providence est proprement gubernatrice. Quod verus Deus mundum condideril, et de providentia cjus, qua, universum quod condidil, régit, ibid., i, xxxvi, où l’on voit que création et gouvernement sont distincts, la création attribuée au verus Deus, et le gouvernement (regere) à sa providence.

Oue si maintenant on considère les textes où Augustin nomme la providence, on y verra clairement qu’il entend toujours faire de l’idée de gouvernement une note essentielle de la providence : il sépare en effet création et gouvernement ; on l’a déjà vu au dernier texte cité. Il y insiste : C’est Dieu qui a créé le monde, mais c’est en tant que providence qu’il l’administre… Quod mundum istum fecerit Deus, eumque ipse providentissimus adminislrel. Ibid., XVIII, xli.

d) Enfin, certains autres textes, replacés dans le contexte historique, montrent qu’Augustin ne fait nullement de la création un élément caractéristique de la providence. Dans De civ. Dei, IX, xiii ; X, xvii, Augustin rapporte et fait sienne la notion de providence professée par les néo-platoniciens. Or, cette notion est caractérisée par l’idée de direction, de gouvernement (regitur mundus, administrai), et cela à l’exclusion de la création : on sait en effet que ces philosophes rejetaient la création, au moins la création in tempore. Cf. Plotin, Ennéades, III, ii, 1. Mais Augustin, lui, tenait de la foi la création, et la création in tempore ; si donc il avait inclu la création dans la notion de providence, il n’aurait pu féliciter les néoplatoniciens d’une notion d’où la création était précisément exclue.

2. Elle est proprement gubernalrice.

a) Il est facile de le déduire des textes où Augustin nomme la providence.

Puisque, en effet, le propre de l’action gubernatrice est de conduire vers une fin l’être sur lequel elle s’exerce, on en conclura que l’action exercée par la providence sur l’univers est une action gubernatrice elle aussi, puisque nous la voyons toujours s’exercer en vue d’une fin (médiate ou immédiate, particulière ou universelle).

Si en effet la providence permet les maux dont souffre l’empire et que l’on impute aux chrétiens, c’est qu’elle veut corriger les mœurs dépravées, éprouver le juste, puis récompenser la vertu ainsi purifiée et éprouvée. De civ. Dei, I, i. Si elle ne fait aucune distinction entre le juste et l’impie dans la distribution des biens temporels, c’est pour en détacher le juste, en lui montrant qu’ils ne sont pas une preuve de justice puisque l’impie y a sa part lui aussi. Ibid., i, vin.

Si elle agrée les devoirs de piété que l’on rend aux cadavres des défunts, c’est que par là elle entend affermir dans les âmes la croyance en la résurrection de la chair : propler fidem resurreclionis aslruendam. Ibid., I, xiii.

La diaspora elle-même a été voulue de la providence, afin de faire resplendir dans l’univers la vérité